Critique : Ray

George Lima | 8 février 2005
George Lima | 8 février 2005

Rendre hommage sans déifier, ou la recette de la biographie réussie selon Taylor Hackford. En ne sacralisant jamais son héros, le réalisateur d'Officier et gentleman évite un des travers les plus courants d'un genre ô combien périlleux. À plus forte raison quand l'objet de l'adaptation est l'un des plus grands mythes de l'histoire de la musique américaine.

Mondialement célèbre pour sa musique, « le génie de la soul » est ici au cœur d'une touchante et tumultueuse histoire intime relativement peu connue du grand public. Pauvreté, noyade du frère et cécité précoce pour ne citer qu'eux, les drames de « l'enfant Ray » furent nombreux. Les traumatismes et l'esprit de survie qu'ils engendrèrent chez lui expliqueront d'ailleurs à bien des égards le tempérament du musicien et de l'adulte qu'il sera. Un adulte dont les zones d'ombre ne sont pas qu'effleurées par le scénario malgré le respect dû à la carrière du monsieur. Infidèle récidiviste et héroïnomane notoire, Ray Charles eut une vie riche mais parsemée des souffrances qu'il subissait et qu'il infligeait à ses proches quand ses démons refaisaient surface. Une facette contestable de sa personnalité, qui aurait sans doute mérité un traitement plus subversif pour rendre le propos moins académique et moralisateur dans son dénouement. Par excès de politesse, le réalisateur manque de peu la biographie d'anthologie, mais difficile de le blâmer. Ayant collaboré de son vivant au projet, Ray Charles était un tel monstre de charisme qu'il semblait difficile de dépasser le mythe. L'aide était incontestablement précieuse pour la véracité des faits, mais certainement handicapante pour imposer sa propre vision de cinéaste. Peu de réalisateurs auraient mieux fait. D'autant plus que le manque d'audace d'Hackford ne fait pas de lui un metteur en scène groupie ou complaisant.

Doté d'une bande-son rassemblant tous les standards de Ray Charles, le film s'envole dans chaque partie « musicale ». De l'émergence d'une vocation à la naissance du musicien de génie, en passant par ses débuts dans les clubs ou encore par la signature de contrat avec une major, Ray est non seulement une balade nostalgique dans l'histoire de la musique soul, mais aussi le portrait passionnant d'une ascension dans l'industrie du disque et dans le cœur des mélomanes du monde entier. Avec, pour points d'orgues, l'enregistrement de Georgia en studio et la naissance de Hit the road Jack, et sa cadence et son phrasé si sec fantasmés cinématographiquement par Hackford lors d'une scène de ménage entre Ray et Margie, une de ses Raelettes et maîtresses. Dommage en revanche que le scénario passe trop rapidement sur le combat de l'artiste contre la ségrégation raciale et sur les vingt dernières années de sa vie. Certes, la légende s'est forgée dans la période ciblée par le scénario, mais le dénouement reste trop abrupt.

Vainqueur du Golden Globe (en attendant l'Oscar), Jamie Foxx est quant à lui absolument irréprochable. À l'instar de ce qu'avait accompli Will Smith pour Ali, sa ressemblance avec le chanteur est si troublante qu'on en oublie l'acteur pour ne plus penser qu'à Ray Charles, qui deux heures et demie durant revient du royaume des morts. Qu'il sourit, chante, joue du piano, séduise ou s'exprime, Jamie Foxx s'est emparé des mimiques et de l'énergie du musicien dans les moindres détails. L'exploit consistant à ne jamais singer ou surjouer malgré la singularité d'un tel personnage. Les fans de Ray Charles ne pourront qu'apprécier la performance qui, associée à un solide scénario, rend un bel et ultime hommage à un artiste rare et précurseur qui marquera à jamais l'histoire de la musique.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(4.8)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire