Die Hard : Belle journée pour mourir : critique

Jérémy Ponthieux | 15 février 2013 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Jérémy Ponthieux | 15 février 2013 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Un écran noir fait suite au logo du studio, duquel surgit soudainement quelques notes. Il n'en faudra pas plus d'une dizaine pour discerner sans mal L'Hymne à la joie, cet hymne caractéristique de la pentalogie Die Hard, dont voici ici le cinquième opus. Vingt-cinq ans séparent le légendaire Piège de Cristal à cette Belle journée pour mourir, chiffre numérique qui révèle autant de la mutation du cinéma d'action qu'il ne met en exergue le fossé qualitatif entre l'adulé opus signé McTiernan et ce vilain petit canard paraphé par le tâcheron, John Moore. Peu soucieux de pousser au vice, cet exécrable dernier opus singe des mécaniques réinventées dans la Nakatomi Plaza, dont il nous fallait absolument souligner les carences. Critique sous forme d'un jeu des sept erreurs.

 

Photo Bruce Willis

 

- Le format du film : voilà un choix esthétique des plus surprenants. Lorsque McTiernan opte pour le scope (2:35) et use de cet outil pour apporter de l'ampleur à son récit d'action, Moore s'appesantit d'un format en 1 :85 dit standard américain, qui fait apparaître deux grandes bandes verticales sur les côtés. Pourquoi pas, si le procédé ne servait pas de cache-misère à une orientation esthétique toute télévisuelle, où les décors sont grisonnants et les trucages pas toujours bien planqués. Le format amène son metteur en scène à penser en terme d'efficience actionnelle et non pas de construction cinématographique, si bien que l'on se sent souvent à l'étroit face à une telle décision esthétique.

- La limousine contre le taxi : à valeur introductive, le lien qui se tisse entre McClane et Argyle dans la limousine sert autant à instiller un certain humour au long-métrage qu'à renseigner sur la personnalité ironique du protagoniste central. Ici, l'arrivée de McClane en Russie est accompagnée d'une spécialité locale à base de chauffeur de taxi déconnant, qui rappelle forcément le jeune chauffeur du premier. Au détriment de cet opus puisqu'en plus d'être assez peu amusante, la scène ne débouche sur rien d'essentiel, si ce n'est une information narrative plus tard réemployée. Brisant un rythme établi par un premier sixième dynamique, la séquence n'a rien de cinématographique, et l'absence de nombreux dialogues entraperçus dans la bande-annonce n'a rien d'accidentel.

 

photo, Jai Courtney, Bruce Willis

 

- La menace « terroriste » : qui n'a pas jubilé devant l'impeccable organisation de Hans Gruber et son équipe de fortes têtes, qui usaient intelligemment des fantasmes inspirés par leur menace pour mieux duper (presque) tout le monde. Charismatique à souhait, Alan Rickman suintait la machiavélique perspicacité par tous les pores et McTiernan prenait le temps d'étoffer sa présence. Autant dire que Moore ne joue pas dans la même catégorie, lui qui réduit la présence des bad guys à quelques froncements de sourcils et autres discours menaçants. L'antagoniste féminin et son surexcité d'associé jouent la carte de l'ennuyante sobriété ou de la roue-libre embarrassante (gare aux pas de danses démoniaques), quand leur intentions ne sont pas pavées d'un goût douteux, qui fait frôler le récit avec une malheureuse Histoire. Sans oublier les twists de rigueur qu'on pensait passer de mode.

- Le duo (pas trop) complice : la présence du sergent Powell dans Piège de Cristal n'était pas qu'une figure à la mode, c'était d'abord un crédible vecteur d'émotions pour le personnage de McClane, qui livrait de son humanité à ce flic marqué par la bavure. Pièce marketing du projet, la présence de Jack, fils de, s'affiche comme étrangement imprécise quand elle n'est pas parasite. La relation qui unit le légendaire papa à son criminel de fils passe du chaud au froid sans fil conducteur bien tenu, et l'on se surprend à voir un flingue pointé sur son paternel suivi d'une tendresse embarrassée. L'alchimie qui se créée entre les deux acteurs ne suffit donc plus et la pauvreté de leurs échanges sont le principal responsable du ventre mou qui émerge au milieu du film. On en vient à regretter la présence anecdotique de Lucy McClane (Mary Elizabeth Winstead, 4ème au générique mais seulement deux scènes) au sein de cet opus.

 

photo

 

- John McClane (en vacances) : c'était de ce simple fait que les scénaristes avaient tirés toutes les savoureuses plaintes du policier, notamment dans un étroit tuyau d'aération où ce dernier se désolait de ces vacances de prime abord prometteuses. Disséminés avec parcimonie, ces morceaux de dialogues s'intégraient merveilleusement bien au récit, l'allégeant de sa bouillonnante violence. Ici, le procédé vire au systématisme vieillissant, McClane rappelant sans grande conviction « son poste de vacancier » dans des punchlines mal amenées. Sa répétition est le révélateur d'une figure devenue clin d'œil laborieux à concéder aux fans, comme si de cette poudre mal jetée aux yeux on pouvait tirer un adoubement aveugle. Sauf qu'on ne trompe pas avec un Yippee ki-yay aussi mollasson et prévisible, marque de fabrique d'une série en bout de course.

- L'équilibre entre l'action et le suspense : surpris par McClane, Gruber fait mine d'être un otage pour échapper à un coup de feu meurtrier. S'en suit une scène d'échanges dialogués au suspens éprouvant, où le spectateur est victime de la dangereuse ignorance du flic maudit. Sans en déflorer les enjeux, Moore met en scène une supercherie similaire, à la différence près que la subtile écriture du premier laisse place à une mise en place fonctionnelle. Non seulement l'interprétation maladroite de l'acteur désamorce tout ambiguïté, mais McClane se sent obligé d'éventer toute suspicion dans ses dialogues, en confiant à son acolyte de fils les moindres indices découverts. Dès lors, il ne se passe rien en dehors de la transparence de l'intrigue qui informe à l'avance le spectateur de la marche à suivre. Un procédé qui se reproduit à plusieurs reprises, annihilant Die Hard 5 de toute supposée tension.

 

 

photo, Jai Courtney, Bruce Willis

 

- La mise en scène : forcément, que serait Piège de Cristal sans McTiernan, chef d'orchestre virtuose qui chamboulait le cinéma d'action à partir d'un scénario bien ficelé. Tout le monde aura craint la présence de John Moore derrière la caméra, encore davantage que Len Wiseman, dans le fond davantage technicien appliqué que cet incoercible saboteur de potentiel. S'arrangeant pour contrefaire tout 24 heures chrono, Moore fait de sa caméra-épaule une esthétique en soi, existant en dehors d'un film qui ne raconte de toute manière pas grand-chose. Se prétendant peintre dans plusieurs plans au maniérisme mal-amené, le réalisateur se révèle même incapable de donner chair à ses séquences d'action qu'il noie sous un déluge d'incohérences et autres pirouettes surhumaines. On en vient à se dire que voilà donc un cinéaste-produit de la 20th Century Fox d'aujourd'hui, qui fait de ses franchises des produits d'action bas de gamme mais bon marché. Soit parfaitement ce dont n'avait pas besoin cette pentalogie déjà bien souffreteuse à l'aune du nouveau millénaire.

 

Affiche française

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commentaires
Baneath88
04/06/2018 à 23:12

Je vous trouve très généreux envers ce film. Personnellement, je ne vois pas comment lui mettre plus de 0.5. Partant du principe que des centaines de personnes ont travaillé consciencieusement sur ce film (techniciens, accessoiristes, décorateurs, assistants, doublures, figurants,...), un film ne peut pas mériter moins. C'est du respect que de les considérer. Et c'est pour eux que je mets 0.5. Et c'est aussi pour ça que je peux pas mettre plus.
Car il me parait clair qu'aucune des "têtes" d'affiche n'en avait quelque chose à faire de Die Hard. Les "têtes pensantes" - si tant est qu'il y en ait eu - n'ont visiblement aucun respect ni pour leurs prédécesseurs ni pour leur travail. Ni John Moore qui ajoute un dan à sa ceinture de réalisateur tocard, avec mention shaky cam dégueulasses. Ni le scénariste Skip Woods, dont le scénario aurait tôt fait de se retrouver entre les mains d'une production Asylum si la production avait eu de la jugeote. Ni même Bruce Willis, qui souille le personnage de John McClane avec un je-m'en-foutisme qui confine au délit pur et simple. Rien à sauver de cet étalage d'injures assénées à Die Hard et John Mctiernan avec un manque d'égard proprement révoltant.

Spit
16/05/2015 à 14:13

Un nanard absolu.
Sans doute la pire suite jamais livrée à un classique du cinéma d'action hollywoodien.
Oui, devant L'Arme Fatale 4.
S'il vous plait, Bruce et the 20th, reprenez McT pour le 6ème et dernier - il ne vous coûtera pas grand chose, et il pourrait se refaire une santé - et investissez par contre dans le scénario.
Shane Black vous livrerait un mélange idéal de violence, d'action et de comédie.

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