Gad Elmaleh - Portrait

Sylvie Rama | 30 mars 2006
Sylvie Rama | 30 mars 2006

Oh my Gad !

Nous nous sommes fendu la poire avec cette boutade, en particulier élèves (amusés) et profs d'anglais (agacés). « What's the date today ? » c'était à l'époque de l'espiègle Élie Kakou. Aujourd'hui, on se redonne la pêche en gloussant « Where is Brian ? » Nous savons tous que « Brian is in the kitchen ! » and Gad is in the place !

Mad of Gad

De grands yeux rieurs, l'air malicieux, la justesse dans le verbe et l'art de l'autodérision. Des attributs qui ont permis à Gad Elmaleh de se faire une place dans le cercle très fermé des grands humoristes et dans le cœur des Français. Le 22 mars dernier, l'homme de scène a été sacré Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres. Une distinction qui l'a ému profondément, pour laquelle il a réclamé son cheval et s'est gentiment targué d'un commentaire narquois sur sa personne : « Les Arts d'accord… Mais les Lettres ! »

Effectivement, l'école, ça n'est pas son dada. Élie Kakou, son regretté compère, ne pensait pas si bien dire : « Le premier que j'attrape en train de chuchoter, papoter, bavarder ou quoi que ce soit, je le fous à la porte ! » Renvoyé de plusieurs établissements scolaires parce que trop chahuteur, ce petit blagueur préfère accompagner son père mime, qu'il surnomme affectueusement Monsieur Bouglione, dans les cabarets de Casablanca. Le petit artiste rêve d'être un grand. En 1988, il n'a pas 18 ans lorsqu'il s'envole pour le Canada : « Parce que je rêvais de l'Amérique et que je ne parlais pas anglais. Je me suis peut-être dit que c'était une sorte d'Amérique à la française. »

Quatre ans sur le sol montréalais. L'étudiant à Sciences Po fait très vite ses armes à la radio, joue ses sketches, éprouve ses premiers textes. Petits théâtres, petit écran, cabarets ou boîtes de nuit, l'humour du débutant est tout terrain et lui donne des ailes. 1992. Atterrissage à Paname, direction cours Florent. Wouah, la prof est blonde à forte poitrine. Elle le prend en main pour lui faire travailler son premier show. Conjointement, il attaque de pied ferme au théâtre dans Les Libertins, puis à la télé dans la sitcom Fruits et légumes. Les bêtisiers actuels ne manquent jamais de passer un extrait de sa prestation en policier moustachu dans le court-métrage Manivelle tourné en 1994.

En 1996, son ami et réalisateur Merzak Allouache le dirige dans Salut cousin ! son premier rôle au ciné. Il enchaîne par un second rôle dans Les soeurs Hamlet avant d'achever l'écriture de son premier one man show qu'il présente au Théâtre Trévisse, mis en scène par sa fameuse prof, Isabelle Nanty. Décalages retrace de façon autobiographique son périple depuis sa terre. Le héros migrateur y livre une réflexion sincère et drôle sur le métier et les petits drames du quotidien, au gré d'une galerie de personnages marquants, imprégnés par ses origines, comme le grand-père Baba Yhia ou l'ami Abderazak. Gad ne se prend aucun gadin. Le succès est tel qu'il réitère à Montréal puis à Casablanca avant de remettre ça de retour à Paris, dans la salle surchauffée du Palais des glaces.

Gad Elmaleh n'a pas fini de s'éponger le front que déjà le cinéma lui tend les bras. Au départ, il s'empêtre dans des comédies qui pataugent dans l'anonymat. Démarrage avec Vive la République, sorte de débat d'idées qui parle de changer le monde mais qui tourne vite en rond, suivi de XXL, flop extra-large d'Ariel Zeitoun pour lequel il refuse à contrecoeur La Vérité si je mens ! Dommage, mais pas dramatique. Car du drame, il en aura avec L'homme est une femme comme les autres : d'abord dans son rôle, loin du comique, ensuite au box-office, pas très jojo en dépit d'un solide scénario. Pas drôle. Le comédien revient vite à la blague. Entouré d'Yvan Le Bolloc'h et de Gilbert Melki, il joue les braqueurs amateurs dans On fait comme on a dit. Malgré leurs bons jeux de mots, le trio ne fait pas banco. Pas plus que Deuxième vie de Patrick Braoudé, dans lequel il excelle en curé, rabbin et moine tibétain, ou Les gens en maillots de bains ne sont pas (forcément) superficiels d'Éric Assous. Il aura également l'occasion de se distinguer dans quelques très bons courts, comme le poétique Train de vie, de Radu Mihaileanu.

Gad aura aussi fait de belles rencontres : par le biais des petites annonces avec Elie Semoun et Franck Dubosc, en vivant l'aventure Courts de Stars (programme de 10 courts) aux côtés d'Alain Chabat, José Garcia ou Jamel Debbouze. Avec ce dernier, il s'illustre dans une série de sketches, immortalisés par l'inoubliable "barre de faire" qui a tordu (de rire) pas mal d'abdos. Il retrouve Merzak Allouache le temps d'un téléfilm, À Bicyclette, et s'élance cette fois sans contrainte dans La Vérité si je mens 2 ! où il lâche sa joie : « c'est la porte ouverte à toutes les fenêtres ! »

 

 

Gad is good

Sa côte de popularité fait un boom et il explose l'Olympia avec son second one man show. Dans La Vie normale, il brouille les pistes, moins autobiographique mais pas moins irrésistible, toujours emblématisé par ses figures méditerranéennes (Baba Yhia et Abderazak toujours dans le coup). Son style d'humour compatissant et audacieux s'affirme davantage. Plus fin, plus classe, désinvolte, sans jamais tomber dans le misérabilisme et la méchanceté, il passe en revue quelques questions existentielles (pourquoi fumer, avoir un téléphone portable, se brancher sur le net). « Je peux pousser la caricature jusqu'au ridicule, mais mes personnages restent toujours humains. La seule moquerie que je m'accorde, c'est l'autodérision ». Le must enfin, le moment de pure création avec complicité du public, pour finir sur un sketch inédit, en totale impro.

Touche-à-tout, populaire, Gad Elmaleh revient sur grand écran en amoureux naïf dans A+ Pollux, et s'en va accompagner son pote Youn dans ses délires ciné et ses mélodies de Bratisla Boyz. On l'aperçoit dans Bab el web de son acolyte Allouache, chez Laurent Baffie dans Les Clefs de bagnole, film dont le public a suivi son slogan (N'y allez pas, c'est une merde !) et officie avec charme deux années de suite au micro des Césars. En 2003, il est sans conteste le Chouchou des salles de ciné, travesti attendrissant qui parvient plus ou moins à faire oublier un scénario oublié. Pour ce film, il tourne en famille : derrière la caméra, le fidèle Merzak, à ses côtés, son ami Roschdy et son frère Arié (le comique des dernières pubs d'un opérateur mobile). Le public en redemande, lui envoie des fleurs, ça tombe bien, car dit-il "J'adooore li fleurs !"

Dans la foulée, Olé n'obtient pas de ola. Le duo qu'il forme avec Gérard Depardieu est à la fête mais ne fait pas recette. Les spectateurs veulent voir Gad dans un rôle de grand, et non plus dans celui du domestique, du fanfaron ou du pote de service. Le comique de la situation va répondre avec ce qu'il sait sans doute faire le mieux. En 2005, L'autre c'est moi, son troisième one man show comble la foule. Encore une fois, Gad Elmaleh humorise le quotidien, capte avec minutie les détails de l'existence et les restitue habilement telles des leçons de vie. Au coeur de ce spectacle, un nouveau personnage qu'il joue avec une gestuelle inénarrable : le « blond », celui qui est « nickel », qui « skie comme un Dieu » et « n'a jamais le nez qui coule. » Et pour auréoler le tout, Gad révèle ses talents de danseur et de musicien.

Bref, le joyeux (Gad) et gentil (Elmaleh) boute-en-train se montre artiste complet, proche de son public, le gars que beaucoup aimeraient avoir comme ami. Humble et posé, généreux dans la vie, il adore les samedis Star'ac'lette entre amis, déteste les ordinateurs (snif, il ne pourra donc pas nous lire, il n'en a pas), admire Chaplin, De Funès et Nicolas Cage. Son rêve le plus fou serait de conquérir Hollywood, mais il déclare pour ceux qui l'imaginent dans un rôle de mafieux qu'il ne veut pas tuer des gens dans un film : « Sinon, les spectateurs vont penser que les mecs que je viens de buter vont se relever ! »

Si faire rire c'est son point G à lui, espérons que ce sera aussi le G de la victoire, qu'il aura gagnée en incarnant La Doublure de Francis Veber, le cinquième François Pignon, ce doux et naïf pigeon qui finit toujours, malgré lui, par l'emporter sur les plus méchants. Point gagnant ou non, Gad Elmaleh a déjà conquis une majorité et acquis ses galons de star du rire. Fin 2006, il sera avec Audrey Tautou à l'affiche de la comédie Hors de prix, réalisée par Pierre Salvadori. Mais ce que ses fans attendent sûrement avec impatience, c'est une nouvelle scène. Un prochain spectacle, tout nouveau tout show. Esperons qu'il les entende, mais comme à son habitude, il ne se fera pas prier. Gad bless u.

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