Le meilleur des mauvais films français de 2013

Simon Riaux | 19 décembre 2013
Simon Riaux | 19 décembre 2013

Parmi les plus productifs du monde, le cinéma français jouit d'un statut particulier. Sacralisé par une législation protectionniste, sécurisé par un État et des institutions désireux de le préserver et de pérenniser ses sources d'investissements et de subventions, il génère chaque année plus de 200 films. Un nombre important que certains n'hésitent pas à considérer comme une pure surproduction, responsable de tous les maux du secteur (inflation de certains postes de dépenses, faible rentabilité, fréquentation en baisse, image publique désastreuse). On n'ira pas nécessairement dans ce sens, persuadés que le plus gros défi que doit relever le Septième Art hexagonal, au-delà des questions législatives et administratives, est de nature qualitative. La preuve avec ce top 10 des films français les plus abominables de 2013. D'avance, pardonnez-nous, il n'y avait pas de place pour tout le monde.


Angélique - Escroquerie en bande organisée

 

Accident industriel hallucinatoire, le film d'Ariel Zeitoun pose de nombreuses questions. Comment un film français au budget plus que raisonnable peut-il être truffé d'images d'archives cache-misère totalement indigente ? Qui a eu l'idée d'éclairer le film comme l'anniversaire de Mémé ? Pourquoi avoir filmé les fesses de Gérard Lanvin ? Qui a saboté les incrustations numériques ? Qui a dit à Tomer Sysley de jouer Tomer Sisley ? Qui a persuadé Matthieu Kassovitz qu'il pouvait être crédible en jeune premier ? Qui a remplacé les perruques par des caniches morts ? Qui a « chorégraphié » les scènes d'action ? Autant de mystères dont on reparlera sans doute longtemps.

 

 

Doutes - Le meilleur de l'entre-soi 

 

Sans doute la palme de l'innommable. On peut néanmoins rendre hommage à l'inconscience des coupables de la chose pour avoir cru que les discussions lénifiante de quatre parisiens consanguins sur le devenir de la gauche française revêtait un quelconque intérêt. Bêtifiant, bourré ras la gueule de poncifs perçus comme autant de réflexions aiguisées, réalisé avec les pieds d'un cul de jatte, le film est difficilement supportable. Même les yeux fermés, l'épreuve demeure un supplice, tant il semble désormais clair que Benjamin Biolay n'est pas fait pour la comédie, tout comme Christophe Barbier. Ce dernier, en occupant l'un des principaux rôles du premier film de sa compagne, participe sans le vouloir à la tragique putréfaction des élites, si tant est que ce vocable les désigne encore.

 

 

Boule et Bill - À la niche

 

Le cinéma bien de chez nous s'est fait un devoir de violer avec du gravier les totems de notre jeunesse. Le Petit Nicolas, Astérix, XIII, L'Élève Ducobu... on ne compte plus les œuvres ainsi souillées, avec un opportunisme et une incurie proprement dégueulasses. Franck Magnier et Alexandre Charlot s'essuient ici dans les rideaux de Boule et Bill, recadrant comme des gros sales leur intrigue indigne autour de Frank Dubosc et Marina Foïs, venus cachetonner à côté d'un Bill de pacotille, vrai chien qui n'entretient plus aucun rapport avec son homonyme de papier. Jamais drôle, laide et lente, cette comédie est un clou de plus dans le cercueil des adaptations sincères.

 

 

Turf - Boucherie chevaline

 

Onteniente est volontiers caricaturé en gros beauf. C'est lui faire trop d'honneur et lui donner l'occasion de se planquer derrière la posture de l'auteur populaire injustement méprisé, quand son véritable problème, c'est le cinéma. Torché n'importe comment, son film est (une fois de plus) un festival d'indigence technique, de raccourcis filmiques, de direction d'acteurs à la dérive, d'écriture pataude et de paresse esthétique, bref un gâchis de pognon monumental. Pour être un beauf, même gros, encore faut-il faire corps avec son public et aller au devant de ses attentes, se foutre de lui et lui refourguer Turf comme on donnait jadis des farines animales à de malheureux bovins, c'est le mépriser au-delà de tout.

 

 

Les Rencontres d'après minuit - La Cage aux trolls

 

Le problème lorsque l'on est convaincu de son génie au point de l'afficher haut et fort dans le moindre photogramme de son film, c'est que l'on prend le risque de décevoir. À fortiori quand on a quarante ans de retard. Vers de mirliton, sexe en plastique (littéralement), provoc à deux balles et fond tristement conventionnel, la « partouze artistique » de Gonzalez est un ratage particulièrement hilarant. On s'y demande si être monté comme un cheval détourne de la littérature, si finalement fonder une grande famille ne serait pas vachement sympa, si l'éternité, ce ne serait pas un tout petit peu chiant. À dire vrai, oui, mais une heure et demie suffit parfois pour confiner au calvaire.

 

 

Pas très normales activités - Paranormal Gadin

 

Jadis seul les nobles lettrés et particulièrement brillants pouvaient espérer devenir artistes ou critiques. Puis la bourgeoisie, suivie du peuple put pratiquer ou admirer les arts, toujours dans un souci d'abnégation et professionnalisation. Puis vint Internet, charriant des pelletées de salopards en goguettes, bien décidés à dégager les vieux croulants, propriétaires d'institutions réactionnaires. Puis débarqua Youtube. Et les Youtubers. Rien d'étonnant donc à ce que ces derniers s'emparent du grand écran. Rien d'étonnant non plus à ce qu'ils le fassent avec l'impétueuse vacuité d'une jeunesse partie de nulle part pour arriver à rien. Le four abyssal du film au box office aura au moins eu le mérite de rappeler que les clics, likes et partages ne se convertissent pas facilement en spectateurs, dès lors qu'il est question de délier sa bourse...

 

 

Fonzy - film éprouvette

 

Ça n'a l'air de rien dit comme ça, mais réalisateur, c'est un métier. Il faut être capable de gérer une équipe de plusieurs dizaines de personnes, lui insuffler une dynamique, l'amener à se dépasser. Il est primordial d'avoir une culture cinématographique importante, des connaissances inconographiques solides et des compétences techniques pointues, afin de tirer le meilleur de ce que l'on a à raconter et des moyens dont l'on dispose pour ce faire. Ou bien, il est possible de ne convoquer aucun de ces acquis, parce qu'on est la compagne de l'acteur principal et qu'en France, ça vaut tous les curriculum vitae du monde. On se prête donc avec Fonzy, à rêver au jour béni où un réalisateur sera choisi en fonction de ses compétences réelles, de son expérience, plus que de ses accointances ou de son appétit pour commettre un remake indigent d'un excellent film québécois.

 

Chez nous c'est trois - Quand la bise fut venue

 

En province, il y a des endroits où l'on fait trois bises. Le genre d'endroit où une malheureuse artiste (Noémie Lvovsky) est amenée à présenter sa dernière création. Le genre d'endroit qui pullule de ploucs, de gags à contretemps, de considérations perchées sur l'être étang (c'est une blague), de réminiscences pas mortes mais presque et de beaucoup d'autre chose. Le genre d'endroit sur lequel un certain cinéma français pose un regard d'entomologiste cynique, confis dans un sentiment de supériorité obscène. Qu'on se le dise, les chaussures crottées de seconds rôles bouseux ne demandent pas grand chose pour atterrir en travers de la tronche de leurs auteurs.


Les Invincibles - Boules à zéro

 

Un temps intitulé Les Boulistes, avant qu'un sursaut de compétence ne fasse à réaliser à quelqu'un que l'appellation « film de boule » était toute proche, le film a sauvé les apparences. Pour le reste... ma foi, le naufrage est total. Acteurs en roue libre et visiblement imbibés de pastis, scénario aux fraises, l'ensemble est insupportable. Mais tout naze que soit le résultat, il ne pourrait prétendre à figurer dans ce top sans son message, d'une rare stupidité et d'une condescendance honteuse. Bah oui ma bonne dame, les français sont racistes. Et bêtes aussi. Heureusement, il y a Gérard Depardieu pour sauver l'honneur national. Et pisser dans les avions.

 

 

Malavita - Le Dernier outrage

 

Il y a peu encore, Luc Besson réalisait de mauvais films techniquement aboutis. Un soin qui a totalement disparu de ses derniers efforts, lamentables en tout point. On serait tenté de voir dans Malavita une bande démo de la Cité du cinéma, hypothèse que la laideur de l'ensemble et sa nullité technique font voler en éclat, tant il est évident que la présente abomination a été tournée avec un mépris partagé pour le public, ses acteurs et ses influences. Comment peut-on filer un rôle pareil à De Niro sans honte ? Comment vomir une caricature de ses concitoyens si infâme sans craindre de sortir de chez soi ? Nous avions commencé ce top avec un mystère, nous l'achevons avec une énigme.

  

Bien sûr, nous n'avons pas pu placer ici tous les aspirants nullards, tous les pratiquants de la bouzasse contre-nature ou violenteurs de rétines. Nous avons une pensée émue pour les Garrel, Bruni-Tedeschi, Rouve ou autres Boon et leur disons qu'ils ne doivent pas désespérer, au rythme qui est le leur, on devrait les retrouver l'an prochain. 

 

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