Deauville Asia 2014 : ouverture et rencontre avec Hideo Nakata

Simon Riaux | 6 mars 2014
Simon Riaux | 6 mars 2014

Le Festival du film Asiatique de Deauville a 16 ans. L'âge de déraison, celui où l'on rue dans les brancards, découvre les joies de la distillation et de la conduite sans permis. Que l'on se rassure, rien de tout cela dans la Manifestation qui nous intéresse aujourd'hui, à part peut-être l'abondance dans nos veines de Mojitos aux Calvados, Normandie oblige. Des propositions de cinéma différentes et radicales en revanche, le Festival en regorge, confirmant que l'Asie demeure un des centres névralgiques de la cinématographie mondiale.

Avec des hommages à des personnalités d'envergure, telles la Sri Lankaise Malani Fonseka ou le Japonais Hideo Nakata permirent à la soirée inaugurale ainsi qu'à notre première journée à Deauville de prendre un tour émouvant et solennel. En effet, ce n'est pas tous les jours (et certainement pas à Paris) que l'occasion nous est donnée de rencontrer le réalisateur de Ring, Darkwater ou encore Chatroom L'artiste, attaché à un public français qu'il décrit comme « chaleureux, cultivé et exigeant, cruel parfois » est venu présenter en avant-première mondiale son nouveau film, Monsterz.

 

 

Remake du coréen Haunters, le métrage s'avère probablement l'œuvre la plus accessible et attachante de son auteur. Le scénario met face à face deux individus exceptionnels, l'un capable de contrôler tout être humain par la pensée, le second s'avérant l'unique individu capable de résister à son influence. De cette confrontation naît un film étrange, quelques fois bancal et souffrant de son modeste budget, mais dont la pléthore d'idées et l'inventivité constante nous ont ravis. Comme à son habitude, Nakata y gère habilement la progression de son récit et réserve à sa dernière bobine les séquences les plus fortes, tant visuellement que narrativement. Soit une digression entre manga et comic book tout à fait inattendue, entre deux réalisations fantastiques dont le metteur en scène a le secret. En effet, Nakata reprendra prochainement le chemin des plateaux pour enchaîner avec une œuvre horrifique hantée, conçue et exécutée avec l'équipe de son récent Complex.

On ne dira pas tout à fait autant de bien du film d'ouverture, No Man's land. Pas déshonorant pour un sou, ce film chinois de Ning Hao s'avère néanmoins asphyxié par un script trop écrit, référentiel et rigide. Ne choisissant jamais entre comédie noire et tragédie amère, ce thriller finit par lasser en dépit d'outrances réjouissantes. Ajoutez à cela un message saupoudré de moraline typique du Parti Unique chinois et vous obtiendrez un faux film noir divertissant mais jamais à la hauteur de ses modèles ni satisfaisant en terme d'efficacité.

 

 

La première journée de Deauville Asia s'avéra quant à elle d'une variété bienvenue. Entre un film noir indien, un trip spirituel venu d'Indonésie et un drame coréen, les festivaliers eurent de la pellicule à se mettre sous la dent. On était plus qu'impatients de retrouver Anurag Kashyap, metteur en scène de Gang of Wasseypur et si Ugly n'est pas une réussite comparable, il devrait néanmoins rester comme l'une des œuvres marquantes de cette 16ème édition. Handicapé par sa longueur excessive et son message un peu trop simpliste, asséné avec la finesse d'un Michael Bay sous kétamine, cette histoire de kidnapping en forme de radiographie d'une société indienne à la dérive nous aura cependant marqué les rétines. Photographie, comédiens et découpage fabuleusement maîtrisés servent impeccablement la descente aux enfers d'une galerie de personnages cupides, dont l'appât du gain causera des ravages insoupçonnables. Bardé de défauts, Ugly nous aura néanmoins touché par sa puissance d'arrêt, comparable à celle d'un gros calibre.

 

On sera beaucoup plus réservé sur Toilet Blues, road trip initiatique entre fuite mystique et surplace existentiel. Malgré une lumière somptueuse et une poignée de séquences à la poésie discrète et irradiante, le film pêche par son refus de la narration. Trop elliptique, voire cryptique pour véritablement nous emporter aux côtés de ses deux pèlerins d'infortune, le récit ne s'articule jamais tout à fait et attend vainement d'être frappé par la grâce. Reste que si vous aimez l'Indonésie, les prostituées accommodantes et le bruit du vent, vous risquez de prendre votre pied.

Aussi maladroit que la plupart des premiers films, mais nettement plus affuté que nombre d'entre eux. A Steel cold winter étancha notre soif de violence coréenne. Cette histoire de bouc émissaire d'une petite communauté rurale et de rumeurs dévastatrices prêtait pourtant le flanc à bien des tropismes d'un certain cinéma coréen, largement évités ici. Si on n'échappe pas à certains effets de style redondants, ou à un jeu de massacre final ultra-codifié, l'ensemble sait se jouer avec dignité des pièges tendus par son sujet et ses modèles, pour nous livrer une belle démonstration d'ambiguité et de noirceur. Si la mise en scène de Choi Jin-Seong manque encore de l'assurance nécessaire pour trahir intelligemment le script trop explicite et répétitif conçu par sa productrice, elle y fait néanmoins honneur avec un beau sens de l'espace et un grand soin de la composition des cadres. Encore aidé par un duo de comédiens impeccable, A Steel cold winter est pour l'instant le film qui aura reçu les plus chaleureux applaudissements de la part des Festivaliers.

 

 

Parce qu'il est l'heure de vérifier quel goût a le Mojito au Calvados et de s'enquérir du degré de corruption des barmen de l'hôtel Normandy, nous en resterons là du récit de nos filmiques aventures. À demain, pour de plus amples détails sur notre passionnante rencontre avec Hideo Nakata, des histoires de chorale, de mafia, d'adoption et d'examens scolaires.

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