Critique : Le Couperet

Vincent Julé | 21 février 2005
Vincent Julé | 21 février 2005

Les premières images, où le personnage interprété par José Garcia essaie tant bien que mal de tuer un concurrent, donnent le ton : caustique et doucement irrévérencieux. Un ton, auquel le nom de Costa-Gavras n'est pourtant pas instinctivement accolé. Habitué aux études historiques et politiques (Z, L'Aveu, Etat de Siège, Amen), plus frontales, le réalisateur grec s'était déjà essayé à la critique sociétale dans le pas très fin, et américain, Mad City en 1996. Changement dans la continuité, pourrait-on dire, avec ce Couperet, adaptation du roman The AX de Donald Westlake.

Dans un monde où les licenciements s'enchaînent aux délocalisations – le nôtre donc -, le livre et le film suivent un cadre supérieur mobilisé malgré lui dans une guerre des temps modernes, qui n'est pas exempt de sacrifices. Le thème, et peut-être l'époque, renvoie à deux autres films, inspirés directement ou non par la tragique affaire Jean-Claude Romand : L'Adversaire de Nicole Garcia et L'Emploi du temps de Laurent Cantet. Imprégnés, des décors aux comportements, d'un fort naturalisme, ils créaient, par son final pour le premier et par sa froideur pour le second, un réel malaise. Costa-Gavras jette le même regard alerte, emprunte la même ambiance crue et réaliste, et ne prend aucun risque avec son casting. Impeccable dans la sobriété, l'affolement ou la méchanceté, José Garcia n'en reste pas moins un choix aisé, rassurant. La présence de Karin Viard, qui rempile dans le rôle de la femme délaissée et pleine de doutes après L'Emploi du temps, est un signe qui ne trompe pas. Ainsi, une certaine impression de déjà-vu court tout le long du film. Or, c'est tout simplement celui du quotidien, avec ses rues, ses voitures, ses gestes et ses visages, et que seules les photographies faussement subliminales d'Olivera Toscani (les campagnes de pub Benetton) viennent parasiter, dans une anecdotique mais drôle vindicte de la société de consommation.

Dans cet environnement connu, balisé, le parcours initiatique et meurtrier de José Garcia n'en est que plus violent, révélateur et surtout jouissif. Car, passer ses journées à épier, suivre et enfin tuer ses homologues – et il n'est question que de ça dans le film – serait pour chacun d'entre nous d'un tel ridicule. Tuer dans la réalité ne se fait pas avec classe. José Garcia, omniprésent, devient alors d'une terrible drôlerie dans son costume de clown malgré lui.

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