Les Enseignants au cinéma

Jonathan Deladerriere | 31 janvier 2012
Jonathan Deladerriere | 31 janvier 2012
Enseignants et cinéma : it's the hard-knock life

 

Pour la sortie de Detachment et alors qu'une nouvelle campagne destiné à sensibiliser les jeunes sur le harcèlement à l'école débute, la rédaction d'Ecran Large vous propose un petit tour d'horizon de la figure de l'enseignant illustrée sur grand écran. Pécha, au tableau !

 


 

Septième art et cour d'école


Dans son ouvrage : «  Les enseignants de français face au cinéma : un problème de représentation ? », Philippe Bourdier, à partir d'un postulat sociologique, met en exergue la relation des enseignants français face à l'étude du cinéma dans un contexte scolaire. Bien que celle-ci semble, à l'évidence, un apport non négligeable à l'enseignement du français notamment, une certaine méfiance semble en effet émaner de nos immuables forgerons de neurones. Méfiance, analogie fallacieuse ou développement de l'esprit critique : à n'en point douter, le cinéma lui, semble voir en la figure du professeur une intarissable source d'inspiration. Tâchons donc d'y voir un peu plus clair dans ses plus célèbres représentations.


L'imaginaire français et le professeur « old school »


De l'aveu de tous et si l'on prend la peine d'étudier celui-ci avec un minimum de partialité, l'instituteur dans les vertes contrées hexagonales participe plus de l'image d'Epinal de la nostalgie de l'enfance ou du charme de nos campagnes que du messager sacerdotal. Pourtant, dans les cycles supérieurs, celui-ci se veut aussi moderne et urbain qu'il crée avec ses élèves un rapport conflictuel allant du débat d'opinion au fantasme sexuel. Portrait.


Du cliché sur le personnel administratif et son surveillant bienveillant véhiculé par Les Choristes, à cette insupportable Isabelle Adjani dans l'incroyablement surestimé : La Journée de la jupe et sa relecture réactionnaire des « zones d'éducation prioritaires », l'incarnation et le rôle de l'école sur nos toiles se font aussi diverses que controversées.

 

 

Nous citions plus haut le film de Christophe Barratier et ses 8 millions d'entrées, relecture moderne de La Cage aux rossignols de Jean Dréville en 1945. On se souvient en effet de ce professeur de musique qui, choqué par les méthodes répressives de cet austère pensionnat, initiait au chant choral les jeunes élèves et transfigurait alors leur quotidien.


Avec Entre les murs, Laurent Cantet décroche lui la palme d'or en 2008 grâce à cette adaptation du roman éponyme de François Begaudeau, coscénariste et acteur principal du film. A contrario du non moins célèbre Etre et avoir, il ne s'agit pas d'un documentaire mais d'une fiction bien entendu basée sur sa propre expérience.


Plus éloigné de nous : Le Plus beau métier du monde dans lequel Gérard Depardieu campe un agrégé d'histoire-géographie muté en région parisienne afin de se rapprocher de ses enfants reçoit comme cadeau de bienvenue la crainte  « 4ème techno »... Consensuel et prévisible, le film est directement inspiré par le documentaire Une Vie de prof d'Hervé Chabalier, récompensé par un Fipa d'Or.


Citons également L'Ecole pour tous d'Eric Rochant pour qui « faire partager la jouissance du savoir, c'est le rôle du professeur ». Ici Arié Elmaleh joue un énième professeur confronté à une classe difficile sauf que cette fois, il se trouve être lui-même recherché par la police. Anecdotique.


Enfin, impossible de ne pas citer les mythiques P.R.O.F.S de Patrick Schulmann en 1985 (ah Charles Max le coco ...) et Les Risques du métier d'André Cayatte en 1967.



Dans le premier, Patrick Bruel campe ce jeune professeur de lettres : Fréderic Game. Méthodes peu orthodoxes, inimitié des collègues et inévitable adoration des élèves, le film est une comédie légère entendue. Révérencieuse à de nombreuses reprises au M.A.S.H de Robert Altman, il n'atteint pas son niveau d'excellence.


Enfin mais non des moindres, Les Risques du métier offre lui un rôle inoubliable à un Jacques Brel acculé. Accusé à tort de viol par une élève éconduite, le jeune comédien impressionne dans la tourmente et cosigne la bande originale.


Pour une bonne tranche de rire, n'oubliez pas de revoir le ... définitivement bas de plafond Les Sous doués, ne serait-ce que pour Hubert Deschamps et sa partition anthologique. Dans ce nanar absolu, Léon Jumaucourt, vieillissant et aux sérieux troubles auditifs se fait mener par le bout du nez par un Daniel Auteuil cabotin.

 



Asie : Fantasme et conflit avec l'histoire


Avant de nous intéresser aux inévitables incarnations des plus indicibles fantasmes de nos chérubins, un focus nous semblait obligatoire sur deux des mètres-étalons du genre.


Madadayo d'Akira Kurosawa en 1993 fait ainsi partie du haut du panier. Dernier métrage de son auteur réalisé à 83 ans, celui-ci brosse le portrait d'un enseignant en fin de carrière qui décide de partir vivre de sa plume. Figure immuable du maitre à penser, du « sensei », le personnage poursuit une sorte de parcours initiatique destiné à l'accomplissement de soi. Signifiant son intention de vivre jusqu'au bout sa vie d'écrivain (il répond à ses élèves lui demandant s'il est prêt à mourir : « Mada Dayo ! »(pas encore !)), le rôle est un hommage non feint à Hyakken Uchida, écrivain vénéré par Kurosawa.


Habile mélange d'humour et de mélancolie, le film est et demeure, un joli conte nippon.


Plus décalé mais encore plus inoubliable : Battle Royale de Kinji Fukasaku. Leçon du jour : entretuez-vous ! C'est sur ce postulat peu commun que le film délaisse la part habituelle au professeur, incarné toutefois par un terrifiant Takeshi Kitano. Dans une société où la délinquance juvénile atteint des sommets, les adultes décident de recadrer les chères têtes blondes en les envoyant se foutre sur la tronche sur une île déserte. Armés et déterminés à survivre (il ne peut en rester qu'un), le film est un déchainement de violence graphique, comme une catharsis jouissive et peu avouable de ces enseignants qui, un jour, ont forcément eu envie de se lâcher sur l'un de ces « petits merdeux ». Personnage cynique et vil au destin tragique, Kitano obtient sans mal la palme du pire prof de l'histoire du cinéma.


Qu'ils soient voyous, séducteurs ou extraterrestres, les professeurs dans la bande dessinée orientale (à contrario de la BD occidentale, excepté de la parodique Les Profs) se veulent omniprésents chez nos amis du pays du matin calme.

 

 

Le plus définitif en la matière reste sans nul doute Onizuka de l'hilarante série GTO. Diplômé d'une université bas de gamme, docteur ès drague, Onizuka devient enseignant pour y côtoyer les jeunes filles. Gagnant peu à peu la confiance de ses élèves, celui-ci se résous au final à leur venir en aide plutôt qu'à les mettre dans son lit. Pièges machiavéliques, élèves suicidaires ou explosion de violence inouïe, la série est à lire ou à voir de toute urgence !


Negima le maitre magicien face aux créatures démoniaques et aux robots tueurs, Le Préféré de la prof et son amour interdit (à réserver à un public averti) ou encore Living in a happy world : Shōjo peuplé de non dits et de touchantes confessions, il incomberait au rédacteur de cet article un dossier uniquement consacré cette figure tutélaire en Asie.

 

Nous citerons toutefois en guise d'ultime évocation : Please Teacher ! et son héros Kei kusanagi, lycéen atteint de « stagnation ». En effet, ce dernier plonge dans un état comateux dès qu'il se trouve en situation de stress émotionnel. Propiceà la loufoquerie, le pitch réussit à nous faire croire à l'emménagement du dit héros avec une séduisante extraterrestre pacifique devenue son professeur principal... Classique au niveau de la symbolique, la série fut adaptée en anime de 12 épisodes.


Outre-Atlantique : Le mythe professoral et une symbolique ampoulée


Du récent Bad teacher où la sculpturale Cameron Diaz campe un professeur soi-disant provoc' (on lui préfèrera de loin l'allumée et non moins magnifique Marion Cotillard dans le jouissif Dikkenek) à Alan Rickman et la série des Harry Potter, l ‘Amérique semble considérer son rapport à l'enseignement comme particulièrement problématique. Avant de nous intéresser à d'autres métrages pour le moins mélodramatiques, penchons nous sur certains des plus impitoyables et siphonnés maitres d'écoles.

 

Fumiste, mais ô combien attendrissant, Jack Black incarne dans Rock Academy le plus improbable et attachant des enseignants. Nouvelle usurpation d'identité, nouveau rôle hors-normes pour ce prof de musique peu conventionnel. Rien de bien neuf certes mais ça fonctionne. Tout comme Fast times et son Mr Hand totalement débordé face au surfeur, le pays de l'Oncle Sam n'a eu de cesse que de nous proposer des méthodes iconoclastes et des personnages au grand cœur.

Plus proches d'un Coluche dans Le Maitre d'école (souffre douleur sympa et tolérant) que d'un John Cleese, inoubliable dans cette désormais mythique présentation du Sens de la vie, voici quelques- uns des plus célèbres en la matière.

 



Bonus Dossier :


Bibliographie :


La représentation des enseignants dans le cinéma français (1964-1994) : Gauthier G.


Pour aller un peu plus loin : (source Vogazette)


THE UNKNOWN (L'Inconnu) Tod Browning - Etats-Unis, 1927 ; Une enseignante et un homme sans bras.

MERLUSSE Marcel Pagnol - France, 1934

L'enseignant type du cinéma français jusqu'en 1960. Un gentil raté, déçu de la vie, brimé par l'administration, cachant sous sa sévérité une humanité refoulée pour les exigences de la discipline.

GOODBYE, MR. CHIPS (Au revoir Mr Chips) Sam Wood - Etats-Unis, 1939

Grand classique de la MGM retraçant la vie d'un timide professeur. Un témoignage quasi- documentaire sur le monde des écoles anglaises.

OLIVIA Jacqueline Audry - France 1950.

Nouvelle pensionnaire anglaise d'un internat français, Olivia trouble mademoiselle Julie, le professeur de littérature qui trouble habituellement ses élèves.uvelle pensionnaire d'une institution française, la jeune Anglaise Olivia trouble Mademoiselle Julie, professeur de littérature qui, elle-même, trouble habituellement toutes ses élèves.

THE BROWNING VERSION (L'Ombre d'un homme) Anthony Asquith - Grande-Bretagne, 1950

Un des premiers films qui s'interroge vraiment sur le rapport entre enseignats et élèves avec profondeur de vue.

LES DIABOLIQUES Henri-Georges Clouzot - France, 1954

Michel Delasalle dirige à Saint-Cloud une "institution pour jeunes gens". C'est un homme tyrannique, odieux. Il terrorise sa femme Christina et martyrise sa maîtresse attitrée Nicole, professeur dans l'établissement. Un chef d'œuvre de film noir, hanté de souvenirs d'institutions.

PAPA, MAMAN, LA BONNE ET MOI Jean-Paul Le Chanois - France, 1954

Quand il perd sa place de stagiaire chez un avocat, Robert Langlois préfère ne pas en parler à ses parents, chez lesquels il habite encore, et entreprend de donner des leçons particulières pour vivre. Bientôt, il rencontre Catherine, dont il tombe amoureux. Celle-ci élève seule la fille de sa soeur, morte en couches...

MY FAIR LADY George Cukor - Etats-Unis, 1963

L'illustre professeur Higgins parie avec son ami le colonel Pickering qu'il peut métamorphoser une simple vendeuse de fleurs à l'accent cockney en une dame distinguée. Mais l'objet du pari, la jeune et belle Eliza (Audrey Hepburn), montre du caractère et se révèle beaucoup moins malléable que prévu. Ilparvient, contre toute attente, à la transformer : Eliza peut désormais faire illusion dans le beau monde.

I PUGNI IN TASCA (Les Poings dans les poches) Marco Bellocchio - Italie, 1965

Catégorie mauvais prof, celui que l'on aimerait pas avoir, mais sur lequel on est tous tombés, un jour.

COURS DU SOIR Nicolas Ribowski - France, 1967

Tourné en marge de Playtime, ce court métrage en utilise les décors et la distribution. Les hommes d'affaires sont transformés en sages écoliers découvrent les différentes manières de fumer une cigarette, de monter à cheval, ou de tomber dans un escalier. Le professeur de cette leçon d'observation, c'est Hulot, qui en entrant dans la classe, ôte son chapeau et son manteau pour prendre les traits de Jacques Tati.

CHILD'S PLAY Sidney Lumet - Etats-Unis, 1972

Jerome Malley est un jeune professeur d'une école catholique de garçon. Une montée de violence et de brutalité parmi les élèves laisse Jerome perplexe. Il en vient à suspecter l'un des plus anciens professeur qui inciterait les élèves à ces comportements hostiles. Une charge féroce contre l'enseignement catholique américain.

LE PROFESSEUR Valério Zurlini - Italie, 1972

Avec Alain Delon, dans l'un de ses plus beaux rôles. Un nouvel instituteur est nommé à Rimini. Jeune et beau, il ne tarde pas mener une vie dissolue et à tromper sa femme avec l'une de ses élèves.

UNE SEMAINE DE VACANCES Bertrand Tavernier - France, 1980

La difficulté d'être et les remises en question des enseignants dans le monde contemporain.

LE MAITRE D'ECOLE Claude Berri - France, 1981

Une image très traditionnelle de l'enseignant, qui a des problèmes avec les enfants et l'administration, mais qui s'en sort grâce à sa gentillesse bonhomme.

TEACHERS (Ras les profs) Arthur Hiller - Etats-Unis, 1984

De l'impossibilité d'enseigner devant la montée de la violence dans les collèges américains.

 


 

COURS PRIVE Pierre Granier-Deferre - France, 1986

Professeur dans une école privée, Jeanne Kern est jeune, belle et plaît beaucoup. Même le directeur est amoureux d'elle. Des lettres anonymes arrivent à l'établissement : Jeanne est visée, salie. La photo, sans tête, d'une femme au milieu d'adolescents nus faisant l'amour est diffusée. Jeanne est expulsée de l'établissement.

DE BRUIT ET DE FUREUR Jean-Claude Brisseau - France, 1987

Sous les apparences d'un fait divers, le film raconte la découverte du monde par un jeune adolescent Bruno. Il vient habiter Bagnolet et qui se retrouve confronté, par le bais d'une amitié avec Jean-Roger, autre adolescent du quartier, à un tissu social en pleine décomposition : délinquance précoce, échec scolaire, parents irresponsables, violence.

MERY PER SEMPRE (Mery pour toujours) Marco Risi - Italie, 1989

Figure du professeur-mentor qui a la responsabilité d'aider à la réinsertion de jeunes délinquants.

TAKHTE SIAH (Le Tableau noir) Samira Makhmalbaf - Iran, Italie, 1999

Un groupe d'instituteurs, tableaux sur le dos. Venus de nulle part, ils errent à la recherche d'élèves, portant leur unique bagage comme un lourd fardeau, prêts à échanger leur savoir contre une bouchée de pain ou une poignée de noix.

 



 


Dossier rédigé par Jonathan Deladerriere

 

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commentaires
alain
13/11/2015 à 11:08

très bonne documentation. mais suis très surpris de ne pas y trouver "le cercle des poètes disparus" (1988?)