Sicario : critique sous haute tension

Geoffrey Crété | 11 septembre 2022 - MAJ : 12/09/2022 18:38
Geoffrey Crété | 11 septembre 2022 - MAJ : 12/09/2022 18:38

Il est entré sur la scène internationale avec Incendies. À emporté les esprits avec Prisoners. Les a retourné avec Enemy. Voué à chiffoner les fans avec Blade Runner 2049, qui suivra son film de science-fiction Premier contact avec Amy Adams, le très actif Denis Villeneuve pourra convaincre une bonne fois pour toutes l'assemblée avec Sicario, un thriller sous très haute tension sur les cartels, présenté en compétition à Cannes en 2015, avec Emily BluntBenicio Del Toro et Josh Brolin.

NO COUNTRY FOR TRAFFIC

Une évidence : les films de Denis Villeneuve respirent le cinéma. Sicario, son septième film et son troisième en anglais, n'aura besoin que de quelques minutes pour attraper à la gorge le spectateur, happé dans un voyage au bout l'enfer et entraîné dans une spirale sanglante, qui explose sous un soleil de plomb pour mieux mettre en valeur sa brutalité saisissante.

L'argument ordinaire de l'intrigue (le parcours initiatique d'une flic intègre, entraînée malgré elle dans une histoire qui exposera le visage monstrueux de la réalité, jusqu'à une conclusion inévitable) signale d'emblée que Sicario est un film d'abstraction. La complexité apparente de l'intrigue, qui s'étend bien au-delà de l'héroïne et des spectateurs, compte moins que la nécessité immédiate de saisir les enjeux et trouver une issue quelconque à chaque situation, d'où un sentiment d'urgence saisissant.

 

SicarioEmily Blunt (et Daniel Kaluuya de Get Out, derrière)

  

Le scénario ne s'attarde pas sur le passé ou les motivations des personnages, ne s'embarrasse d'aucune psychologie de cinéma, et n'offre aucune réelle fenêtre intime aux héros, simples outils d'une intrigue et d'un système tentaculaires. La mécanique de l'histoire compte moins que sa puissance en sourdine, illustrée à merveille par la musique elle aussi abstraite de Johan Johannsson, qui tambourine sur les nerfs comme une symphonie sauvage.

Pour le film, les personnages et donc le spectateur, le sens repose ainsi sur une série de séquences choc (une fusillade à la frontière, d'une simplicité et d'une efficacité fabuleuses). On navigue à vue, les boyaux serrés par la sensation électrisante que le pire est à venir et l'issue, forcément fatale.

 

Photo Emily BluntEmily Blunt se laisse embarquer dans une affaire qui la dépasse

 

DRUG RUNNER

Derrière une carcasse propre de film hollywoodien, Sicario est un véritable travail d'orfèvrerie, fruit d'une collaboration idéale entre Denis Villeneuve et le scénariste Taylor Sheridan, acteur vu notamment dans la série Sons of Anarchy qui signe ici son premier scénario (le prochain, Comancheria, un thriller avec Chris Pine par le réalisateur de Perfect sense et Les Poings contre les murs, est en tournage).

Opaque sans être illisible, dense mais réduit au strict nécessaire, le scénario est d'une pureté saisissante, à l'image de la mise en scène. Chaque plan s'impose par sa stature et sa sobre force ; chaque ligne de dialogue s'incarne à l'écran dans un océan de silences et sous-entendus ; chaque acteur livre une partition brillante d'une précision magnifique - Benicio Del Toro, d'une évidence totale, mais surtout Emily Blunt, qui porte le film sur ses épaules avec une intensité fascinante.

 

photo, Benicio Del ToroBenicio Del Toro

  

Si l'expérience fait inévitablement écho à No Country For Old Men (lui aussi éclairé par Roger Deakins) et Traffic de Steven Soderbergh, qui valu d'ailleurs un Oscar du meilleur second rôle à Del Toro, la matière de Sicario rappelle la saison 2 controversée de True Detective dans son aptitude à dessiner un cauchemar insoluble à mi-chemin entre les territoires urbains et les étendues désertiques.

Car peu à peu, le film de Villeneuve glisse vers le film d'horreur, quasi surnaturel dans une dernière partie tétanisante où la nuit se referme sur les personnages et transforme la matière même de l'image pour en faire des créatures irréelles. La sensation de cauchemar éveillé vient aussi de cette caméra impassible, qui refuse de s'emballer même dans les scènes d'action. Les perles de sueurs coulent sur le front des personnages à l'écran, le coeur du spectateur s'emballe de l'autre côté, mais celui du film reste stoïque. Sicario est un géant imperturbable, dont la force de frappe est douce et féroce à la fois.

 

Affiche

Résumé

La destination de Sicario compte moins que le voyage. Et quel voyage : d'une précision et d'une brutalité saisissantes, Denis Vileneuve agrippe son héroïne et son spectateur pour les entraîner dans un cauchemar éveillé, d'une efficacité renversante.

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Lecteurs

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commentaires
Marc en Rage
04/04/2024 à 12:47

J'ai enfin vu Sicario un.film CHOC, Le FBI met tour les moyens pour combattre le Cartel , la scnénes ils découvre les corps dans une miaison encastré dans les murs juste horrible. Kate interprèté par Emily Blunt dépassée et Benucio Del Toro il crève l'écran.
Sicario ☆☆☆☆☆

sylvinception
12/09/2022 à 09:36

Une critique qui ne pouvait définitivement pas être signée Simon Riaux.

eric
26/06/2018 à 00:32

Un bijoux

Mouah
25/06/2018 à 23:31

Quand Thanos rencontre le collectionneur des guardiens de la Galaxie mouah mouah Marvel marveleuhhhhh

Pat
26/11/2016 à 10:06

Tout le film repose sur la scène à Ciudad Juarez car elle est tendue à l'extrême comme rarement peut l'être une scène au cinéma malheureusement le reste est plus plat.

Kilopo
22/10/2015 à 01:10

Faut-il vraiment être si certain d'avoir raison pour dire que ceux qui aiment ce film l'aiment parce que le reste de la prod est nul ?
Si tu veux qu'on respecte ton avis, respecte celui des autres.
Sicario est un film très réussi, qui justement brise le cou à pas mal de clichés de la prod actuelle. D'où ton "roupillon" préfabriqué peut-être

lolilol
18/10/2015 à 14:05

Le roupillon de l'année...faut-il vraiment que la production actuelle soit en-dessous de tout pour s'enthousiasmer devant tel spectacle.
Au moins me voilà rassuré quant à Blade Runner 2, pas de poursuite débile en vue ni de gunfight en apesanteur, le récit a des chances de rester posé et terre-à-terre.

Grift
13/10/2015 à 17:15

Vu hier. Vraiment top.
Cependant je suis assez d'accord avec Postman. Le dernière 1/3 est un peu brouillon dans sa forme, mais également dans le fond. Le changement de point de vu evoqué n'est pas tres heureux non plus.

Mise à part ca, un putain de film.

Postman
12/10/2015 à 18:52

un peu déçu du film.
Une première heure au poil et puis, faute d'enjeux narratifs précis et de persos réellement présents, on se fiche un peu de la suite (et de ses changements de points de vue incessants).
Et puis mon coté bourrin réclamait une grosse scène d'action (qui n'y est pas).
L'emballage est top mais ça ne suffit pas pour tout le voyage...
7

SMQ
10/10/2015 à 16:59

Oui, critique conforme au film, j'ai adoré. Un vrai bon moment de cinéma. Del Toro est magistral.

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