Critique : Je lis dans tes yeux

La Rédaction | 13 juillet 2005
La Rédaction | 13 juillet 2005

Trois femmes, trois générations, entre Rome et Naples s'aiment, se déchirent et peinent à communiquer les unes avec les autres. Margherita, la grand-mère, chanteuse fantasque et volage, affronte une crise à la fois personnelle et professionnelle, suite à une douloureuse opération des cordes vocales. Ironie du sort, pour cette mère qui ne parvient pas à parler sereinement avec sa propre fille, établissant ainsi une étrange relation conflictuelle à base de je t'aime moi non plus. Ces trois petits mots "je t'aime" ressentis mais tellement difficiles à exprimer… Chiara, sa fille, s'en est par conséquent éloignée, jugeant sa mère sur son mode de vie et sa carrière. Les deux femmes ne se comprennent pas, et la tension flotte toujours dans l'air lors de leurs rares entrevues. Chiara exerce la profession d'orthophoniste ; ne pouvant établir de communication avec sa mère, elle tente d'aider les autres à mieux s'exprimer, voire retrouver la parole pour certains. Divorcée, elle élève seule sa fille, Lucia, du mieux qu'elle peut mais l'étouffe – au sens propre comme au figuré (la petite est asthmatique) – par excès d'amour, elle qui en a visiblement manqué dans son enfance.

La fillette va devenir un pont entre Margherita et Chiara, tissant le fil invisible d'un amour non déclaré. En s'échappant avec sa grand-mère, Lucia accède à une liberté qu'elle ne connaissait pas alors. Ce voyage représente pour elle une véritable bouffée d'oxygène et elle découvre avec ses yeux d'enfant émerveillée les coulisses du spectacle. Ce goût d'indépendance lui donne des ailes, à l'image de la chrysalide qui se transforme en papillon, n'étant plus, l'espace de quelques jours, surprotégée par une mère angoissée. À travers Lucia, Margherita peut enfin devenir la mère qu'elle n'a jamais été, tout lui paraît plus simple au contact de cette enfant. Car les enfants ne jugent pas et débordent de spontanéité. Grâce au regard que sa fille porte à sa grand-mère, Chiara finira par accepter sa mère telle qu'elle est, avec ses qualités et ses défauts, réalisant les moments perdus et les actes manqués.

Je lis dans tes yeux est un film de femme qui s'adresse aux femmes, évoquant avec justesse la complexité des relations mère-fille et de leurs conséquences parfois désastreuses. Il s'achève sur une déclaration d'amour assez émouvante de Margherita envers sa fille. La communication restant leur point faible, elle lui dédiera une chanson – le titre du film. Je lis dans tes yeux que tu as besoin de moi, premières paroles révélatrices. Si les regards suffisent parfois à se comprendre mutuellement, certains mots sont nécessaires pour exprimer ses sentiments profonds. Que le spectateur ne se méprenne point, nous ne dévoilons ici finalement que peu de choses, tellement le film ne raconte rien d'autre que cette histoire de femmes perdues et dépassées par leurs sentiments. L'extrême lenteur et le manque d'action concrète pourra en rebuter certains car si le thème central donne matière à digresser, il reste au final assez mal exploité comparé aux films de Gabriele Muccino (Juste un baiser, Souviens-toi de moi) qui apporte une force inestimée aux situations de crises décrites. On laissera à la réalisatrice le bénéfice de la première fois, très rarement complètement aboutie.

NB : Le producteur Nanni Moretti n'a pas pu s'empêcher de diffuser son court métrage La Dernière cliente en avant-programme, certes touchant, mais légèrement inapproprié au sujet du film qu'il précède. Ce court métrage de 23 minutes figure également au menu des bonus DVD d'Aprile.

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