Critique : Minnie et Moskowitz (Ainsi va l'amour)

Nicolas Thys | 18 septembre 2007
Nicolas Thys | 18 septembre 2007

Cassavetes l'a régulièrement affirmé, ce qui l'intéresse, avant même le cinéma, ce sont les gens. Comprendre que, pour un réalisateur à mi-chemin entre l'Underground new-yorkais et le système hollywoodien, l'anti-narration des premiers et le style académique des seconds ne lui conviennent pas. Il désire simplement être libre et sa liberté se confond avec celle des corps et des mots qu'il met en images. Dans Minnie et Moskowitz la caméra ne semble plus déterminer les mouvements mais elle essaye tant bien que mal de les suivre, de les précéder, de cadrer des êtres et un discours sans fin. Elle tranche, elle montre, elle est partout, parfois en retard mais partout, énergique ou molle mais inventive.

Grand film d'amour sur des gens ordinaires, romance désabusée et dépolitisée qui échappe aux codes du genre ou s'en joue régulièrement, Minnie et Moskowitz oscille entre rires, larmes, et choc affectifs. A tel point qu'on ne sait jamais trop sur quel pied danser comme dans cette séquence où la mère de Moskowitz s'adressant à celle de Minnie n'hésite pas à dire que son fils est laid, bon à rien et sans avenir. Les personnages sont tous névrosés, des êtres normaux en somme évoluant dans un paysage quelconque et invisible puisqu'ils se résument à des escaliers, des intérieurs de demeures, de restaurants, de musées et des parkings.

Deux êtres opposés en tous points à la recherche d'une histoire d'amour et passionnés de Bogart se croisent. Le premier vif et expansif ne peut s'empêcher de bouger, d'essayer d'évacuer toute son énergie sans jamais y parvenir, pris dans des rixes ridicules, des prises de becs spectaculaires, des actes irréfléchis : un paumé qui tente de se libérer d'un monde dans lequel rien n'est vraiment fait pour lui. La seconde est au contraire une romantique désillusionnée, sans vie ni énergie, à moitié dépressive et qui ne rencontre que de mâles dérangés, loin de ses idéaux originels : un homme marié et violent, un hystérique, etc. La rencontre de ces pôles opposés va évidemment faire des étincelles. Ils vont devoir chacun s'adapter à l'autre afin de canaliser le trop plein d'énergie et de le disperser à bonne dose dans chacun des deux corps pour mener leur relation à bien.

Et si la magie opère, c'est bien sûr grâce aux comédiens, aux dialogues absolument magnifiques mais surtout à la caméra de Cassavetes qui sait capturer comme personne ces instants d'intimité entre deux êtres communs et pourtant fascinants.

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