Le Bon, la brute et le cinglé : Critique

Patrick Antona | 15 décembre 2008
Patrick Antona | 15 décembre 2008

Après l’hommage rendu par Takeshi Miike au western italien avec son Sukiyaki western django, c’est au tour de Kim Ji-woon de payer son tribut à Sergio Leone et autres grands cinéastes de genre transalpin avec cette variation asiatique sur Le Bon, la brute et le truand. Ayant déjà fait ses preuves de virtuose de la caméra avec Deux sœurs et A bittersweet life, le réalisateur coréen explose encore ici les limites du divertissement outrancier et jubilatoire avec cette course au trésor haletante et violente, qui loin de se limiter au seul pastiche, réussit à être une œuvre à part entière et à nous filer la banane, chose bien rare par ces temps de crise.

Ambitieux, coloré et dynamique, Le Bon, la brute et le cinglé offre une succession de scènes d’action plus enlevées les unes que l’autre, ouvrant le film sur une attaque de train, se continuant avec une fusillade en apesanteur que n’aurait pas renié Tsui Hark, le tout se terminant sur une spectaculaire poursuite, que l’on pourrait décrire comme un Mad Max 2 mixant véhicules motorisés et chevaux, quasi-anthologique ! Situant son action dans une Mandchourie d’opérette où se croisent résistants coréens, vils occupants japonais et truands de tout poil, dans une ambiance renvoyant à Hugo Pratt et Corto Maltese, Kim Ji-woon ne s’embarrasse pas de considération historique ni de s’étendre sur la géopolitique pour nous offrir un dépaysement complet.

 

 

Car, comme dans le classique de Sergio Leone, plus que dans un scénario basique, c’est l’interaction et les rencontres à intervalle régulier des trois principaux héros qui est le principal carburant de cette équipée sauvage, où l’humour n’est pas absent, équipée qui débouchera sur le triple duel final grandement attendu. Mais en ménageant une pirouette finale aussi ironique que savoureuse, Kim Jee-woon transforme l’essai et se révèle ici supérieur à un Quentin Tarantino qui dépasse rarement le stade de l’hommage un peu servile. D’ailleurs ce dernier n’est pas oublié, Kim Jee-woon s’appuyant sur la mélodie du disco-flamenco Santa Esmeralda (comme dans Kill Bill) pour rythmer les principaux moments de bravoure de son film.

 

 

Mais la réussite du film doit beaucoup à l’alchimie particulière du un trio d’acteurs iconiques qui renvoient à leurs modèles de 1966 sans les singer aucunement. Si Woo-sung Jung dans la peau du « Bon » ne réussira pas à faire oublier le grand Clint, malgré une prestation honorable, c’est le duo Byung-hun Lee (la « Brute ») et Kang-Ho Song (le « Cinglé ») qui emportent immédiatement l’adhésion. Le premier, en en entrant comme dans un gant dans le costume du truand racé et profilé comme une arme de combat, fait grandement pensé à Alain Delon dans Soleil Rouge, mais avec une dimension de psychopathe qui le rend bien plus dangereux. Mais c’est Kang-Ho Song qui explose littéralement l’écran, justifiant tout le bien que l’on pensait de lui depuis Memories of murder et The Host. Excellent dans son rôle de trublion en perpétuel mouvement, tel un personnage de cartoon, il gagne un relief particulier au fil de l’aventure, jouant toujours sur la corde raide en dosant cocasserie et accès de violence : la scène de la fumerie d’opium étant un parfait exemple .

 

 

Résumé

Grand film d’action superbement mis en scène et doté d’une bonne dose d’humour noir, Le Bon, la brute et le cinglé est le petit bijou à déguster séance tenante en cette fin d’année, rattrapant la pauvreté en nouveautés asiatiques de qualité.

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