Critique : Tarnation

Stéphane Argentin | 9 novembre 2004
Stéphane Argentin | 9 novembre 2004

Tarnation aurait tout aussi bien pu s'intituler « L'histoire d'une vie foutue en l'air » tant le sujet et son traitement ont bien une chose en commun : un traitement choc et à l'état brut ! Autodidacte et grand cinéphile, Jonathan Caouette shoote en amateur tous les instants de sa vie et ceux de sa mère, Renée, qui lui tombent sous la main, depuis qu'il a soufflé ses onze bougies. À l'aube de ses trente printemps, il se décide enfin à compiler ces kilomètres de pellicule en triturant et montant les images dans tous les sens, le tout entièrement réalisé à l'aide du logiciel iMovie sur ordinateur Mac, et pratiquement seul (Jonathan Caouette est crédité comme scénariste, réalisateur, producteur, directeur photo, monteur et designer sonore du film !).

Le résultat : vingt ans de vie concentrés en seulement soixante minutes d'un assemblage « clipesque », limite trash, soutenu par une BO éclectique, avec pour tout point de repère chronologique des annotations imprimées à même la pellicule. Une heure durant laquelle on assiste au « léguminage » d'une femme si saine de corps et d'esprit à l'origine, et, en parallèle, à la déambulation de famille d'accueil en famille d'accueil de son fils, qui va devoir faire le dur apprentissage de la vie privée de sa mère (découverte de sa propre sexualité, du cinéma underground…). Et si cette première heure peut paraître trop abrupte (pas facile de condenser vingt années, soit 175 320 heures, en une seule !), les choix de montage s'avèrent payants lorsqu'arrivent les trente dernières minutes où Jonathan, exténué après pareil marathon, finit par craquer pour de bon.

C'est à présent l'heure des remises en question qui a sonné. Qu'a-t-il bien pu arriver à cette famille pour qu'elle finisse ainsi ? Un père à l'autorité abusive ? un système (médical, social) dont il est impossible de s'extraire une fois qu'on a mis le doigt dedans ? ou bien carrément une malédiction familiale se transmettant de génération en génération, à l'image de cette mère incontrôlable, pratiquement spasmodique, qui se dandine au beau milieu du séjour ? Quelle que soit cette explication, les (sou)rires ont à présent cédé la place aux pleurs et aux craintes lorsque, livré à lui-même, Jonathan tente, seul face à la caméra, de remettre de l'ordre dans ces deux vies foutues en l'air.

La forme pourra choquer, mais elle a au moins ce mérite : être juste et ne chercher ni à dramatiser, ni à édulcorer la vraie vie qu'ont vécue pendant vingt longues années (et que vivent encore) cette mère, Renée, et son fils aimant, Jonathan.

Résumé

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