Critique : Syndromes and a Century

Julien Dury | 30 mai 2007
Julien Dury | 30 mai 2007

Difficile de décrire Syndromes and a century, sinon en écrivant qu’il s’agit du plus beau film de l’année en cours. Les oeuvres d’Apichatpong Weerasethakul appartiennent à ce domaine de l’indicible, où quelque chose semble s’échapper à chaque tentative de mise en mots. Contrepartie légitime, ces récits qui dépassent le verbe gagnent en force au fil du temps et persistent à hanter les rêves du spectateur longtemps après la vision de la chose. Syndromes and a century réussit l'impossible : un grand film sur le bonheur, sujet anticinématographique par essence. Après Tropical malady et son tigre très borgésien, le nouveau long-métrage du cinéaste reprend le principe du récit scindé en deux parties se répondant en miroir. Première moitié : un hôpital de campagne situé dans un passé indéfini où la nature semble protéger les personnages. Second pan : un autre hôpital, hypermoderne et sis en pleine ville au milieu de statues mystérieuses. Les mêmes acteurs y réapparaissent, prononçant parfois les mêmes mots. Très vite pourtant, les pistes se brouillent et une nouvelle histoire prend corps.

 

La magie du film est dans ce refus de se livrer à la contrainte de la répétition. Ainsi apparaissent simultanément la conscience d’un ordre secret de l’univers et la possibilité de conserver une liberté infinie par rapport à celui-ci. À la fois plongé dans des mythes ancestraux et cadré par des modes de narrations expérimentaux, le cinéma de Weerasethakul est le plus mystique, mais aussi le plus humaniste qu’il ait été donné de voir depuis longtemps. Autant de grands mots ne seraient rien sans le profond amour que porte visiblement le réalisateur pour ses personnages et les lieux où ils se croisent. Un jeune bonze et un médecin aspirant chanteur se lient d’amitié devant une nuit animée par les bruits de la nature, une jeune femme surprend et palpe ingénument l’érection de son amant, un tuyau semble ouvrir la voie vers un monde annexe, et pour finir une danse collective conclut le film dans une exaltation finale.

 

S’il fallait résumer le génie de Weerasethakul, ce serait dans ce mélange de nostalgie et d’euphorie qui transpire d’une œuvre qui fait pourtant toujours le choix de l’implicite et de la contemplation. Point n’est besoin de jouer la carte de l’hystérie pour donner une impression de joie folle. Parfois, la sérénité est bien plus efficace.

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