Critique : Captive

Sandy Gillet | 18 septembre 2012
Sandy Gillet | 18 septembre 2012

Pour son nouveau film, Brillante Mendoza, le cinéaste philippin adoré des critiques parisiens rive gauche et habitué aux honneurs du festival de Cannes, nous propose une virée de 2 heures dans l'enfer de la jungle aux côtés d'otages que l'on suit dans leur quotidien anxiogène. Parmi eux il y a une française membre d'une ONG qui s'est retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Isabelle Huppert, qui avait rencontrée le cinéaste à cannes en 2009, est la captive du titre. Il est évident qu'à la lecture du scénario l'on pense immédiatement à la longue détention d'Íngrid Betancourt kidnappée par les FARC en 2002. L'actrice s'est d'ailleurs ouvertement nourrie de son ouvrage, Même le silence a une fin, qu'elle a rédigé après sa libération. De toute façon on peut lui faire confiance pour s'investir dans ses rôles et l'on comprend immédiatement le choix de celui-ci qui s'inscrit dans une carrière jalonnée de morceaux de bravoure et autres défis périlleux.

Par contre, on ne saisit pas très bien les motivations de Mendoza si ce n'est la volonté de réaliser un film censé dénoncer les dérives politiques, religieuses et sociétales de son pays. Au vu du résultat on peut dire beaucoup de bruits pour rien. Quelque part, Oncle Boonmee du thaïlandais Apichatpong en disait beaucoup plus sur le malaise de cette partie du globe meurtrie et tiraillée entre ses traditions séculaires et les bouleversements perpétuels d’une histoire récente. Mendoza a en fait du mal à donner à son film autre chose qu'un aspect proche du documentaire. La caméra se fait grand reporter et si l'on est au cœur du groupe d'otages, on a bien du mal à en identifier tel ou tel personnalité « remarquable ». Tout est centré sur la captive Huppert. Même si l'on peut comprendre qu'il s'agit là du sujet du film, on ne peut s'empêcher d'être un peu mal à l'aise quant à la déshérence psychologique dans lequel Mendoza laisse errer ses autres personnages réduits donc à l'état de silhouettes.

Heureusement les choses évoluent un peu en cours de route surtout du côté des kidnappeurs dont on perçoit au fur et à mesure les motivations (des musulmans faisant partis du groupe séparatiste Abu Sayyaf - GAS - réclamant l'indépendance d'une île) et pour certains une forme d'identité. Pas de syndrome de Stockholm ici (plutôt un bon point d'ailleurs), ni une tentative de justification à hauteur d'hommes. Pas de volonté de comprendre non plus. Mendoza ne prend d'ailleurs pas parti ouvertement mais ne se prive pas de montrer la violence qui fait souvent irruption sans crier gare provoquée par un camp ou un autre. Ce côté ouvert du film est certainement son aspect le plus réussi, mais aussi le plus frustrant, s'accorde dès lors à merveille avec le côté assez âpre de la mise en scène toujours en mouvement, toujours au cordeau et très naturaliste. À l'image de ses otages brinqueballés sans interruption pour éviter d'être repérés par l'armée gouvernementale.

Reste que Captive est une sorte d'objet filmique un peu délétère qui rate le coche. Mais on serait sincèrement très embêté de dire lequel. L'ambition de décrire une situation politique complexe via le prisme d'une prise d'otages ? La possibilité de donner à Isabelle Huppert un nouveau rôle à la hauteur de son talent indéniable ? L'opportunité pour Brillante Mendoza de s'affranchir d'un cinéma ethnocentré sur une forme que l'on pouvait juger jusqu'ici par trop artificiel ? Certainement un peu de tout cela sans que pour autant Captive soit un film raté. Bien au contraire. Et c'est certainement là, en substance, que le talent du cinéaste est incontestable. Déstabiliser pour mieux s'affirmer en quelque sorte.  

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