Medal of Honor : Warfighter

Aude Boutillon | 6 décembre 2012
Aude Boutillon | 6 décembre 2012

La licence Medal of Honor s'était jusqu'à présent faite très discrète sur consoles next gen, après des premières années de gloire, marquées par un règne sur le secteur du FPS plaçant son action au cœur de la Seconde Guerre mondiale. La série avait par la suite délaissé ses inénarrables tranchées à l'occasion de son épisode moderne, sorti en 2010, pour les remplacer par des terrains ô combien plus contemporains, échos directs (et parfois limite propagandistes) de la psychose ambiante outre-Atlantique. A nos traditionnels nazis auront donc succédé des hordes de talibans peu commodes, dont les motivations resteront des plus nébuleuses (voilà qui prête à sourire). On ne s'attardera pas davantage sur le patriotisme bêta et caricatural prôné par le jeu, et trouvant son retentissement dans un dénouement un brin orienté. Medal of Honor : Warfighter enfile donc les Rangers des soldats d'élite du Tiers 1, chargés de secourir des otages et de raser divers villages investis par les terroristes.  Nul besoin de creuser davantage le scénario, aussi embryonnaire que les personnages qui le peuplent.

 

 

Quelques cinématiques laissaient pourtant augurer d'un background un minimum soigné. Elles se contenteront au final de constituer un vague fil rouge dépourvu d'intérêt comme de valeur ajoutée, et de surcroît cheesy à souhait (en dépit d'une volonté de s'attarder sur l'implication personnelle et familiale du devoir de nos braves soldats), l'investissement émotionnel sombrant dans un néant sans fond. L'on se serait bien volontiers accommodé d'un scénario rachitique, si l'aventure s'était vue constituée d'instants de bravoure mémorables et d'efforts de renouvellement. La campagne solo échoue malheureusement dans ces deux domaines... et bien d'autres. D'une durée risible (rien d'extraordinaire en ces jours où la campagne solo fait office de prétexte bazardé au profit des modes multijoueurs, toujours plus développés et enrichis), l'aventure peut être bouclée en une poignée de petites heures, qui ne souffriront guère de l'augmentation du mode de difficulté (autour de 5 heures en difficulté maximale). Si les impacts de balles se feront plus douloureux, l'intellect des ennemis ne s'en trouvera nullement boosté, le taliban moyen ayant le comportement franchement suicidaire et la mémoire désespérément courte. Les affrontements sembleront dès lors tout droit sortis de la fin des années 90, puisqu'un bon vieux système de planque vaguement attentive permettra de venir à bout de tous les ennemis, soucieux de répéter inlassablement le même schéma de tirs/replis à une cadence inchangée, pour mieux se précipiter sous les feux ennemis lorsque tout cela tire un peu en longueur. Mais gare, manant ! Fasciné par l'aberrante facilité de l'entreprise, on aura tôt fait de se laisser envahir par cet indicible sentiment d'invincibilité, et d'arrêter la trajectoire d'une balle perdue, provenant d'un malandrin que nos incapables d'équipiers (tout juste bons à se ravitailler en munitions) n'auront pu mettre à terre. Préparez-vous ; vous serez en charge de tout le sale boulot, vos partenaires développant une épatante capacité à mitrailler les murs plutôt que les malfrats qu'ils abritent. Il ne s'agit là que d'un simple exemple parmi une foule de bugs récurrents, qui s'avèrent parfois fichtrement divertissants (le cadavre épileptique fait toujours son petit effet derrière une mansarde).

 

 

Côté gameplay,  et si la prise en main s'avère enfantine, l'aspect bâclé de l'ensemble se répercutera cruellement sur l'expérience de jeu, et plus particulièrement de tir. On pourra tenter de varier les armes, picorées au gré des dépouilles ennemies, avant de faire le constat d'un manque de caractérisation ennuyeux, rendant l'expérience particulièrement linéaire, indépendamment des stratégies de jeu adoptées (et qui seront ici purement accessoires, Medal of Honor : Warfighter ne faisant pas franchement dans la dentelle). Seul le mode multujoueur se parera d'une option de personnalisation des armes.  On signalera enfin une action d'une inutilité déconcertante, dont on cherchera désespérément la raison d'être d'un bout à l'autre de l'aventure : l'enfonçage de porte, qui peut se décliner sous plusieurs modes, déblocables au fil des headshots. Pourquoi ? Parce que. Des répercussions sur l'action à proprement parler ? Quelle drôle d'idée.

On ne comptera pas non plus sur les différents tableaux pour diversifier un tant soit peu ce morne constat, tant les missions s'échinent à resservir à l'envi un même environnement sous-exploitant clairement le moteur Frostbite 2, qui ne manque pas de briller par fulgurances, à l'occasion d'effets de lumière épatants ou de textures soignées. Trois cailloux et une hutte entre deux falaises ; emballez, c'est pesé, v'là du décor de haute volée. Les missions à proprement parler consisteront la plupart du temps à traverser le tableau en éliminant des adversaires surgissant comme autant de kamikazes braillards, sans se soucier outre mesure des objectifs successivement atteints. Quelques missions feront office de pauses récréatives, qui, si elles ne revêtent pas d'intérêt époustouflant, offrent au moins la possibilité de varier le gameplay. On poursuivra ainsi un fugitif à bord d'un 4x4 cahotant, avant de prendre les commandes d'une mitraillette à bord d'un hélico (l'exercice relevant plus du tir à tout-va que de l'élimination proprette). La brièveté de l'aventure ne se verra pas compensée par un quelconque replay value, le jeu faisant purement défaut de la moindre quête annexe ou recherche d'item de quelque sorte.

 

 

Le peu de soin apporté à la quête principale aurait pu trouver compensation dans un mode multijoueurs élaboré et soucieux de proposer des phases de jeu variées. Las, les parties en ligne de Medal of Honor pèchent à plusieurs niveaux. Là où les graphismes du mode solo, tout bâclé qu'il soit, pouvaient largement convaincre, les textures, aliasing et autres imperfections souillent le multi sans relâche, qui plus est entaché de bugs de jeu récurrents. Il faudra, avant d'investir le champ de combat, se farcir une interface lourde et ininstinctive au possible, limitant qui plus est la variété de l'expérience à huit environnements. C'est peu. Encore. Une fois de plus, la subtilité fera défaut au jeu, qui se contente bien volontiers d'un bourrinage en bonne et due forme, venant anéantir le principe rigide à souhait des classes, qui imposent l'adoption d'une technique inadaptée avant le déblocage d'autres potentialités. On retrouvera les modes de jeu les plus classiques, de la capture de drapeau au deathmatch, en passant toutefois par un système d'escouade pas foncièrement idiot, mais fortement dépendant de la bonne volonté de votre partenaire, théoriquement chargé de vous venir en aide et de participer à la symbiose qui unit les deux combattants.

 

 

En dépit d'une prise en main instinctive et accessible et de ses propositions de variété de gameplay, Medal of Honor : Warfighter peine à constituer l'expérience de jeu sympathique que l'on attendait. Construit autour de couloirs balisés, répondant à un parcours scripté et ne laissant aucune espèce de place à l'initiative ou à la stratégie, le jeu recycle sans vergogne les poncifs du genre, sans aucune forme d'innovation ou de proposition pertinente et renouvelée.

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