Aviator : interview de Martin Scorsese, Leonardo DiCaprio et Cate Blanchett

Julien Welter | 13 janvier 2005
Julien Welter | 13 janvier 2005

En ce début du mois de janvier, après deux réveillons successivement ballonnant et enivrant, l'agenda nous réserve la conférence de presse d'un des films poids lourds de l'année 2005 : The Aviator.
Leonardo Di Caprio, Cate Blanchett et Martin Scorsese ayant traversé l'Atlantique pour nous présenter leur dernier long métrage, nous avons pris, malgré quelques crampes à l'estomac, le métro jusqu'au Plazza Athénée pour écouter ce qu'ils avaient à nous dire. Malheureusement, un peu plus d'une demi-heure, en fond de salle, pour le puits de connaissance cinéphilique qu'est le réalisateur italo-américain, c'est trop peu, surtout quand celui-ci délivre des réponses de quinze minutes.
On s'imagine alors en tête-à-tête avec cet homme emballé et passionnant devenu familier par son phrasé de gangster :
« Mister Scorsese, could you tell me what's what, and what?
– What ?
– What what ?
– What what nothin'. You said what first.
– I didn't say what first.
– You said "and what ?” and I said “what”.
– No, I said what, what ?
– ….You said what first. »

Bon ben, l'entretien particulier avec le maître n'est pas pour demain. Retour à la réalité.

 

Quel regard portez-vous sur Howard Hughes après cette expérience ?
Leonardo DiCaprio : J'ai encore quelques doutes sur ses qualités de cinéaste, je n'en ai cependant aucun sur celles de producteur. Il était un authentique rebelle qui a produit Hell's angels et d'autres films moins recommandables entièrement sur ses seules épaules. Pour l'aviation, c'est tout simplement un génie et un pionnier. D'ailleurs, ils l'appellent le « génie » dans le milieu.

Martin Scorsese : Je suis assez d'accord à propos de ce qui a été dit sur son génie de l'aviation. En ce qui concerne ses activités de cinéaste, il y a d'un côté les films que l'on croyait perdus, jusqu'à ce que TCM les montre très récemment. Ceux-là, je ne les ai pas vus. Mais Hell's angels et Scarface sont d'authentiques chefs-d'œuvre. Les batailles aériennes du premier sont tout simplement inimitables et ne pourraient en aucun cas être refaites aujourd'hui. Alors, même si le jeu des acteurs et l'histoire peuvent paraître vieillots, ils restent des chefs-d'œuvre produits par un unique hors-la-loi.

 


Après deux films tournés ensemble, qu'avez-vous appris l'un de l'autre ?
Leonardo Di Caprio : Pouvoir travailler avec Martin, c'est pouvoir travailler à côté d'une source de connaissance inépuisable. (NDLR : Je vous l'avais dit !) Son génie autant que sa cinéphilie m'étonne encore, et j'apprends tous les jours avec lui (NDLR : Tu m'étonnes...). Par rapport à Gangs of New York, il y a eu beaucoup plus de répétitions, car cette biographie d'Howard Hughes n'était pas comme le film précédent, un bébé qu'il chérissait depuis des années. On a donc pu contribuer dès le départ du film en partageant nos idées, auxquelles il était toujours ouvert.

Martin Scorsese : Gangs of New York est un projet personnel construit autour d'une période particulière impliquant des costumes et des décors particuliers. The Aviator n'est basé que sur un personnage. Il y a donc une dynamique différente. On a essayé ici d'explorer les facettes de ce personnage duquel on ne connaît que très peu de choses. Cela a donc été un processus de découverte qui a été riche pour notre propre ignorance. Par exemple, Leo, après avoir regardé de nombreux films sur Hughes, a remarqué un geste qu'il répétait souvent sur la plissure de son pantalon. On en a discuté, et par la suite on l'a intégré. Peter Bogdanovich a dit : « Il n'y a pas de vieux films, juste des films que l'on a pas vus. ». Je trouve cela très vrai. Voir beaucoup de vieilles productions enrichit et nourrit le travail.

 

En quoi cette biographie d'Howard Hughes est-elle en partie une biographie de vous ?
Martin Scorsese : Je prends ça comme un compliment de voir un peu de moi en Hughes, car lui était un véritable génie de l'aviation. Après avoir lu le script, mon ami Dante Ferretti m'a dit : « C'est toi ! » Moi, j'ai répondu : « Dans la salle de projection peut-être, quand je ne veux pas sortir de chez moi également. Mais sinon, non ! » Il est cependant vrai que je ne peux pas aborder un long métrage sans y voir des aspects de moi-même, et de nos jours il n'est pas facile de réaliser un film personnel. Je ne sais d'ailleurs pas si ce sera encore possible. Connaissant le personnage et les acteurs, le projet était trop intéressant pour être refusé. Néanmoins, vu la taille du budget, ma responsabilité était de ne pas prendre autant de risques que cela et de rendre des comptes aux financiers.

 

Regrettez-vous l'âge d'or du cinéma ?
Leonardo Di Caprio : Le cinéma est un art jeune en comparaison des autres. Je pense donc que nous sommes encore dans cet âge d'or. Même si les gens ont tendance à s'extasier devant les films contemporains, les premiers pionniers avaient réalisé des choses formidables sans effets spéciaux.

 

L'expérience d'incarner un réalisateur vous a-t-elle donné envie de passer derrière la caméra ?
Leonardo Di Caprio : Je ne suis pas encore prêt. J'ai encore trop à prouver en tant qu'acteur. Je pense que je serais trop directif, un peu comme Hughes, et que j'aurais pour cela du mal à gérer mes acteurs. Mais si un jour il y a un projet magique, pourquoi pas ?

 


Avez-vous appréhendé de devoir incarner une star comme Katharine Hepburn ?

Cate Blanchett : J'étais au départ terrifiée, car elle était un véritable défi. Mais il existe beaucoup d'entretiens filmés d'elle, et j'ai donc eu de nombreux éléments techniques à portée de main pour nourrir mon jeu. La ressemblance physique faisait également partie du challenge, et j'étais consciente qu'il allait être difficile d'avoir l'allure d'une icône des films en noir et blanc. Les gens ont l'habitude de la voir ainsi, et le passage en couleurs aurait été extrêmement dérangeant. Pour ancrer le personnage dans l'esprit des spectateurs, on a ainsi commencé par la montrer hors caméra, lors de sa première rencontre sur le terrain de golf avec Howard Hughes.

 

Avez-vous rencontré la vraie Katharine Hepburn ?
Cate Blanchett : Non. Elle est morte quelques jours avant le tournage, donc je n'ai pas pu la voir. J'en suis d'ailleurs désolée, il est très difficile de rencontrer ses héros (NDLR : en dehors des conférences de presse). En ce qui concerne son personnage, je pense qu'il ne s'agissait pas pour elle d'être féministe. À l'instar de moi-même, elle était seulement une femme au caractère trempé.

Propos recueillis par Julien Welter.

 

 

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