Critique : Blueberry, l'expérience secrète

Thomas Douineau | 7 octobre 2004
Thomas Douineau | 7 octobre 2004

Voici donc que sort en DVD un des films les plus attendus en salles au début de l'année : un budget faramineux, un réalisateur très technique qui a ses fans, un casting prometteur, et, évidemment un sujet excitant – la transposition à l'écran d'un personnage fort de la BD, Mike Blueberry – faisant entrevoir la perspective de voir enfin un western contemporain français. La déception fut malheureusement proportionnelle à l'attente.

Blueberry… aucun lien

Car le long métrage de Jan Kounen n'a de Blueberry que le nom, et du western que la couleur. Contrairement aux dires de Jean Giraud, le cocréateur du lieutenant de papier, il nous est difficile de faire le lien avec la BD. De fait, si le personnage de Vincent Cassel ne s'appelait pas Mike, le film ne se serait sûrement pas intitulé Blueberry, l'expérience secrète.

Est-ce donc seulement dû à un problème de production, comme le veut dorénavant la légende ? À savoir un producteur qui achète la franchise film de la BD et qui part en quête d'un réalisateur. Mais quand celui-ci est trouvé, et qu'au cours de nombreux repérages il croise la route du chamanisme, le voici qui quitte le navire pour ne revenir qu'avec la ferme intention de faire un film totalement différent, s'éloignant ainsi du concept original. Difficile d'en avoir une preuve tangible...

Toujours est-il que Blueberry est un film bancal, qui part des codes établis par le genre pour rapidement basculer dans une autre dimension, purement sensorielle, certainement sincère, mais très indigeste à l'écran. Nous nous attendions à un western avec Indiens, héros solitaire, saloons à l'ambiance enfumée, femme bafouée. Il n'en est rien. Ni transgression ni manipulation (à l'instar d'un Open range, Impitoyable ou même Mort ou vif), juste une iconographie artificiellement présente, mais au final vite expédiée par une mise en scène ne prenant pas le temps de faire exister les personnages, vivre les décors ou interagir les émotions au profit d'une tentative d'explication de l'inexplicable, transformant le récit en voyage hallucinogène.

Mais là aussi le réalisateur échoue… Car son film ne nous permet pas d'entrer dans la philosophie du chamanisme, de comprendre l'état d'esprit des adeptes, nous faisant plutôt subir un délire visuel à grands renforts de mouvements de caméra en tous sens, de plans montés au hachoir, de courtes focales incohérentes, et d'effets spéciaux en pagaille qui font plus penser à un « bad trip » sous emprise de psychotropes qu'à une recherche, pour nous Occidentaux, d'un autre bien-être, d'une autre façon de percevoir l'âme humaine.

En prétextant Blueberry pour nous parler de philosophie de la vie, Jan Kounen ne sait plus sur quel pied danser. Sur Écran Large, notre philosophie est de mettre en perspective le film et le DVD, ce qui nous permet de cerner les intentions d'un réalistateur bien après la sortie salles. Et force est d'admettre qu'à la lueur de ce beau DVD très complet, Jan Kounen est quelqu'un de sincère et d'entier, et que son projet trouve toute son expression dans les documentaires qu'il a tournés autour et pendant son film ou bien encore dans ses interviews, mais que son long métrage, pris seul et en tant que tel, rate sa cible.

À noter que Jan Kounen sera présent le samedi 16 octobre 2004 au MK2 Bibliothèque à Paris pour une séance de dédicaces.

Le dimanche 17 ocobre 2004, son documentaire D'autres mondes sera projeté en sa présence au Studio Galande à 17 heures.

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