Obsession : Critique

Jean-Noël Nicolau | 7 novembre 2006
Jean-Noël Nicolau | 7 novembre 2006

Dès les premières minutes de Obsession, vrai-faux remake de Vertigo, Brian De Palma avoue tout, pas besoin de longs discours cinéphiliques, les preuves sont là, plus évidentes que jamais. 

Le monsieur voudrait être Hitchcock à la place du maître, au moment même où ce dernier atteint la fin de sa longue et sublime carrière. De Palma utilise les signatures hitchcockiennes à foison, les travellings révélateurs, la musique omniprésente de Bernard Herrmann (dont il s'agit là de l'une des dernières compositions), le jeu un peu figé des acteurs, le machiavélisme à échelle intime dans des décors à ciel ouvert… Autant de figures de style typiques du réalisateur de Psychose, qui seront, au fil des années, parfois confondues avec les propres effets de De Palma. Et pourtant, même si Obsession est l'une de ses oeœuvres les plus sobres (si ce n'est la plus retenue), le metteur en scène américain prouve déjà que son inimitable patte consiste à exagérer le cinéma d'Hitchcock pour en obtenir une variation outrée, parfois vulgaire, souvent plus proche d'un opéra kitch que d'un hommage respectueux.

 

 

Réalisé un an après son chef-d'œoeuvre Phantom of the Paradise (dans lequel De Palma s'affranchissait justement de l'ombre tutélaire pour mieux disperser son imaginaire dans une oeœuvre d'une liberté artistique absolue et inépuisable), Obsession est l'une des plus belles tentatives de mimétisme biaisé de l'histoire du cinéma. Avant de sombrer dans les excès gores et sexuels des ses métrages suivants, De Palma parvenait à équilibrer son oeœuvre, en emballant un visuel maniéré jusqu'au ridicule (la musique extrêmement emphatique de Herrmann contribuant grandement à cet aspect) et une histoire au suspens éventé dès la première demi-heure mais à la perversité d'autant plus savoureuse qu'elle ne s'épanche quasi jamais au premier plan. La nécrophilie de Vertigo se décante en inceste, correspondant ainsi pleinement à ce désir de surenchère si cher au réalisateur.

 

 

Si les rebondissements de Obsession semblent bien naïfs et si l'on a du mal à s'attacher aux personnages, De Palma crée une atmosphère onirique, certes empruntée à Sueurs froides, tout à fait convaincante, en particulier lorsqu'il laisse sa caméra effleurer langoureusement le faste baroque de la ville de Florence. De même, la beauté imparfaite de Geneviève Bujold, en quasi-totale contradiction avec les blondes hitchcockiennes, symbolise idéalement cette relecture corrompue des évangiles cinéphiliques. En se souvenant de l'affection que le bonhomme Alfred avait pour le grand-guignol et le grotesque, on réalise que Brian De Palma n'est pas tant l'héritier indigne que le prolongement logique d'une vision excessive du 7e art. Une volonté de radicalité qui ne peut logiquement pas connaître de demi-mesure, menant aussi sûrement à l'échec (nombreux, selon votre serviteur, dans la filmographie du réalisateur) qu'aux réussites flamboyantes, grâce à leur folie interne plus ou moins brillamment contenue (de Body double à Mission impossible).

 

Résumé

Cette constance à vouloir flirter avec le ridicule pour mieux en tirer les fruits les plus malsains et les plus virtuoses fait de Brian De Palma un auteur unique, pouvant se révéler aussi déplaisant que génial, bien souvent au sein d'un même film.

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