Bioshock Infinite : Test de Tombeau sous-marin

Simon Riaux | 2 avril 2014
Simon Riaux | 2 avril 2014

Suite d'un des jeux emblématiques de la précédente génération de consoles, Bioshock infinite était venu conclure en beauté un diptyque grandiose, fait de dystopie, de violence et de fatalisme. S'il est entendu que les DLC et autres extensions constituent autant de manières discutables de percer le porte-monnaie du joueur, les deux chapitres de Tombeau sous-marin, aventure parallèle qui vient parachever cette folle, apportent-ils quelque chose à la monstrueuse saga ?

 

 

 

À bien des égards, Tombeau sous-marin est une création paradoxale, conçue pour répondre à un fantasme de joueur et sommée d'éclairer l'expérience Bioshock sous un jour nouveau. En nous proposant d'arpenter une ultime fois les coursives rouillées de Rapture (ville qui accueillait le tout premier épisode) aux commandes successivement de Booker puis Elizabeth (héros du dernier épisode) Ken Levine confirme que la Cité flottante de Columbia n'était qu'un leurre, un dérivatif aux allures de blockbuster.

 

Le dernier acte de Bioshock Infinite le sous-entendait clairement : le joueur venait seulement de visiter un écho de son expérience passée, le décor grandiose de la Ville aérienne n'était qu'une fraction d'un monde, de la réalité et nous ramenait à notre dimension de témoin très indirect d'un tableau dont il était impossible de saisir toutes les nuances. Tombeau sous-marin vient encore confirmer cet état de fait, de la plus troublante des manières. En axant son scénario principalement sur les connections mystérieuses qui unissent les différents Bioshock, Irrational Games épaissit encore le mystère qui les entoure, alors qu'il se paie le luxe d'en gommer certaines incohérences. En cela, Tombeau sous-marin s'avère un plaisir de fan autant qu'une conclusion parfois vertigineuse et cohérente.

 

 

 

Le premier chapitre nous avait laissé sur notre faim, suite à un cliffhanger plaisant mais trop référentiel, offert après une expérience brève, en dépit du soin apporté à sa confection. Gameplay connu, voire rabâché, environnements grandioses mais trop familier... cette introduction valait surtout pour sa promesse finale : nous donner le contrôle d'Elizabeth, perdue et esseulée au cœur de Rapture, cité délirante et finalement bien plus abominable que Columbia. Promesse tenue, tant cette seconde partie apporte de révélations et d'innovations en terme de gameplay.

 

Oubliez la toute-puissance des plasmides, les enchaînements au corps à corps ou les confrontations homériques. Elizabeth est faible, n'est même plus capable d'ouvrir les fameuses failles spatio-temporelles qu'elle a passé sa vie à explorer. Il vous faudra donc vous cacher, vous infiltrer. Une petite révolution dans le monde de Bioshock infinite, hier monument de bourrinage virevoletant. Le résultat est une belle réussite, qui modifie radicalement notre rapport au jeu et une de ses mécaniques originelles : l'angoisse, qui retrouve ici sa pleine mesure. Alors que quelques malheureux coups infligés par un mutant dégénéré suffisent à vous briser les os, explorer une Rapture déliquescente devient tout à coup véritablement étouffant.

 

 

 

La scénographie est une autre impressionnante réussite de cet épisode. Qu'il s'agisse du level design des séquences d'infiltration, ou comme la franchise nous y a habitué, des lieux dont l'exploration nous révèlera les arcanes du scénario, tout est impeccablement agencé. Lumière, textures et architectures s'assemblent divinement et génèrent des émotions parfois contradictoires, tandis que manettes en main, c'est à l'assemblage d'un formidable puzzle que l'on assiste. Cet ultime chapitre est d'ailleurs particulièrement riche en terme d'environnements visités : utopie parisienne, peep show, laboratoires abandonnés et restaurants dévastés sont autant de lieux marquants, qui viennent souvent éclairer d'une lumière désespérée des pans entiers du scénario.

 

Le scénario n'est pas en reste et permet au joueur de boucler la destinée d'un plus beaux personnages de femme que nous ait offert le jeux vidéo. Car comme Elizabeth s'apprête à le découvrir, tout a un prix, même la vengeance. Une orientation qui apporte au jeu une dimension tragique déjà présente dans la saga, qui bénéficie ici d'un nouvel éclairage.

 

Car si Bioshock Infinite laissait entendre que Rapture n'aurait pu exister sans Columbia et son duo d'inventeurs adeptes du paradoxe temporel, ce Tombeau sous-marin vient complexifier et nuancer ce constat, pour finalement nous rappeler qu'Infinite n'était qu'une parenthèse, une variante lumineuse et folle de Rapture. Tout bien considéré, ce choix esthétique est non seulement pertinent, mais d'une belle audace. Il revient en effet à avouer que le premier épisode est toujours resté la clef de voûte du dispositif narratif et émotionnel de la franchise. De là à avouer franchement au joueur que les déclinaisons suivantes n'ont jamais été motivées que par des raisons commerciales, il n'y a qu'un pas. Ajoutons à cela l'annonce toute récente, de la bouche de Ken Levine lui-même de la fermeture d'Irrational Games et nous tenons peut-être un début d'explication. Et si Tombeau sous-marin était finalement la continuation la plus cohérente du Bioshock original, une tentative d'effacer deux épisodes de qualité, mais dont les répétitions risquaient d'amoindrir une œuvre fondamentale ? On n'est pas loin de le penser et de voir là un épilogue parmi les plus bouleversants qui nous aient été récemment donnés à voir.

 

 

Venues moissonner vos économies, les deux extensions narratives de Bioshock Infinite n'en constituent pas moins autant de passionnantes relectures de la saga. Approfondissant et nuançant l'expérience, elles nous ramènent au sentiment d'angoisse vertinigeux qui marqua des millions de joueurs. En cela et malgré sa brièveté, ce Tombeau sous-marin constitue une splendide oraison funèbre.

 

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