Jack Reacher : critique

Simon Riaux | 10 décembre 2012 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 10 décembre 2012 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Avant de débarquer sur grand écran distribuer tatanes et autres manchettes, Jack Reacher est le personnage fétiche de Lee Child. Statue impassible, dépourvue de pitié ou de compassion, cet ex-enquêteur militaire parcoure les États-Unis, son mal-être en bandoulière, armé d'un profond sens de la justice. Brutal, expéditif et torturé, personne ne semble capable d'arrêter ce boulet de canon humain, mis à part peut-être ses tenaces démons intérieurs. À voir la mine de G.I. Joe hermaphrodite que se paie le Reacher version Tom Cruise, on pouvait espérer qu'à défaut de respecter la mythologie originale, Christopher McQuarrie s'appuie dessus pour en créer une nouvelle.

Peine perdue, et ce dès l'apparition étrangement comique du personnage principal, entre effet de style old school et pastiche appuyé. Ce mélange des styles et des genres traduit l'impossible exercice d'équilibriste auquel se livre le film, et dont il ne tente jamais de se sortir autrement que par des pirouettes. On a beau comprendre que McQuarrie abandonne vite toute tentative de traiter sérieusement Reacher, devant les tentatives désastreuses de Tom Cruise pour incarner cet anti-héros éminemment badass.

 

On ignore si le spécialiste de l'immersion créatrice a écumé les bars pendant des mois pour s'imprégner de l'aura de baroudeur qui émane du personnage, ou s'il a effectué un stage de vannes poivrotes en compagnie d'un commando de téteurs de bières, mais rien n'y fait, l'inoxydable quinquagénaire se heurte au mur qui le cueillit déjà à l'occasion de Rock Forever. Ce bon Tom aura beau travailler d'arrache-pied, mettre des coups de boule à tout va, péter les rotules de ses adversaires et balancer de la blaguounette menstruée en veux-tu en voilà, il ne sera jamais crédible en ancien soldat d'élite prêt à dessouder quiconque se met en travers de sa route. Sourire ultra-bright et métacarpes explosées ne font pas bon ménage.

 

 

photo, Tom Cruise

 

Ce constat est d'autant plus rageant que s'il a bien du mal à faire preuve d'un style propre, Christopher McQuarrie affiche des ambitions fondamentalement louables, comme en témoigne la très plaisante poursuite automobile, qui fait quasiment office de climax au film (lui aussi sabordé par une chute comique, aussi efficace que destructrice au regard de la séquence qui la précède). Volonté d'inscrire le film dans une tradition loin du faste hollywoodien, sur les terres du polar urbain, où les bris d'os se répandent en échos le long d'interminables langues d'asphaltes détrempées, cascades réalistes, et refus du montage stroboscopique, ce Jack Reacher revendique fièrement les oripeaux de série B anoblie. Et l'on y croit. Par instants. Le temps de cette fameuse poursuite par exemple, où l'on prend un pied phénoménal à voir un acteur conduire pour de vrai. Tout simplement. Lorsque les coups pleuvent, que les pneus crissent, que les balles fusent, qu'Herzog cabotine à plein tube, le métrage semble animé d'une sincérité et d'une humilité salvatrices.

 

 

photo

 

Hélas, même ces réelles qualités, et le plaisir parfois durable qu'elles impriment sur nos rétines, se voient douloureusement minorées par des choix douteux et une poignée d'indignes raccourcis scénaristiques. On sent ainsi très clairement, quand le réalisateur jette l'éponge, quelles sont les articulations du récit dont il se désintéresse, tant et si bien que ce n'est plus l'intrigue plan-plan qui nous maintient éveillé, mais les apparitions surjouées d'une Rosamund Pike toutes mamelles dehors. 

 

 

Affiche française

Résumé

Au final, Jack Reacher n'est pas tant mauvais qu'hors sujet, incapable d'épouser ses intentions de départ, plombé par un acteur aux fraises et un scénario trop classique.

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