Critique : Brick

Ilan Ferry | 2 août 2006
Ilan Ferry | 2 août 2006

Attention OFNI en vue ! Derrière un titre aussi énigmatique que son affiche, Brick cache une expérience singulière et marque la rencontre improbable entre deux univers à priori antagonistes : le teen movie et le film noir. Un peu à la manière d'un Bugsy Malone, Brick déroute de par son mélange des genres confrontant l'innocence perdue à une certaine violence que le cinéma a érigée au rang de fantasme par le biais du polar. À l'image de Donnie Darko, le film se sert du genre pour créer une ambiance prompte à retranscrire le spleen adolescent sous un angle original à défaut d'être novateur.

Outre Joseph Gordon Levitt qui traine sa carcasse de détective en herbe désabusé et torturé, ce premier long-métrage de Rian Johnson contient toutes les figures imposées du film noir pour mieux nous démontrer que les icônes ont la vie dure et portent inlassablement les stigmates de leur époque. Ainsi, la femme fatale est ici une jeune fille BCBG en quête d'émotions fortes cherchant à se libérer de son statut au sein d'une caste lycéenne type, tandis que le caïd n'est autre que le pur geek, post ado mal dans sa peau au look aussi sobre qu'inquiétant. En effet tout l'intérêt de Brick réside dans sa peinture d'un univers paradoxal où geeks, nerds et lolitas peuvent enfin s'affranchir de leurs fonctions de stéréotypes et où chaque personnage évolue dans une cité des anges déchus dont le centre de convergence n'est autre que leur lycée. Cependant, le film ne se réduit pas à un simple exercice de style et, à l'image du genre auquel il rend hommage, propose une intrigue prenante faisant la part belle aux personnages aussi torturés que mystérieux dans une ambiance renvoyant aussi bien au David Lynch de Mulholland Drive qu'au John Huston du Faucon Maltais.

Toutefois, malgré un style intéressant qui tente à démontrer que le réalisateur veut imposer sa patte, Brick peine à s'affranchir de ses illustres modèles, pensant trouver dans son rythme lent (voire parfois pesant) une manière de se démarquer. En optant pour un traitement premier degré, le film ne fait pas dans la demi-mesure et appelle à une adhésion immédiate ou à un rejet quasi instinctif. En marquant la rencontre entre Raymond Chandler et le John Hughes de Breakfast Club, Rian Johnson lance un bon gros pavé dans la mare du teen movie aseptisé grâce à ce polar passionnant aux multiples niveaux de lecture, et exploite habilement un concept casse-gueule qui avait tout de la fausse bonne idée.

Résumé

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