A serious man : Critique

Thomas Messias | 20 janvier 2010 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Thomas Messias | 20 janvier 2010 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Il est toujours étonnant que des cinéastes au style si reconnaissable soient capable de nous surprendre, année après année, voguant de films mineurs en oeuvres majeures avec une envie égale de cerner la part d'absurde qui rend chacun d'entre nous si singulier. 

Vu de loin, A serious man pouvait apparaître comme un cousin du récent Burn after reading, épatant de drôlerie mais à la superficialité assumée. Il en est en fait l'exact complément, pratiquant un humour indéfinissable - noir ? juif ? - en totale discrétion tout en allant creuser au plus profond de thèmes ayant déjà traversé leur filmographie. Que son budget réduit et son absence de stars ne trompent pas : A serious man est l'un des films les plus ambitieux des frangins. Et aussi l'un des plus réussis.

 

photo, Michael Stuhlbarg


Entre en piste Larry Gopnik, qui perpétue la tradition des grands héros dépressifs coeniens, victimes d'un sort qui semble s'acharner sur eux. Mais si le joueur de bowling se faisait souiller son tapis, si le barbier était victime d'un escroc, le professeur de physique ne se contente pas de telle ou telle déconvenue : elles s'enchaînent et se superposent pour l'enfoncer toujours plus profondément dans l'infortune et la détresse. Une femme qui le trompe, un frère pique-assiette, une fille voleuse, un fils qui déconne, un étudiant corrupteur, des lettres anonymes... Tout ceci n'est que le début du véritable enfer vécu par Gopnik, chaque étape le poussant à s'interroger non seulement sur le sens de sa vie mais également sur le sens de LA vie. Jamais les Coen n'avaient été aussi philosophes - et aussi désabusés - : lorsqu'il est réellement à bout de nerfs et de solutions, le héros se tourne vers un rabbin. Il en rencontrera trois, qui lui proposeront des perceptions bien différentes de la façon dont il devrait penser et agir. Le deuxième face-à-face avec un rabbin donne d'ailleurs lieu à une scène à la fois hilarante et hallucinante à propos d'une étrange histoire arrivée à un dentiste. Tout est là : mise en scène au cordeau, narration décalée, effets comiques sans ostentation et énormes interrogations existentielles en bonus.

 

photo, Michael Stuhlbarg


A serious man est un film sur la folie. Celle qui devrait s'emparer de cet homme s'il en avait encore la force. Car que faire quand s'accumulent les tuiles et les humiliations mais qu'on pense n'y être pour rien et ne rien pouvoir faire pour améliorer les choses ? S'en remettre au premier dieu qui passe ? Encore faudrait-il que celui-ci fasse l'effort de comprendre. Le rythme proposé par les frères Coen est aussi harassant que celui qui ponctue la vie de Larry Gopnik : une fois encore, ils ont trouvé là le meilleur moyen de donner corps à la fatalité. Religion, morale, science - ah, le fameux chat de Schrödinger -, tout passe à la moulinette de deux cinéastes qui ne sont pas juste fêlés, mais aussi et surtout remarquablement intelligents. Ils s'imposent ici comme des héritiers un peu fou d'un Raymond Carver capable de juxtaposer d'impitoyables tranches de vie pour aboutir à une réflexion sans fin sur le sens de la vie. La conclusion perturbante est une cerise inattendue sur ce gâteau amer et brillant.

 

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