Souffler plus fort que la mer : la critique submergée

Christophe Foltzer | 10 mai 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 10 mai 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

L'exercice du premier film est toujours périlleux et on imagine sans peine un jeune réalisateur plein d'ambition se réfugier dans une certaine zone de confort pour ne pas perdre le cap. Mais il arrive parfois que d'autres prennent leur courage à deux mains et se lancent dans l'aventure.

Le point de départ est plutôt classique et très ancré dans l'actualité malheureusement. La dernière famille de marins-pêcheurs d'une petite ile bretonne est obligée de vendre son bateau pour éponger ses dettes. S'en suit une longue descente aux enfers au cours de laquelle la fille de la famille, Julie,tentera de résister grâce à la musique.

Mais, dès les premières images, la beauté du décor nous saisit, plantant directement une ambiance, une atmosphère, qui fait que l'on sait que l'on va assister à quelque chose, sans savoir quoi. Les premières minutes se déroulent de façon attendue, très "film français" pourrait-on dire, mais ce n'est qu'un moyen de nous préparer comme il faut au grand basculement du film. Au détour d'une scène dans un restaurant extrêmement belle, le film prend soudain une ampleur inattendue qui nous emmènera jusqu'aux rives du fantastique et du mythologique. Et c'est là que les choses sérieuses commencent, des choses que nous ne dévoilerons pas en détail tant l'expérience est belle, remuante et très éprouvante.

 

C'EST PAS L'HOMME QUI PREND LA MER...

Rompue au documentaire, la réalisatrice Marine Place use de son expérience pour ancrer son sujet dans une vraie réalité et nous présenter une communauté de pêcheurs, tous solidaires, dont l'authenticité ne fait aucun doute. Qu'il s'agisse de cérémonies religieuses, des scènes de bistrot ou de rituels un peu plus païens, tout semble vrai et vécu.

 

Photo Olivia Ross

 

Mais ce qui nous embarque définitivement, c'est le traitement du fond de l'histoire, exemplaire et magistral. Jamais, de récente mémoire en tout cas, nous n'avons vu la plongée mélancolique d'une famille marquée par le drame et qui n'arrive plus à trouver un sens à son existence traitée avec autant de justesse et de sensibilité. En se privant de ce qui les réunissait tous, chacun va se perdre en lui-même à sa manière, qu'il s'agisse d'une foi toute personnelle, de l'alcool ou de la musique. Mais nous ne sommes pas là dans une histoire où la musique est la clé du bonheur et d'un avenir radieux, non, ici, la musique sert d'arme pour se défendre contre les angoisses qui submergent l'héroïne au point de lui donner des hallucinations perturbantes. Si le propre du cinéma est de montrer au lieu de raconter, on peut dire sans se tromper que Souffler plus fort que la mer remplit son contrat haut la main.

Doté d'une mise en scène extrêmement solide, de comédiens en état de grâce (Aurélien Recoing et Corinne Masiero en tête), le film multiplie les scènes visuellement splendides et très cohérentes avec leur propos, sur fond de la musique entêtante de Julie, l'héroïne qui, pour ne pas perdre pied avec la réalité se perd dans la répétition obsessionnelle afin de ne pas penser. Très symbolique et psychanalytique (sans jamais être rébarbatif ou cryptique), le film en deviendrait presque mythologique lorsque la mer, jadis allée de Julie et devenue son plus terrible adversaire, se transforme encore une fois en une nouvelle menace, plus mécanique, plus archaïque aussi, dans un affrontement qui donne lieu à un plan que nous ne sommes pas prêts d'oublier et qui vaut tous les films de genre récents. Au final, nous nous retrouvons avec un film beaucoup plus profond que ce que l'on pensait, qui fait à la fois appel aux sens, à l'intellect et au coeur, techniquement plus que maitrisé et parcouru d'un tel souffle (désolé) qu'il emporte tout sur son passage. Rarement film n'aura aussi bien compris et illustré la dépression, la longue descente et l'indispensable résilience que celui-là.

 

Photo Souffler plus fort que la mer

Résumé

Bouleversant du début à la fin, magnifique et terrible à la fois, Souffler plus fort que la mer n'épargne pas son spectateur, pour peu qu'il soit sensible à la thématique traitée. Un film comme cela n'arrive pas tous les jours, encore plus quand il s'agit d'un premier long et il mérite qu'on le défende bec et ongles contre la horde de personnes qui le rejetteront. Pour notre part, c'est plus qu'un film, c'est une expérience. Nous sommes passés à deux doigts du chef-d'oeuvre et il nous hantera encore longtemps. Chapeau, vraiment.

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Lecteurs

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commentaires
Bambreuch
31/03/2017 à 13:37

Musique extraordinaire de Emile Parisien, primé pour la musique de Souffler plus fort que la mer au festival d'Aubagne, le 25 mars 2017.
"Le jury composé par Alain MIRO, DEMUSMAKER, Lucie BOURGOIN et Pascal TESSAUD a récompensé le premier long-métrage de Marine Place dans lequel on retrouve l'extraordinaire Corinne Masiero dans le rôle de la mère de l'héroïne et qui révèle la beauté irradiante de la jeune Olivia Ross, sur fond de paysages d'île bretonne hors de ce monde. Au- delà du sujet social du film qui met en scène la dernière famille de pêcheurs d'une petite île bretonne, c'est également la musique de Souffler plus fort que la mer, composée par Emile Parisien qui a été récompensée ce samedi 25 mars, à Aubagne, par ce GRAND PRIX DE LA MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE. Souffler plus fort que la mer sort en salles le 10 mai 2017 chez Zelig Distribution". http://toutelaculture.com/cinema/palmares-du-festival-international-du-film-daubagne-souffler-plus-fort-que-la-mer-remporte-le-grand-prix-de-musique/

Yolo
07/10/2016 à 20:51

@Stivostine

Tu veux dire "rappel de ce qui est juste au-dessus ?" Tout ça est sur la fiche film, c'est un onglet accessible dès le début, et plusieurs des noms sont dans la critique....

Stivostine
07/10/2016 à 19:32

petit rappel:

Réalisé par Marine Place. Avec Olivia Ross, Aurélien Recoing, Corinne Masiero, Annie-France Poli, Loïc Baylacq

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