Mauvais Genre 2014 : Tours à feu et à sang

Simon Riaux | 22 avril 2014
Simon Riaux | 22 avril 2014

« Ce sera comme une coloscopie sans anesthésie. » C'est avec ces douces paroles que nous accueille la mascotte officielle du Festival Mauvais Genre de Tours, Chonchon, alias Xavier Hibon, réalisateur de courts-métrages hallucinatoires et Belge de son état. La huitième édition de cette manifestation, devenue au fil des ans indispensable à tous les amateurs de cinéma déviant et de raretés, démarra donc sous les meilleurs hospices. Si nous ne n'eûmes pas l'occasion d'assister au Festival dans son intégralité (le palmarès est âprement discuté à l'heure où votre serviteur écrit ces lignes depuis son penthouse de Saint-Ouen), nous avons néanmoins pu tâter de la diversité de l'évènement ainsi que de son invraisemblable vigueur.

 

 

Courts-métrages, séries, avants-première, films en compétition et hors compétitions, conférences, Mauvais Genre a une fois de plus mis les petits organes dans les grands afin de proposer à la ville de Tours une semaine de Pâques aussi jouissive que impolitiquement correcte. Bien loin d'être un grande messe geek de plus, la Festival s'efforce un peu plus chaque année d'offrir à son public grandissant un véritable panorama des tendances et des talents émergents. Le genre, la violence et l'horreur cheap y constituent naturellement des morceaux de choix, mais sont loin d'être les uniques ingrédients d'une célébration qui cette année encore aura su prendre le pouls d'une production cinématographique énervée.

Cinéphiles, poilus, rockers, curieux, nerds et femmes enceintes se pressèrent pour découvrir une sélection atypique où surnageaient plusieurs œuvres. Parmi elles, Les Amants électriques de Bill Plympton, nouveau film d'animation romantique et désaxé d'un des plus inclassables maîtres de l'animation. Le public apprécia également les expérimentations de LFO, digne représentant d'une science-fiction nordique plutôt auteurisante, voire expérimentale. Il y est ainsi question d'un individu découvrant qu'il peut manipuler ses semblables à l'aide de sons et des étonnantes conséquences qui découlent de ce postulat. À noter également la présence d'un réalisateur encore peu connu sous nos latitudes mais découvert à Mauvais Genre il y a deux ans : Axel Ranisch. Ce dernier nous avait séduits avec Heavy Girls, invraisemblable love story entre un vieux garçon et le garde malade de sa mère, qui récidive cette année avec Reubers.

 

Plus métaphysique et ambitieux, ce nouveau film mettait aux prises un enfant avec deux marginaux pas piqués des vers, alors qu'il tente de retrouver sa sœur enlevée et portée disparue. Si la poésie sous LSD de l'auteur teuton aura visiblement laissé quelques uns sur le bord de la route, les spectateurs eurent un autre sacré morceau de cinéma à se mettre sous la dent avec Doomsdays d'Eddie Mullins. Déroutant récit de pré-apocalypse, le film s'avère une promenade douce-amère aux côtés d'une brochette de gentils dingues décidés à piller les maisons de leur voisinage, des fois que survienne la fin du monde. Touchant, intelligemment écrit et parfois hilarant, cette fable andersonienne a su nous charmer en nous offrant le sentiment rare d'assister à l'éclosion d'un auteur. Une des particularités de Mauvais Genre, qui en se focalisant sur des créations hors des sentiers battus, peu ou pas distribuées, prend chaque année des risques, mais s'assure une richesse toujours plus saisissante.

 

 

Les courts-métrages ne furent pas en reste, notamment grâce à la sélection Mad in France de l'excellent Erwan Chaffiot (individu né de l'hybridation entre Joe Pesci et Bruce Willis, officiant du côté de chez Mad Movies). Nous y vîmes Jiminy – brillante incursion dans la science-fiction qu'on ne serait pas étonnés de retrouver prochainement en long-métrage - le sexy Plug and play mais également le très arty et inquiétant Remember Me de Nicolas Martin. Ce dernier rivalisait d'inventivité dans la section de courts sélectionnés par le Festival avec l'étonnant Extrême Pinocchio Les séries télé ne furent pas en reste avec la présentation exclusive du premier épisode d'Helix, mais surtout deux nouveaux épisodes de Metal Hurlant. En présence de l'équipe de ce show original et intense, les Festivaliers purent découvrir un peu plus avant la seconde saison, deux ans après le triomphe réservée à la série au cours d'une soirée exceptionnelle.

 

Et si l'auteur de ces lignes n'eut pas le temps de s'arsouiller copieusement avec la productrice de Metal Hurlant (ce qu'il regrette amèrement), il ne manqua en revanche pas une miette des deux conférences données le samedi et le dimanche. La première était consacrée à Gravity et animée brillamment par Sylvain Degrotte, responsable du département Creature FX de la société londonienne Framestore. Il y fut question des effets spéciaux du film d'Alfonso Cuaron, depuis le moment de leur conception et des longs mois de recherche indispensables à leur réussite jusqu'à leur application concrète. Extrêmement ludique et bien conçue, la conférence fut l'occasion de découvrir les arcanes d'un film majeur dans l'histoire des effets spéciaux, mais surtout de visionner quantité d'images inédites et jamais dévoilées, même dans les excellents supplément du Blu-ray paru il y a quelques semaines.

Non moins intéressante fut la master class donnée par un Julien Chieze aussi à l'aise que taquin, consacrée à l'essort de la réalité virtuelle. Vulgarisatrice et détendue, son intervention fut l'occasion pour nombre de spectateur de prendre contact très concrètement avec une technologie sur le point de débarquer dans leur salon et dont bon nombre ignorent encore le fonctionnement ainsi que les tenants et aboutissants. Et si nous avons dû quitter Tours avant d'assister à la master class du président du Jury, le sulfureux HPG. Il ne fait à nos yeux nulle doute qu'elle fut haute en couleur, puisqu'animée par l'auguste maître du Festival, le spartiate et spectaculaire Gary Constant. Enfin, la présence dans le jury du très accessible Christopher Prest (Le Prestige) assurait aux âmes sensibles égarées à Tours la possibilité de tailler le bout de gras avec un auteur très accessible et ravid e discuter de son travail. Plus sérieusement, Mauvais Genre s'est encore une fois imposé comme une manifestation riche et hybride, capable de réunir des publics différents quoique voisins, faisant passer les spectateurs du cinéma, aux séries, sans oublier les jeux vidéos.

On l'aura compris, la compétition s'est enrichie, charpentée, le différentes sections ont encore progressé, tandis que le Festival s'est de nouveau imposé comme une référence en matière de défrichage délirant, le tout avec un professionnalisme accru. Pour autant, Mauvais Genre n'a pas oublié un de ses fondamentaux, à savoir un certain sens de la convivialité, fait de disponibilité, de sourire, d'entrain, d'alcool et de nourriture abondante. Célèbre pour ses afters, durant lesquels on retrouve spectateurs, bénévoles, journalistes ou invités, membres de la Lazy Company ou des artistes prometteurs tels que Nivek, la manifestation est à nouveau parvenue à retourner à peu près toute l'Indre et Loire. La Team EL garde ainsi un souvenir ému de Xavier Hibon qui, soupçonnant une fatigue passagère de votre serviteur, n'hésita pas à le fournir abondamment en vitamines. Ces petits gestes, ces attentions sont la marque d'un événement aux airs de réunion de famille ainsi que d'un beau soutien à l'industrie pharmaceutique locale. Pour toutes ces raisons et bien d'autres encore, il nous tarde déjà de retrouver la ville de Tours et son Mauvais Genre.

Un grand merci à Nathalie Iund et Blanche-Aurore Duault. Et une volée de remerciements chaleureux à Gary, Christophe, Philippe et ses modèles, Steph, Charline, Marianne, Delphine, Antho, Nivek, les étudiantes nubiles de la rue de la Rotisserie, les gérants du Hamac, le serveur géant du Mac Cool, Erwan Chaffiot, Chonchon, les gens de la cuisine. À tous ceux que nous oublions, notre gratitude la plus humide.

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