Harry Potter à l'école des sorciers : critique presque magique

Laurent Pécha | 29 novembre 2004 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Laurent Pécha | 29 novembre 2004 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Parce qu'Harry Potter constitue un véritable phénomène de société, plutôt appréciable d'ailleurs puisqu'il permet à toute une tranche d'âge (en gros les 8-15 ans) de s'adonner aux joies de la lecture alors que leur monde tourne depuis longtemps déjà autour du visuel (TV, jeux vidéo...), la transposition cinématographique de ses aventures se devait avant tout de contenter les fans de la première heure, ceux qui ont déjà englouti les plusieurs volumes des aventures de l'apprenti sorcier.

Les attirer dans les salles et parvenir à leur faire retrouver les péripéties et l'univers hautement farfelu et coloré des livres, voilà ce à quoi Chris Columbus et son scénariste, Steve Kloves (réalisateur de Susie et les Baker Boys !), se sont attelés durant les deux heures trente-deux de projection. Résultat des courses, Harry Potter à l'école des sorciers réussit l'exploit très rare de transposer la quasi-intégralité du roman, tout en parvenant presque à en garder la substantifique moelle. Se faisant, Columbus s'est assuré des jours paisibles (éloignant la colère et les éventuels jets de sorts des fans) et a permis de mettre la franchise Harry Potter sur de bons rails. Pour autant, toute bonne (fidèle) adaptation qu'il est, Harry Potter à l'école des sorciers peut-il être considéré comme un bon film ? Pas si sûr !

 

Photo Daniel Radcliffe

 

La grande faiblesse de ce premier opus provient justement de cette trop grande fidélité aux écrits de Rowling. Chris Columbus, réalisateur sans génie, fidèle artisan des studios, s'est contenté de reprendre souvent à la virgule près les situations phares décrites par la romancière sans jamais chercher à les accaparer. On a donc souvent le sentiment, qu'on ait lu ou pas le livre, d'assister à un bout-à-bout des scènes clés, sans que jamais il n'y ait un vrai lien entre elles, sans que l'on ressente une fluidité évidente dans la progression du récit.


Il faut dire que Columbus a dû faire face à un problème quasi insoluble : instaurer un climat, présenter des personnages et un univers qui va nous être familier durant de longues années, au fil des sorties des futurs films, tout en parvenant à insérer une intrigue digne de ce nom. Et justement, c'est là où la fidélité à Rowling lui joue un tour. Au cinéma, la faiblesse relative du livre (l'intrigue passait plus au second plan, bouffée par la découverte et la description de cet univers fait de magie et de sorcellerie) prend des proportions bien plus grandes.

 

L'une des qualités évidentes du livre provient de la méticulosité, de la précision et de l'art de l'écrivain à décrire l'univers de Poudlard, la légendaire école de sorcellerie. Or, grâce à la technologie actuelle et aux moyens dont dispose Chris Columbus, la visualisation d'un décor qui pouvait prendre des pages dans le livre se fait ici en quelques secondes. Au-delà de l'efficacité des effets spéciaux, on sent alors qu'il manque quelque chose aux scènes, le sentiment qu'une fois son devoir de sage écolier accompli, l'élève Columbus se dépêche de passer à autre chose. Alors, oui, cela reste d'une immense fidélité au roman, mais le réalisateur oublie que le charme provenait justement de cette application à détailler les situations. L'illustration montre ici ses cruelles limites. Ainsi, sur la corde raide, le film est-il constamment sur le point de devenir artificiel par manque de magie cinématographique (un comble !). Pourtant, une bonne fée a dû se pencher sur le projet puisque, avec des hauts (le début est admirable) et des bas (la dernière partie, d'ailleurs paradoxalement la moins fidèle au livre, manque de souffle), Harry Potter à l'école des sorciers arrive à rester séduisant.

 

Photo Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson

 

L'une des grandes forces du film réside dans le choix de son casting. Tous, d'Harry Potter et ses deux fidèles compagnons de route, Ron et Hermione, au professeur Dumbledore (Richard Harris), en passant par le professeur Rogue (Alan Rickman est né pour jouer les méchants) ou Hagrid (impressionnant Robbie Coltrane) personnifient à merveille leur personnage. Leur crédibilité et le plaisir évident d'interpréter des rôles aussi hauts en couleur tiennent une grande place dans l'identification du spectateur au récit (surtout pour ceux qui auront lu le livre). L'autre atout de poids vient de la faculté des responsables des effets visuels à donner vie à l'imaginaire de Rowling. À ce titre, l'arrivée au château (un des plus beaux plans du film), le combat dans les toilettes avec le Troll ou encore le fameux match de quidditch (un mélange de foot et de basket dans les airs, où les joueurs se déplacent au moyen de balais volants) constituent des moments fort réjouissants autant pour le lecteur connaisseur que pour le profane.

 

Photo Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson

 

Si, effectivement, on a l'impression que Columbus est passé à côté de quelque chose de grand, qu'il n'a pas su nous transporter et nous subjuguer (la durée excessivement longue du film joue ici incontestablement en sa défaveur), il faut lui reconnaître le mérite d'avoir cru en son concept, d'avoir réussi à raconter une histoire enfantine (il est bon de rappeler que le film est avant tout destiné aux plus jeunes) au premier degré. Et ce dernier point est à mettre vraiment en exergue, tant les productions actuelles privilégient et abusent jusqu'à l'écœurement du second degré, du décalage ou de la parodie. Qu'il est bon, enfin, de revoir un film, même imparfait, qui croit avant tout à la puissance évocatrice de son histoire, qui pense qu'elle seule peut suffire à captiver son audience. En ce sens, Columbus est parvenu à retrouver une partie de l'essence du cinéma hollywoodien classique, celui qui mise avant tout sa réussite sur son art de la narration. Voilà encore un autre paradoxe de ce décidément indiscipliné Harry Potter : alors que le film pêche par sa structure trop linéaire, trop fidèle au livre, il en tire sa principale force.

 

Affiche française

Résumé

On accordera donc à l'entreprise le bénéfice du doute : Harry Potter passe en deuxième année avec la mention passable et l'intime conviction qu'il peut beaucoup mieux faire. Ce qui se confirma non pas dans ses deuxièmes aventures cinématographiques, mais lors du troisième opus où, sous l'influence visuelle et narrative d'Alfonso Cuarón, son univers prendra enfin une dimension plus fascinante.

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