Les Hauts de Hurlevent : Critique

Simon Riaux | 7 septembre 2011
Simon Riaux | 7 septembre 2011

À défaut d'avoir lu Les Hauts de hurlevent, peut-être avez-vous vu l'une des nombreuses adaptations dont a accouché le cinéma, à moins que votre grande soeur vous ait suffisamment bassiné avec son oeuvre fétiche pour vous dégoûter totalement de vous en approcher. Le roman d'Emily Brontë est un des derniers joyaux du romantisme, un des plus noirs également, qui s'il fut plutôt bien accueilli par la critique, décontenança ses lecteurs par sa violence impitoyable, qui en faisait instantanément un des classiques les plus radicaux qui soit. C'est pourquoi voir Andrea Arnold (Fish Tank) s'aventurer sur ce terrain déjà balisé pouvait séduire, à condition qu'elle parvienne à maîtriser le difficile travail d'adaptation qui l'attendait.

 

 

Si la réalisatrice n'a rien perdu de son talent (nous y reviendrons) elle se révèle incapable de gérer les décennies sur lesquelles s'étale l'oeuvre originale. Sa première erreur, et la plus grande, est non pas d'avoir transformé, simplifié ou trahi le roman, mais de n'avoir adapté que la moitié du livre. En résulte, même pour le spectateur qui ne connaît la tragédie de Heathcliff, le sentiment frustrant de voir le film s'interrompre sans que l'histoire s'achève, ni qu'aucun des arcs narratifs n'aboutisse pleinement. Autre transformation très dommageable, Arnold choisit de faire du bohémien héros du roman un jeune noir. Or si les traitements infligés à un enfant adopté par son frère étaient choquants dans le roman, on ne s'étonne pas vraiment de voir les habitants d'une campagne perdue en plein XIXème siècle se montrer féroces à l'égard d'un total étranger. Triste constat bien sûr, qui rappelle que Brontë rendait le comportement de ses (anti)héros marquant car terriblement cruel envers leur semblable, une nuance à côté de laquelle passe ce Wuthering Heights.

 

 

 

Ces éléments suffisent à nous frustrer durablement, malgré la très belle mise en scène d'Andrea Arnold, qui rend justice aux sublimes décors naturels où prend place l'action. Son montage et sa photographie sont à l'avenant, mais ne peuvent nous détourner des errances du scénario. On aurait aimé pourtant que les très bons acteurs réunis dans le film bénéficient d'un script à la hauteur de leur talent, tant chacun parvient à faire monter tension et sensualité avec un naturel confondant, parfois lors d'un simple échange de regards. Les comédiens de la première partie du film notamment, parviennent à nous émouvoir et installer une atmosphère tragique qui aurait pu devenir poignante, si elle avait pris de l'ampleur par la suite, plutôt que de se diluer.

 

Si le virage historique est manqué par la réalisatrice, cette dernière fait toutefois preuve de talent derrière la caméra, et ce film à moitié réussi ne remet pas en cause, tout le bien qui a pu être dit d'elle. Espérons simplement qu'elle revienne a des projets dont le contexte et les thèmes lui soient plus familier, et où son univers trouvera l'écrin qui lui permettra de tout à fait s'épanouir.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire