Benoît Magimel (Les Chevaliers du ciel)

Vincent Julé | 8 novembre 2007
Vincent Julé | 8 novembre 2007

Voici notre deuxième entretien cette année - après celui accordé pour Trouble - avec l'un des meilleurs acteurs français de sa génération, Benoît Magimel. On ne va pas vous faire croire que sa performance dans Les chevaliers du ciel est la meilleure de sa carrière, n'empêche que le minimum syndical avec Magimel reste largement supérieur à la moyenne dans le métier grâce à son formidable charisme. Et ça, c'est fort.

 

Devenir pilote de chasse au cinéma, c'est un peu réaliser un rêve de gosse ?
Figure-toi que non. Le métier de pilote était inaccessible de par le milieu d'où je viens. Alors, on a bien fait un vol sur un Alpha Jet, équivalent aux Mirage du film, mais après une demi-heure plaisante, cela devient épuisant, puis horrible. Gérard Pirès, le réalisateur, m'a aussi laissé piloter un des petits avions, mais je devais la jouer blasé, donc je l'ai un peu vécu de cette façon. Par contre, c'est la première fois que j'interprète un vrai héros, sans peur ni reproche, droit, et à vrai dire, assez simple à définir.

 

Un tel héros est-il proche de ta personnalité ?
Ce que j'aime au cinéma, c'est les enjeux. Je recherche des rôles qui me sont différents. Je suis plutôt léger au quotidien, alors que je joue souvent dans des tragédies. La comédie est par contre plus difficile pour moi. Il n'est pas donné à tout le monde de savoir faire rire. Je viens d'en faire une, Fair play avec Marion Cotillard, sur le monde de l'entreprise. Cela a été riche d'enseignements. Et puis, les grands comiques sont souvent des torturés. Moi, c'est peut-être l'inverse.

 

 

 

Il est écrit dans le dossier de presse que tu as signé pour le film avant même de lire le scénario. Cela m'a un peu surpris.
Non, j'ai juste donné mon accord de principe. Le projet était assez hors normes, colossal, pour que je me penche dessus. On se demande avant tout s'il y aura une logistique suffisante. Car pour faire ce genre de cinéma, il faut les moyens. Si les Français veulent un jour rivaliser avec les Américains sur ce tableau, il n'y a pas trente-six solutions, il faut y mettre le paquet. Dès que l'armée s'est portée garante du projet, je me suis tourné ensuite vers le réalisateur et le casting. J'avais rencontré Gérard Pirès il y a quelques années, et je savais qu'il était fana d'aéronautique. Il pilote d'ailleurs lui-même. Il était pour moi tout désigné pour rendre un tel film de commande en un projet plus important, plus personnel. Puis, il y a le casting. J'avais prévenu la production qu'il ne fallait surtout pas réunir un casting carnaval habitué à ce type de divertissement. Je crois qu'on peut dire qu'il y a une vraie différence : Philippe Torreton, Clovis Cornillac, Géraldine Pailhas. C'est du jamais vu.

 

 

Et après avoir lu le scénario, tu partageais toujours le même enthousiasme ?
On a dû retravailler beaucoup de choses, mais dans l'essentiel, cela fonctionnait. Le cahier des charges était bien rempli. L'intrigue et les personnages sont bien sûr des figures classiques de ce genre de spectacle, mais c'est inhérent à ce cinéma. Il est difficile d'aller vers autre chose. C'est un film de divertissement, pour les enfants et la famille, et pour rêver un peu devant les images d'avions. Après, l'originalité… Il faut juste profiter du fait qu'il est rare qu'une équipe de cinéma se rende sur les bases militaires. On était là sur le tarmac avec nos Ray Ban… et ce n'est pas qu'un accessoire de frime tout droit sorti de Top gun, le soleil tape réellement. C'était osé, nouveau et à deux doigts du ridicule par moments.

 

 

 
 

Le ridicule ne vient pas de l'aspect technique, à priori irréprochable, ou de l'action en elle-même, mais plus quand tu répares la toiture de ta maison de campagne.
(Sourire en coin.) Je suis d'accord avec toi, mais il ne faut pas voir tout ça, il faut même le prendre à la blague. C'est comme Brice de Nice, les professionnels sortent du film accablés, alors que les jeunes adorent… Tu sais, en faisant ce film, je n'avais aucune ambition. Alors je ne vais pas épiloguer sur mon personnage ou sur le film.

 

 

Juste une dernière question pour les demoiselles. Dans le film, tu choisis Géraldine Pailhas, la grande brune, au détriment d'Alice Taglioni, la petite blonde. Dans la vraie vie, tu aurais fait le même choix. Cela revient presque à te demander ton genre de fille.
Peut-être, je pense. L'une est arriviste, traîtresse, l'autre droite et en quête de la vérité, le choix est vite fait. Sinon, non, je n'ai pas de genre en particulier. J'aime l'humour chez une femme, c'est important. Il faut aussi qu'elle m'accepte tel que je suis. Certains arrivent à définir leur style de femmes, moi pas. La vie est surprenante et voilà. Après, nous avons tous notre propre histoire, qui nous fait aller plus vers un genre de femmes qu'un autre.

 

 




Passons donc à autre chose. Lors d'une précédente interview, tu as utilisé le terme de « voyoucratie » en référence à ton attirance pour le monde du grand banditisme dans la vie comme au cinéma. Tu joueras d'ailleurs dans Truands de Frédéric Schoendoerffer.
Je connais et j'ai grandi avec cet univers. J'ai tout d'abord fait mon éducation cinématographique à grand renfort de comédies avec De Funès ou Bourvil, puis j'ai été boulimique de westerns. Ces grandes figures légendaires et sans failles. Elles m'ont vite fasciné, et je les ai retrouvées dans les films noirs. Ce sont toujours les mêmes histoires : des tragédies. Le Parrain est une tragédie antique magnifique. J'adore aussi Jean-Pierre Melville, car il a récupéré le mythe du gangster, afin de le traiter avec réalisme. Il faut presque avoir un pied dedans pour pouvoir en parler, pour dépasser l'image d'Épinal et la nostalgie des années 60. Ayant eu beaucoup de libertés étant enfant, j'ai pas mal traîné dans la rue et j'ai été rapidement fasciné par ce monde, sans savoir vraiment pourquoi. S'il n'y avait pas eu le cinéma, je ne sais pas ce que je ferais aujourd'hui. À l'époque de La vie est un long fleuve tranquille, Etienne Chatillez et l'équipe se demandaient réellement si j'allais bien finir. Ils avaient peur pour moi. J'ai arrêté de vivre dans ce milieu dès que j'ai commencé à gagner ma vie. Si je le faisais, c'était uniquement par nécessité, et non pour une quelconque reconnaissance, bien que beaucoup restent animés par cette idée de gloire sociale. Après Les Voleurs, j'ai refusé tout ce qu'on me proposait par peur d'être enfermé dans les rôles de délinquants, pour lesquels, il faut le dire, je suis à l'aise.

 

 

Pourquoi accepter aujourd'hui ?
Il est de nos jours très difficile de faire un bon film de gangsters. Or, j'aime la manière dont Schoendoerffer avait traité son Scènes de crimes. C'est froid, sobre, réaliste et très violent psychologiquement. À la lecture du scénario de Truands, inspiré de faits réels, j'ai retrouvé ce même éclairage, et puisqu'il n'y pas de chaînes de télévision derrière le projet, il devrait pouvoir se permettre quelques violences bien placées.

 

Cela t'intéresserait de travailler avec quelqu'un comme Olivier Marchal ?
J'ai adoré 36 Quai des Orfèvres. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un film aussi réussi sur cette fameuse « voyoucratie ». J'ai d'ailleurs toujours pensé qu'il y avait peu de différence entre les flics et les voyous, surtout dans le comportement, et c'est ce que j'ai particulièrement apprécié. Il a toujours eu une écriture très juste, sur Gangsters ou la série Police district, mais là, il réussit parfaitement à retranscrire un état de violence, intérieur et extérieur, voire même à le styliser. C'est aussi ce que j'aime chez Sam Peckinpah, qui a été le premier à assumer la violence et son érotisme. J'ai revu dernièrement Chiens de paille, et de nouveau la claque. La scène sur le canapé reste du grand cinéma, troublant, dérangeant. Je jouerai sûrement un jour un rôle de cet acabit, j'ai d'ailleurs eu déjà beaucoup de propositions comme Mesrine, mais il est encore trop tôt pour moi.

 

 

 

Propos recueillis par Vincent Julé.
Autoportrait de Benoît Magimel.

 

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