Woody Allen (Melinda et Melinda)

Julien Welter | 26 décembre 2007
Julien Welter | 26 décembre 2007

Quelques jours avant les fêtes de fin d'année, tout au bout des longs et somptueux couloirs de l'hôtel Ritz, s'est déroulé la conférence de presse du dernier film de Woody Allen. A Paris pour parler de son Melinda et Melinda, premier long métrage expérimental depuis bien longtemps, l'homme restera fidèle à sa réputation : loquace (mais sans plus), affable (mais sans plus) et amusant (mais sans plus). On y apprend quelques trucs tout en entendant certains déjà bien connus. Un peu à l'image de son dernier film.

 

Vous avez déclaré tirer vos idées d'une petite boîte que vous remplissez au fur et à mesure. Celle-ci s'est-elle considérablement remplie depuis les dernières élections présidentielles ?
Je suis évidemment déçu par le résultat des élections présidentielles. Le résultat montrait toutefois un écart de seulement 3 millions de voix, ce qui n'est pas si énorme que cela pour un pays aussi vaste que les Etats-Unis. Personnellement, je n'ai jamais été un cinéaste politique et je me suis intéressé à cette élection seulement en tant que citoyen. En fait, je n'ai jamais eu l'impression que l'art était la voie idéale pour débattre de ce genre de sujet. Le film de Michael Moore m'a beaucoup plu, mais je ne pense pas qu'il ait constitué une différence parce que personne ne sort d'un tel film en se disant qu'il va arrêter de voter pour Georges W. Bush.

 

 

 

Etait-ce un désir de réunir à l'intérieur du même film deux influences majeures et contraires que sont Ingmar Bergman et Groucho Marx ?
De même que j'aime toujours les mêmes films et les mêmes metteurs en scène, mes influences n'ont pas changé depuis bien longtemps. J'ai ainsi les mêmes obsessions que lorsque j'avais 10 ans. Personnellement, j'aurais préféré être un réalisateur de films tragiques plutôt que comiques, parce que j'ai toujours vu le monde ainsi et les auteurs que je préfère sont des tragédiens. Beaucoup de gens voient et vivent leur vie de façon pessimiste ; d'autres sont obligés de la voir sous l'angle comique, autrement ils se suicideraient. Sur le même raisonnement, si Le 7e Sceau vous parle de ce qui est horrible dans le monde, un film de Fred Astaire vous en distrait. Pour moi cela revient alors au même : le monde est fondamentalement tragique.

 

Dans votre nouveau film, vous nous dites que la comédie ou la tragédie dépend du regard que l'on décide de porter sur son histoire. Est-ce à dire qu'Intérieurs aurait pu être une comédie ?
Oui, et d'ailleurs très souvent une idée pourrait être tournée dans le sens opposé. Dans Une autre femme, Gena Rowlands entend des vérités dérangeantes sur elle-même, ce qui amène le drame. Si je ne l'avais pas écrit pour elle, mais pour moi, cela aurait pu devenir une comédie assez drôle puisqu'il y avait de quoi tourner une aventure comique. Ici, l'idée était plutôt d'expérimenter.

 

Cette année, vous nous faites le cadeau de deux films en un. Inaugurez-vous un nouveau rythme ?
J'aimerais beaucoup réaliser deux films par an, mais il faudrait pour cela trouver des producteurs capables de les financer. Vous savez, réaliser un film n'est pas un travail scientifique, contrairement à ce que l'on pense, et je pourrais en réaliser deux par an. La plupart de mes collègues tourneraient d'ailleurs beaucoup plus si seulement ils avaient l'argent. Mais avec un scénario en main, il faut aujourd'hui en général deux ans pour monter un film. Il faut endurer beaucoup de dîners, de coups de téléphone et de promesses non tenues pour finalement, un jour, user de la pellicule. Mes longs métrages ne se produisent heureusement pas de cette façon. Dès qu'ils sont écrits, je rentre en préproduction, puis en six, huit mois ils sont terminés. J'ai alors en réalité beaucoup de temps libre pour ma famille, pour m'exercer à la clarinette ou pour aller voir des matchs de basket (NLDR : Woody Allen est l'un des spectateurs les plus assidus des matchs des New York Knicks, et ce depuis de très nombreuses années).

 

 

Vous avez déclaré récemment à des étudiants de la FEMIS que vous étiez paresseux et que cela ne vous poussez pas à multiplier les plans. Quelles sont les choses qui vous motivent alors pour filmer ?
Il est vrai que je suis paresseux, car quand il y a un obstacle qui m'empêche de tourner une idée je l'abandonne presque immédiatement. En général, je fais des plans longs car je n'ai pas la patience de mettre en boîte des plans de coupe. Je tourne huit pages de script, ce qui fait que mes tournages vont très vite. Autrement, cela serait ennuyeux pour moi.

 

 

Vous vous astreignez à de petits budgets. N'avez-vous jamais pensé aux technologies numériques pour les minimiser encore plus ?
Je ne suis pas un technicien. Certains de mes amis me disent que le numérique est parfait à l'heure actuelle, alors que d'autres me disent qu'il faut encore attendre quelques années pour que cela le soit. C'est pour cette raison que j'hésite à me lancer. Mais la seule fois où je l'ai proposé, la production m'a répondu que je n'économiserais pas beaucoup plus avec, car il resterait toujours des frais incompressibles comme les costumes ou les décors. Ma seule avancée dans la technologie jusqu'à présent est de m'être mis au montage numérique depuis deux ans.

 

Comment choisissez-vous vos acteurs ?
Vous savez, il y a de nombreux talents qui sont prêts à s'exprimer et qui n'obtiennent que de petits rôles dans des grosses productions. Avec mes petits moyens, je ne suis pressé par aucun studio, et donc si je vois Radha Mitchell dans Phone booth et que je la trouve magnifique, je me permets immédiatement de l'engager. Avec un studio, je ne pourrais pas.


Quel a été le traitement musical attenant à ce film aux deux humeurs ?
Les genres de musique que j'aime ont toujours été le jazz et la musique classique. J'ai toujours pu faire des films avec, mais là j'ai pu mélanger les deux en même temps et utiliser des compositeurs comme Stravinsky et Bartok. En fait, dans Guerre et amour, je voulais déjà mettre du Stravinsky, mais je me suis rendu compte à l'époque que cela enlevait tout l'humour. J'ai alors mis du Prokofiev, dont les harmonies ne sont pas aussi compliquées, et je me suis rendu compte que cela marchait parfaitement. Comme ici, j'avais besoin de dissonance : le mélange et Igor Stravinsky se sont imposés.

 

Vous êtes un cinéphile averti, avez-vous vu les films La Fête à Henriette, de Julien Duvivier, et son remake, Paris - When it sizzles, de Richard Quine, qui racontent tout deux à peu près la même histoire ?
Le premier n'a, il me semble, jamais été montré aux Etats-Unis, et je ne me rappelle pas l'avoir vu. Le remake, je crois en avoir vu un bout et c'était très mauvais.

 

 

 

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