Game of Thrones - Saison 2

Aude Boutillon | 16 juillet 2012
Aude Boutillon | 16 juillet 2012

« Whenever you play the game of thrones, you either win or die; there is no middle ground » ; tel est l'enseignement tiré de la seconde saison de Game of Thrones, dont la diffusion américaine s'est achevée début juin. Forte de sa fidélité au matériau d'origine (les personnages y sont décrits à l'identiques, et les dialogues reproduits au mot près), la poule aux œufs d'or de HBO avait su combler une écrasante partie des lecteurs de la saga A song of ice and fire, et déchaîner un enthousiasme peu commun parmi les néophytes, le savant alliage de fantasy et de complots politiques ayant su brosser une galerie de portraits complexes, et positionner graduellement les pions qui allaient constituer autant d'adversaires belliqueux au cours d'une seconde saison aux enjeux bâtis autour de l'affrontement.

 

 

Bien loin de constituer une épopée guerrière, Game of Thrones poursuit sa dissection attentive, voire contemplative, des rapports humains et familiaux, sous l'aune de la quête de pouvoir. Là où, dans une première saison, les plus jeunes se détachaient progressivement des jupons de leur mère pour se voir catapultés dans un jeu de conquête qui leur échappait, les voici désormais propulsés au statut d'acteurs de premier rang des divers complots et stratégies qui rongent le royaume de Westeros. Alors que la roi Robert Baratheon a trépassé, bientôt rejoint par son premier adjoint, Ned Stark, King's Landing se voit imposer le règne du nauséabond Joffrey, permettant à la lignée des Lannister de conquérir le trône qu'elle convoitait avidement. Un jeune roi illégitime aux yeux de tous, à commencer par les deux frères du défunt roi, suivis des descendants de toutes les familles du royaume, convaincus, chacun pour des raisons qui lui sont propres, que le pouvoir leur revient de droit. Pour (re)conquérir le trône, tous s'adonneront alors au jeu de la guerre, ses alliances, ses trahisons et ses pires travers.

En lieu et place de conquérants, Game of Thrones balance donc en pâture à la bataille tantôt des usurpateurs s'improvisant stratèges, tantôt des rejetons grimés en combattants de fortune. Ainsi, les sentences de Joffrey, chétif souverain méprisé de tous, à commencer par les siens (qui ne manquent pas de lui rappeler sa condition d'enfant à grand renfort de gifles humiliantes), ne sont que le fruit d'une perversion qui trouve en ce regain d'autorité l'occasion de s'exprimer pleinement, au grand dam des sujets du royaume, dont Sansa Stark, aveuglément soumise à son promis, et qui ne trouve de soutien (inattendu) qu'auprès de Sandor The Hound Cleagane. Une position de prime à bord opposée à celle de sa petite sœur, qui, reconvertie en fugitif pour assurer sa sécurité, se fraie un passage discret au sein d'un territoire électrisé par le conflit imminent... avant d'être capturée par les ouailles de Tywin Lannister. L'occasion de lier une étrange amitié, fondée sur la reconnaissance et la loyauté, et dont les dernières images laissent présager d'un traitement futur des plus intéressants. Adoptée de force au sein du service rapproché du patriarche Lannister, Arya usera de sa position pour se tenir informée des intentions de son geôlier d'attaquer le camp de Robb Stark, son frère proclamé King in the North par les alliés de la maison Stark, et de saisir King's Landing. Le procédé donnera lieu à de savoureux dialogues, incisifs au possible, entre un stratège perspicace et une petite maligne poussée dans ses derniers retranchements. C'est une fois encore au cours d'échanges ciselés et percutants que Game of Thrones démontrera sa qualité d'écriture, à l'image d'un duel inopiné entre un Littlefinger un peu trop présomptueux et une Cersei Lannister désireuse de rétablir le juste rapport de force. Ces mêmes dialogues distilleront progressivement l'ambiguïté au sein des intentions des uns et des autres, allant jusqu'à créer l'empathie pour une famille aussi sournoise qu'avide de pouvoir.

 

 

Dommage, dès lors, qu'il faille se résoudre à quelques précipitations scénaristiques comme en termes de mis en scène, notamment au vu de l'impressionnante galerie de personnages précipités dans cette seconde saison, et tout juste esquissés à l'occasion de la précédente, quand ils ne font pas purement et simplement leur entrée fracassante. En sus des personnages précédemment cités, ce sont les intrigues et nouveaux protagonistes liés à Stannis et Renly Baratheon, Theon Greyjoy, Robb Stark, ainsi que Tyrion Lannister, qui feront l'objet d'un traitement parallèle et parfois hâtif. On s'étonnera ainsi du peu d'attention accordé à la romance délétère liant Stannis Baratheon à la prêtresse Melisandre, le premier entendant user de la magie ancestrale pour asseoir sa légitimité, résidant dans son droit d'ainesse. De même, la complexité de ses rapports avec son plus jeune frère, convoitant également le trône, sera-t-elle sacrifiée au profit d'une scène expéditive, à la puissance émotionnelle plus que limitée. Au vu de la densité de l'intrigue, une attention sans faille sera donc de mise, a fortiori de la part des spectateurs vierges de toute lecture. Les pérégrinations de Jon Snow au-delà du Mur pâtiront de cette effervescence, la faute à des enjeux plutôt insignifiants, et l'on accordera bien plus d'intérêt aux errances morales de Theon Greyjoy, héritier dépassé par les évènements en quête d'un regain de crédit aux yeux de son paternel.

Si l'aspect surnaturel n'avait été exploité qu'en guise de toile de fond en saison 1, laissant la part belle aux prémices des conflits géopolitiques qui allaient peupler sa suite, il intègre enfin le récit, qui repose désormais sur un mysticisme s'exprimant au travers d'éléments aussi divers que la nécromancie, les créatures mythologiques et, bien entendu, l'énigmatique cité de Qarth, refuge improvisé de Daenerys Targaryen, entourée des restes de son khalasar épuisé. Si l'arc semblera souffrir d'un traitement bien plus lent que ceux des autres protagonistes, il aboutira à un superbe dénouement, perle d'onirisme et d'étrangeté, qui sied si bien à la Mère des Dragons.

 

 

On ne saurait disséquer la seconde saison de Game of Thrones sans revenir sur l'épisode, dont la réalisation a été confiée à Neil Marshall, et consacré à l'évènement présenté comme le point d'orgue du deuxième tome de la saga, à savoir la bataille de Blackwater, qui voit King's Landing assiégée par la flotte de Stannis Baratheon. Or, force est de constater que la série aura échoué à présenter ce dernier comme une réelle menace latente, atténuant de ce fait la puissance de la tension résultant du débarquement des troupes sur les berges de la cité royale. L'élan guerrier n'en demeure pas moins extrêmement efficace, en particulier au vu du format télévisuel et des restrictions, notamment budgétaires, qu'il induit. Si la première saison s'était vue assener des ellipses passablement frustrantes, la bataille, quoique manquant d'ampleur, proposera son lot d'effusions d'hémoglobine et de combats féroces, sans oublier un spectacle pyrotechnique du plus bel effet. Surtout, elle offrira l'occasion à certains protagonistes d'évoluer sensiblement face à l'adversité.

Le premier à bénéficier de ce développement sera Tyrion Lannister, pilier incontesté de cette seconde saison, dont le crédit revient en premier lieu à l'incroyable Peter Dinklage. Omniprésent d'épisode en épisode, le Lutin s'impose comme le stratège absolu de la série, voguant d'enquêtes en déductions, bien loin de laisser l'appât du pouvoir troubler son jugement, contrairement à l'ensemble des prétendants au Trône. Aussi bouleversant auprès de son amante secrète que perspicace dans ses investigations, Tyrion incarne, sans concurrence possible, le personnage le plus fin et passionnant de Game of Thrones, qui prendra toute sa dimension au terme de la bataille de Blackwater, érigé comme il le sera en chef de troupe téméraire et intègre.

 

 

Mais que les férus d'affrontements ne désespèrent guère, au vu d'une capitale laissée à feu et à sang. La conclusion de la seconde saison de Game of Thrones laisse en effet présager du déferlement sur les terres de Westeros d'une toute autre menace, dont l'aberrante nature ne pourra que redéfinir les règles de la bataille. De même, les nouveaux héros devront se substituer aux couards, et les plus ambitieux poursuivre leur ascension. Si l'hiver n'arrive toujours pas, l'échiquier, lui, est plus versatile que jamais.

 

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