Critique : Night watch

Patrick Antona | 23 septembre 2005
Patrick Antona | 23 septembre 2005

Alors le voilà ce fameux film de vampires qui a explosé le box-office russe il y a de cela deux ans au point de générer la mise en chantier de deux suites (syndrome de la trilogie quand tu nous tiens…), existant déjà en librairie il est vrai. Si à la rédaction d'Écran Large, on essaie d'éviter les parallèles vaseux, on ne peut s'empêcher de rapprocher la vision de Night watch à la dégustation d'une salade russe. Avec comme ingrédients principaux, une bonne dose de Blade par son évocation moderne et urbaine du mythe du vampire, un bonne louche de Underworld par la lutte que se livrent deux sociétés secrètes de surhommes, un soupçon de Highlander pour une introduction historique et martiale, le tout copieusement arrosée d'une rasade de Matrix avec parcours initiatique pour héros ambivalent à la destinée prophétique et quelques scènes de bullet-time. Sans oublier des petits morceaux de Star wars dedans avec sa lutte du bien et du mal, mentor maléfique ou bienveillant et un protagoniste capable de faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Ouf !

Ce procédé ultra référentiel ne nuit en rien à une première moitié de film plutôt enlevée (on peut d'ailleurs s'amuser à égrener les divers emprunts), usant avec soin d'un cadre moscovite terne et réaliste et s'appuyant sur une ambiance de fin du monde savamment distillée, sans oublier une bonne petite pointe d'humour (le Néo de l'Est carbure à la vodka, les cascades sont faites en camion !). Jamais avare sur le gore et disposant d'effets spéciaux visuels et de maquillage de qualité, Night watch ne tient malheureusement pas ses bonnes ambitions sur la longueur. Car le réalisateur Timur Bekmambetov a inutilement compliqué son intrigue et on se retrouve à suivre pratiquement trois intrigues parallèles qui, pour certaines, se résument à de longs tunnels scénaristiques, avec en sus, une amorce de film catastrophe avec son avion de ligne en perdition au-dessus de Moscou. Tout comme la profusion de caractères de second plan qui sont trop prestement évacués sans que leur potentiel soit correctement utilisé (le duo Ours/Tigresse et la chanteuse vampire Alisa), donnant un sentiment de voir plus une longue article-details_c-trailers qu'un film pleinement construit (le syndrome de la Trilogie cité plus haut).

Ce qui est dommage car, dans certaines scènes, Timur Bekmambetov se révèle être un metteur en scène plutôt inspiré (une scène de chasse au vampire invisible, dynamique et sanglante à souhait) qui sait également user intelligemment du numérique comme le démontre le plan de la chute d'un boulon d'un avion directement dans la tasse à café d'un protagoniste. Mais la volonté de faire cut ne lui permet pas d'exploiter au mieux ses comédiens, qui se débrouillent plutôt bien dans ce foutoir ambiant. On déplora aussi cette constance de vouloir ajouter inutilement du dialogue là où une ellipse narrative aurait été la bienvenue. De même, la mauvaise idée de faire un final très ambitieux, cumulant bataille épique inter dimensionnel et duel épée contre néon (!?) qu'un montage trop brouillon finira par plomber, démontre plus d'une volonté d'exposer un savoir-faire, façon d'en remontrer au cinéma hollywoodien, que celle de servir une histoire qui finit par aller dans tous les sens.
Il reste à espérer que, pour les deux épisodes prévus à l'horizon 2006, Timur Bekmambetov, qui reste aux commandes, saura savamment rectifier le tir et proposer un spectacle plus enlevé et maîtrisé. Car même pour faire une bonne salade russe, il ne suffit pas d'avoir les ingrédients et une recette éprouvée, il faut que le chef soit aussi bien inspiré.

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