Alexandre Revisited The Final Cut

Charles-François Pion | 6 juin 2007
Charles-François Pion | 6 juin 2007

Après un « director’s cut » sorti en DVD aux États-Unis, plus court que la version découverte en salles et agréé pourtant par Oliver Stone, rien ne nous laissait présager d’une ressortie en DVD dans une version plus longue d’environ 45 minutes. Désormais, cet Alexandre Revisited nous entraîne dans un péplum-marathon avoisinant les 3h40. Cette fois-ci, Stone jure qu’il s’agit bien là de la version définitive ! 

 

À la vue de cette version, on ne peut qu’être satisfait du résultat. En effet, ce qui frappe le plus est le soin apporté au montage. Dans la version vue en salle, le film, hormis quelques flashbacks, conservait une certaine linéarité pas toujours évidente du point de vue du rythme et de la fluidité dans l’enchainement des scènes. Ici, le film use de la non chronologie pendant tout le film : passé, présent et futur s’entrechoquent, chaque séquence est mise en corrélation avec celle qui la précède. Le montage parallèle presque symbolique use donc d’échanges et de communications entre le temps et l’espace des personnages.


 

 

 

La personnalité d’Alexandre (Colin Farrell), ses actes, sa force, son destin, sa folie même, semblent tous être le fruit des souffrances originaires liées à sa relation très œdipienne entretenue avec ses parents. Cet amour/haine, cette attraction/répulsion entre lui et sa mère Olympias (Angelina Jolie), et cette façon de « tuer le père » pour trouver un semblant de paix intérieure deviennent le cœur de l’histoire. Grâce à cette narration éclatée, tous les tourments d’Alexandre liés à son passé trouvent leurs correspondances dans le présent ; les batailles deviennent elles-mêmes l’expression de cette torture émotionnelle dont Alexandre est victime. Pas étonnant que le film s’ouvre pratiquement sur une bataille, celle entre Alexandre et Darius, comme pour suggérer que sa vie n’est que conflit, une guerre menée à la fois de l’intérieur avec la solitude du héros mythifié et de l’extérieur au milieu des champs de bataille. Comme le dit Philip (Val Kilmer), le père d’Alexandre : « Ce sont les Dieux qui décident, pas de gloire ni de pouvoir sans la souffrance et l’acier…. les Dieux font de nous des esclaves et peuvent en un clin d’œil reprendre tout ce qu’ils nous ont donné ».

 

 

C’est sur cette base que le film se scinde désormais en deux parties : l’ascension et la chute, la gloire et le désespoir. La première partie s’achève juste au moment où Alexandre pénètre en Inde pour étendre sa conquête au-delà du possible. C’est là sans doute qu’Alexandre commet l’erreur de voir trop « grand ». Le film apparait donc comme un diptyque où chaque partie est l’antithèse de l’autre : deux faces antinomiques d’un même personnage, d’une même tragédie. 

 

 

 

De personnages, il en est question dans cette version qui étoffe substantiellement tous les proches qui gravitent autour d’Alexandre, de ses parents à ses amours. Ajout notable concernant l’eunuque Bagoas renforçant l’ambigüité sexuelle d’Alexandre par l’ajout de scènes explicites entre les deux hommes. De même pour ce qui est de sa relation plus évidente avec Héphaistion. De là nait une tension palpable entre les différents amours d’Alexandre alternant jalousie et érotisme, que ce soit Héphaistion, Bogéas ou Roxanne, tous essayant d’asseoir leur place dans cette « cour du roi ».

 

 

Enfin, en ce qui concerne les batailles, elles s’en trouvent rallongées et bien plus fluides. Les rajouts à l’écran de textes précisant le lieu où se déroule tel ou tel affrontement, rendent compte du génie stratégique dont faisait preuve Alexandre. Ce nouveau montage nous gratifie également de quelques plans gores supplémentaires, tel cet éléphant piétinant un soldat macédonien qui explose littéralement sous le choc de l’animal.

 

 

 

 

Oliver Stone nous propose donc une version non censurée avec des scènes de violences et de sexe explicites renforçant l’aspect brutal et adulte du film. Alexandre Revisited devient l’une des meilleures director’s cut de ces dernières années, à ranger aux côtés du récent montage inédit en salles de Kingdom of Heaven de Ridley Scott. Le film trouve enfin son rythme et son énergie grâce au montage, son ampleur et sa démesure par sa durée et son intérêt avec cet imposant portrait du mythique et légendaire Alexandre porté par un Oliver Stone plus que jamais passionné.  

 

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