The Spirit : Critique

Jean-Noël Nicolau | 17 décembre 2008
Jean-Noël Nicolau | 17 décembre 2008

Pour oser s'attaquer à l'œuvre fondatrice de Will Eisner, sans que les fans crient au scandale, il fallait au moins le nom prestigieux de Frank Miller (The Dark knight returns, Sin City, 300). Qu'un auteur de Comics respecté se confronte à l'un des pères fondateurs du genre permettait d'offrir une relative bienveillance au projet et en tout cas de générer une grande curiosité. Mais s'il faut reconnaître à Miller un beau sens du visuel et de l'énergie au sein des cases d'une bande-dessinée, son premier film seul aux commandes est un ratage assez désolant.

Pourtant tout le monde fait preuve de bonnes intentions dans ce Spirit. A commencer par des acteurs, visiblement pas du tout dirigés, auxquels Miller a juste demandé de faire leurs shows. En résulte des aberrations telles qu'un Samuel L. Jackson se prenant pour un personnage de Tex Avery. En soit, ce n'est pas forcément gênant, car le réalisateur a essayé de retrouver la verve d'Eisner. Non, The Spirit ne s'est jamais pris au sérieux. Les gags ont toujours été abondants et la dynamique proches des cartoons. Les histoires étaient légères et pleines de rebondissements rocambolesques.

 

 

Mais le film échoue à tous les niveaux. Mêlant humour consternant et discussions interminables, hésitant entre de très plates tentatives de caractérisation et une bêtise élevée au rang de premier principe (quand on en est réduit à faire exploser des chatons pour faire rire, on a plus ou moins touché le fond). Peu aidé par un interprète transparent (Gabriel Macht, qui ne devrait pas s'en relever) le personnage du Spirit traverse le film comme un jouet que l'on déplace d'un plan à l'autre. Si Miller a bien intégré l'aspect sexy du Comics, c'est pour l'adapter à une sauce plus que douteuse : Eva Mendes se photocopie les fesses, Scarlett Johansson (nullissime) s'habille en nazie, Paz Vega ondule du cul, toutes craquent pour cette endive de Spirit...

 

 

L'ensemble est emballé dans des plans si clinquants qu'on finit par se croire devant une vaste publicité pour parfums. On atteint certaines limites de l'esthétisation à outrance, surtout que le film est loin d'être aussi beau qu'il le souhaiterait. Succession de cadres statiques, le montage ajoute à l'abrutissement général. Pas d'action, aucune implication, et les longs tunnels de dialogues sans aucun intérêt s'accumulent. L'indifférence monte doucement, laissant  place à la consternation (voire au sommeil). Bien sûr, il y a toujours quelques moments à sauver (on vous laisse le loisir de les chercher), mais Miller vient de torpiller les sympathiques intentions de Sin City. Fini la bienveillance, le bonhomme devra désormais moins jouer sur l'apparence et davantage sur l'esprit pour nous séduire.

 

Résumé

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Lecteurs

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commentaires
Flo
28/02/2020 à 14:33

Le film du "Spirit" partait sur l’idée de réappropriation de ses codes sur une mise en scène particulière à un auteur. Ici Miller et ses noirs et blancs, ses personnages flirtant encore plus avec le grotesque et son mauvais goût assumé. Mauvaise pioche pour un film introductif, celui ci devient au final juste une autre aventure/interprétation du héros et de son univers, le mouvement étant déjà présent puisque c’est du live.
Les acteurs n’y sont donc que des archétypes simples, avec un très léger semblant de caractérisation, mais sans plus pour ne pas trahir le comic. Il aurait peut-être mieux valu faire l’inverse, car pour ceux qui le connaissent trop peu ou pas du tout, ou qui n’aiment pas mélanger les genres ciné et comics, le film est inregardable.
Pas d’indulgence pour Frank Miller, soit on s’amuse à faire un drôle d’objet référentiel, soit on fait quelque chose d’original qui puisse AUSSI être un divertissement abordable par le plus grand nombre.

-Conseils cinéma: Voir "Dick Tracy" et "The Shadow". Et un peu "Sin City".
-conseils comics: tout Will Eisner, un peu de Miller et un peu de "The Flash New 52".

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