Critique : Don't come knocking

Sandy Gillet | 11 octobre 2005
Sandy Gillet | 11 octobre 2005

Les nostalgiques de Paris, Texas ne pourront pas faire autrement que de comparer ce qui finalement n'est pas comparable. Et pourtant Don't come Knocking signe bien le retour du tandem Wenders / Shepard, ce dernier endossant en plus du costume de scénariste, celui d'acteur là où pour Paris, Texas il l'avait refusé au profit d'Harry Dean Stanton. Et de fait la trame formelle de Don't come Knocking ressemble à s'y méprendre à celle de Paris, Texas : une sorte de voyage initiatique et rédemptrice au cœur même de l'Amérique mythique tel que fantasmée par l'européen Wim Wenders. À la différence près qu'il n'est plus ici question de retrouver l'âme sœur autrefois abandonnée mais bien une descendance soudainement exhumée.

Dire dès lors qu'il s'agit plus d'un alibi scénaristique pour pouvoir à nouveau arpenter quelques paysages légendaires ne serait pas complètement faux mais pas complètement vrai non plus. C'est d'ailleurs toute la finesse de ce film qui fonctionne tel un funambule sur sa corde, à savoir sans cesse trouver l'équilibre entre une histoire dont on cherche encore l'intrigue et le plaisir communicatif de filmer des personnages qui se dessinent lentement. C'est ainsi que l'on suit le récit assez mince d'un cow-boy de cinéma à la réputation sulfureuse et quasi has been (Sam Shepard, face burinée, sourire cynique, silhouette qui n'a pas pris une ride depuis L'Étoffe des héros) qui s'enfuit un beau matin alors qu'il tourne un western en décors naturels. Sa première étape est de reprendre contact avec sa mère (Eva Marie Saint, l'une des dernières figures légendaires de l'âge d'or d'Hollywood et partenaire entre autre de Cary Grant dans La Mort aux trousses) qu'il n'a pas revu depuis plus de trente ans. L'occasion pour Wenders de filmer les grands espaces immortalisés par Ford et de les confondre avec cette Amérique rurale à mi-chemin entre la « tradition cow-boy » et un modernisme de pacotille.

C'est là, au sein de la maison maternelle, qu'Howard apprend sa paternité provoquant en lui une lueur d'espoir quant au sens à donner à la fin de sa vie. Ses recherches vont alors le ramener dans les bras de Doreen (magnifique Jessica Lange), serveuse en chef dans la ville de Butte dans le Montana et conquête d'un moment devenu depuis la mère de son enfant. Cette dernière étape est à nouveau le prétexte pour filmer un lieu quasi fantomatique à l'architecture datant des années 30 dont Wenders raffole. Un anachronisme urbain qui va aussi lui permettre d'affirmer les traits de son cow-boy un peu paumé en le révélant face à un bestiaire de personnages dont on sent que le couple Shepard / Wenders a pris plaisir à façonner lors de l'écriture. Aucune caricature ici, juste des vies, des silhouettes, des caractères à la fois idéalisés et réalistes un peu comme si tous voulaient se confondre avec les décors. Le plus archétypale d'entre eux étant sans conteste Sutter, le détective représentant la société d'assurances du film dont la mission est de retrouver la trace de notre acteur sur le retour afin de l'obliger au plus vite à reprendre le tournage. Interprété magistralement par un extraordinaire Tim Roth, il est le personnage d'abord satellite puis central du film. Tel un shérif des temps anciens qui aurait troqué son colt pour un téléphone portable, il traverse le récit en lui donnant le tempo dramatique a minima sans quoi Don't come knocking, à l'instar de Land of Plenty, le précédent film du cinéaste allemand, n'aurait été qu'une bien belle carte postale traversée par des personnages improbables.

Avec Don't come knocking, 2005 semble s'être rangée sous la thématique du père et du fils comme si nos cinéastes préférés avaient besoin de transmettre non pas un savoir mais tout simplement de la vie dans ce qu'elle a de plus brut et de plus égoïste : qui se souviendra de moi à ma mort, que restera t'il de mon passage sur Terre ? Et quoi de mieux que de partir à la recherche d'un enfant oublié (on pense bien entendu à l'immense Broken Flowers de Jim Jarmush) afin de lui prodiguer même tardivement ce supplément d'âme (Charlie et la chocolaterie, La vie aquatique). La suite dira si les jeunes générations auront compris le message. Jacques Audiard semble lui l'avoir déjà envisagé à contrario avec De battre mon cœur s'est arrêté ainsi que Liev Schreiber avec Everything is illuminated (vu à Deauville et bientôt en salles) qui tous deux ne font rien d'autre que remonter aux racines même de la paternité.

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