Critique : La Servante et le samouraï

Patrick Antona | 9 novembre 2005
Patrick Antona | 9 novembre 2005

Située pendant la fin du 19° siècle japonais, l'intrigue de La Servante et le samouraï est placée à la fois sous le sceau du respect du genre (à savoir le chambara) et aussi celui de la critique des plus sévères du soit-disant code d'honneur du Bushido. Peinture d'un mode de vie qui tombe dans la désuétude la plus complète, du fait de l'influence occidentale qui se fait de plus en plus sentir, le film de Yôji Yamada permet de s'immerger dans les codes et les idéaux attachés à la « voie du Samouraï », décortication faite avec le recul nécessaire pour en donner in fine une lecture décapante. Car derrière tout l'apparat qui régit la vie de ces guerriers attachés aux traditions séculaires, c'est bien sûr tout le côté passéiste et complètement anachronique du monde féodal nippon qui est mis en exergue par le réalisateur-scénariste et dont la violence en fait ne s'exerce que pour masquer la corruption du système. Le meilleur exemple en étant la scène où les samouraï découvrent les effets des armes à feu en s'esclaffant bruyamment, ne réalisant en fait aucunement que cette démonstration signe leur mise au rencart.

La Servante et le samouraï permet d'apprécier aussi les rapports qui se nouent entre les deux personnages principaux, dévoilant chez l'un son côté humain et intègre (il se lèvera d'ailleurs contre la corruption environnante après avoir été manipulé) et faisant de l'autre une figure emblématique de la femme japonaise qui désire sortir de sa condition d'esclave domestique. Les acteurs Masatoshi Nagase et Takako Matsu composent ce couple maudit avec merveille, réussissant à marier le côté imagerie historique (impeccable direction artistique) avec un côté moderne qui permet d'adhérer à leur passion quasi-silencieuse. En gros, c'est beaucoup plus passionnant que dans les derniers films de Wong Kar Waï !

Mais que l'amateur de chambara se rassure, même si les combats sont réduits à la portion congrue, deux pour ainsi dire mais d'une grande beauté, le dernier quart du film nous réserve, comme au bon vieux temps de Hideo Gosha ou de Kihachi Okamoto, un duel des plus efficaces et des plus sanglants qui permet de clore tous les enjeux du film avec brio. La mise en scène intelligente de Yôji Yamada, avec la mise en parallèle entre le combat et les tractations politiques qui se trament, permet au film de prendre ainsi toute sa mesure « critique », démontrant par là la parfaite maîtrise de son sujet par le réalisateur.

Pour autant, cette quête de sens n'aboutit pas sur une œuvre rébarbative. Bien au contraire, La Servante et le samouraï réussit à ménager quelques moments d'une drôlerie revigorante au milieu d'une histoire bien dramatique, et même si le film évite l'écueil du « glamour » et de la glorification de l'art du sabre, il n'en reste pas un moins un somptueux album d'images à la saveur typiquement japonaise.

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