Critique : Rapt

Vincent Julé | 17 novembre 2009
Vincent Julé | 17 novembre 2009

Rapt ou la raison du plus fort. Impossible de ne pas voir dans le dernier film de Lucas Belvaux, le complément, entre miroir déformant et face d'une même pièce, de sa Raison du plus faible. Il s'agit dans les deux cas d'un polar social, politique et noir... avec de belles nuances de gris. Et après la France d'en bas, c'est autour de la France d'en haut de se prendre au jeu, et au piège, de la société et du pouvoir. Sauf que Lucas Belvaux a un vrai projet de mise en scène : froide, mécanique, implacable. Il broie autant le spectateur que ses personnages et signe, peut-être sans le savoir, un vrai film de genre.

Président d'un groupe industriel, Stanislas Graff est ainsi enlevé un matin par des truands, comme l'a été en 1978, l'homme d'affaires belge le Baron Empain. Le film s'inspire d'un fait divers, jusque dans certains détails (doigt sectionné, rumeurs de faux enlèvement), mais pour mieux faire le vide autour de son personnage et de son interprète, Yvan Attal. Des plans sommaires, des voix graves, des rituels quotidiens, la répétition entraîne la déshumanisation mais aussi la fascination. Chaque scène semble être la répétition générale des acteurs, avant qu'ils ne jouent la grande première de leur mort. Que cela soit dans la famille menée par Anne Consigny, l'entreprise par André Parcon ou la police par Michel Voïta, les scènes sont surcomposées, les dialogues surdécoupés et le film très stylisé, pour ne pas dire surréaliste. Rapt a ainsi le rythme et la beauté d'une marche funèbre, à laquelle le spectateur ne peut qu'emboîter le pas.

Autant corps qu'attitude, Yvan Attal enferme le reste du monde avec lui, qu'il soit prisonnier ou libre. Son silence peut résonner comme de la dignité, de la résignation ou de la folie. Parfait d'empathie mais aussi d'ambiguïté, il est finalement la seule trace d'humanité du film et un écho inattendu aux Patriotes. Car, à l'instar d'Eric Valette avec Une affaire d'Etat, Lucas Belvaux tire son récit vers le meilleur du polar de genre français.

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