Lindsay Lohan - Portrait
C'est le sport national hollywoodien, et de fait, aussi celui de la
presse people : chercher, et de préférence trouver, la Nouvelle Star.
Il est tout autant de bon ton d'être les premiers à pourfendre ses
idoles d'antan (Tom Cruise, Mel Gibson ou Demi Moore
n'en peuvent certainement plus d'épiler les poignards plantés dans leur
dos) que d'ériger en icône d'une génération la moindre « bimbo » qui se
fait refouler de la boîte de nuit à la mode pour comportement indécent,
mais si délicieusement excentrique. Ainsi aux yeux du petit monde de la
jet-set, mais aussi auprès des bienheureux nerds de la planète, Lindsay
Lohan incarne un certain idéal de la star baroque et post-moderne.
L'affection coupable qu'on lui porte pouvant être justifiée par de très
vagues théories sur l'image publique des personnalités
cinématographiques ou par la simple admiration des formes girondes
(mais fluctuantes) de la donzelle.
Née le 2 juillet 1986 à New-York, Lindsay Dee Lohan est immédiatement
plongée dans le grand bain du show-business, sa mère possédant une
formation de danseuse et ayant rencontré son mari sur les plateaux de
séries télévisées. Lindsay débute dès l'âge de 3 ans (un peu comme
Britney Spears et Michael Jackson) en tournant pour des publicités et
en posant pour diverses marques de vêtements. Entre 1990 et 1996, elle
apparaît dans plus de 60 spots pour des enseignes aussi prestigieuses
que Pizza Hut ou Wendy's. Le tournant de sa très jeune carrière se
situe en 1997 lorsqu'elle rejoint l'écurie Walt Disney Pictures en
obtenant le double rôle des jumelles du sympathique A nous quatre (The Parent Trap). Sa performance révèle un talent certain pour la comédie, potentiel d'abord cultivé pour la télévision avec les gentillets Life-Size et Get a clue, et finalement confirmé en 2003 avec le très réussi Freaky Friday.
Face à une Jamie Lee Curtis déchaînée, Lindsay Lohan est
particulièrement crédible en adulte prisonnière d'un corps d'ado ; on
se surprend alors à penser que la miss ne serait pas qu'un produit
marketing de plus, mais bien une actrice en devenir.
Impression vaguement préservée par l'hystérique Journal intime d'une future star (Confessions of a teenage drama queen),
l'actrice y cabotine comme jamais, mais le film vaut surtout par son
aspect autobiographique et par des pointes d'autocritiques qui vont
conduire Lohan vers le très acerbe Lolita malgré moi (Mean girls).
Malgré l'inévitable discours moralisateur, le film réserve quelques
séquences assez mordantes et des gags efficaces, Lindsay n'en fait pas
trop et parvient même à s'effacer au profit de Rachel McAdams, excellente en grande méchante louve des couloirs du lycée.
Comme toutes les starlettes de sa génération, Lindsay Lohan se découvre alors des velléités musicales et enregistre en 2004 son premier album : Speak. Si musicalement le disque ne vaut pas tripette (en versant dans un pop-rock FM criard et surproduit dans la même veine que Ashlee Simpson et Avril Lavigne), il faut reconnaître à Lindsay des talents de chanteuse (une jolie voix et, comme tout le monde l'aura remarqué, un certain coffre). Devant le relatif succès de ce coup d'essai, la miss reprend le micro un an plus tard avec A little more personal, dont le titre exprime clairement les intentions. Si les textes gagnent en qualité et si l'ensemble est moins brouillon et précipité, tout cela demeure très proche de l'indigence musicale. L'album est un bide et clôt pour une durée indéterminée les aventures sonores de Lindsay Lohan, qui persiste néanmoins à pousser la chansonnette dans quasiment tous ses films.
Après quelques apparitions télévisuelles dans That 70's show ou dans le Saturday night live
(où elle incarne une Hermione décolletée avec autodérision), la
demoiselle atteint la célébrité internationale en volant la vedette de
Choupette, la Coccinelle mascotte de Disney dans le bien nommé la Coccinelle revient.
Dans cette agréable comédie estivale et bien huilée, Lindsay joue de
son charme comme jamais, en accumulant les regards cristallins, les
sourires enjôleurs et en exposant sans trop de retenue sa carrosserie
aux courbes généreuses. Tant et si bien que les vaillants censeurs de
la respectable maison Disney en avalent leur café de travers et
renvoient la Coccinelle auprès des palettes graphiques d'ILM pour y
gommer quelques tétons trop apparents. Via internet, la rumeur s'empare
de l'affaire et les histoires les plus délirantes commencent à
foisonner. Du jour au lendemain, et avant même la sortie du film,
Lindsay Lohan devient le nouveau sujet de fantasme planétaire. Sa
carrière quitte le domaine du 7e Art (avec lequel elle commençait à
peine à flirter) pour s'épanouir dans les pages people les moins
glorieuses.
L'année qui suit la sortie de Herbie fully loaded
s'avère très difficile pour la petit Lindsay. On parle alors beaucoup
de sa soudaine crise d'anorexie qui la transforme en ombre d'elle-même,
crise sans doute engendrée par ses problèmes avec diverses substances
plus ou moins largement prohibées. En remontant peu à peu la pente de
la notoriété mal vécue, Lindsay Lohan commence à accepter le jeu des
paparazzi et des ragots. Ambitieuse sur le terrain peu flatteur de la
célébrité trash, elle s'impose comme la Nemesis attitrée de Paris Hilton,
la reine incontestée du royaume des post-adolescentes dévastées. On ne
compte plus les anecdotes triviales exposant les frasques de l'une et
de l'autre, la presse à scandales tenant le tableau des scores avec
délectation. Lindsay Lohan devient un sujet de moquerie mais aussi de
fascination, il ne se passe pas une semaine sans que la demoiselle ne
se fende d'une petite phrase surréaliste ou d'une photo « volée »
dévoilant largement son anatomie. Chacun y va alors de ses
commentaires, railleries, parodies et autres études approfondies
cherchant à démasquer la petite cicatrice remettant en question l'une
des plus plaisantes poitrines d'Hollywood.
Et le cinéma dans tout ça ? Et bien, de manière pour le moins
inattendue, c'est finalement là que Lindsay Lohan parvient à tirer son
épingle du jeu et à couper l'herb(i)e sous les pieds de ses
concurrentes et de ses innombrables détracteurs. En rejoignant les
prestigieux castings des films « chorale » the Last show (A prairie home companion) de Robert Altman et Bobby
de Emilio Estevez, la petite se rachète discrètement une crédibilité en
tant qu'actrice. La qualité de ses deux uvres faisant justement
oublier un nouveau faux-pas dans la comédie guimauve, le médiocre Lucky girl (échec commercial et critique sans appel).
Elle n'a pas dit son dernier mot, en enchaînant le drame Georgia rule sous la direction de Garry Marshall (Pretty woman) aux côtés de Jane Fonda et Felicity Huffman ainsi que l'attendu Chapter 27 où elle interprétera la petite amie de Mark Chapman (Jared Leto),
l'assassin de John Lennon. Elle participera ensuite au second film en
tant que metteur en scène du célèbre directeur de la photographie Janusz Kaminski, A woman of no importance, d'après Oscar Wilde et elle devrait se commettre dans l'adaptation, sous forme de teenage comedy, de Cyrano de Bergerac : Speechless.
Récemment, Lindsay est tombée dans le giron d'une autre grande
manipulatrice d'images : Madonna. La chanteuse ayant négligé sa
précédente protégée (la désormais persona non grata pour cause de vie
privée trop envahissante, Britney Spears), pense sans doute trouver en
Lohan sa possible réincarnation polyvalente et provocatrice. Il est
certain que la jeune actrice possède une personnalité aussi attachante
qu'exaspérante, mélange de glamour et de vulgarité, pouvant passer
d'une grâce indéfinissable aux pires travers de la génération des
starlettes pour magazines people. Ses futures prestations
cinématographiques seront sans doute révélatrices de l'avenir de sa
carrière, ainsi que sa capacité à gérer une image publique qui emprunte
une pente assez douteuse. Simple feu de paille, comme le pensent les
allergiques aux comédies adolescentes, ou véritable star au bord de la
consécration mondiale, comme l'espère ses chantres, il semble clair que
Lindsay Lohan va encore longtemps faire parler d'elle.