Sitges 2011 - Jour 2

Aude Boutillon | 10 octobre 2011
Aude Boutillon | 10 octobre 2011

Parce que Sitges n'est pas la plus sage des cités balnéaires espagnoles, il est souvent difficile de terminer la journée dans des horaires et des conditions décentes. Autant dire que la conscience professionnelle de vos émissaires se trouve régulierement confrontée à des choix moraux de la première importance (soirées jusqu'à pas d'heure VS séances du matin). S'il serait inconvenu de vous narrer le contenu des premières, il va sans dire que les secondes feront l'objet d'un traitement du plus grand sérieux. Oui.

 

 

Vendredi, nous avions donc pu voir le sud-coréen Haunters (à ne pas confondre avec The Hunters, dont le simple titre fait frémir de terreur les initiés). S'il est des pays qui, plus que d'autres, inspirent la confiance en matière cinématographique, la Corée fait sans nul doute partie de ceux-là. Haunters est le fruit d'un ancien collaborateur de Bong Joon-ho et Kim Ji-soon, un détail qui tend qui plus est à susciter l'intérêt. Le film s'interesse à la confrontation de deux personnalités des plus contradictoire ; l'un, brimé durant l'enfance, nourrit une rancoeur impitoyable à l'égard de ses semblables, et se trouve qui plus est doté d'un don de controle mental ; l'autre est un jeune homme joyeux et attachant, qui démontre une résistance inédite à la capacité de celui qui deviendra rapidement son ennemi n. 1. Il s'agit là des débuts de Kim Min-suk dans la réalisation, un détail qui n'aura pas échappé à l'oeil vif et aguerri du spectateur de Sitges. Brouillon, naviguant gaiement de la vanne un poil lourdingue aux improbables scènes d'action (qu'on ne qualifiera pas franchement de grandes réussites), Haunters est sans conteste un surprenant méchoui peinant parfois à trouver son ton, ou du moins à le garder plus d'un quart d'heure. La subtilité ne sera pas tout-à-fait au rendez-vous, entre une caractérisation de personnages carrément poussive et caricaturale et une mise en scène tape-à-l'oeil, mais malheureusement rarement à la hauteur de ses prétentions. Proche du manga de par ses "scènes-choc" et ses combats outranciers, le film de Kim Min-suk reste toutefois un divertissement plutôt réjouissant, quoique trop long, parfois très drôle, grâce notamment à des personnages secondaires inattendus et hauts en couleurs.

 

 

Samedi, 7:30, le glas du devoir sonne déjà. Une troupe de courageux attend de pied ferme le nouveau Jaume Balaguero. Fort heureusement, les craintes inhérentes au style des derniers succès commerciaux du fidèle comparse de Paco Plaza sont très vite balayées des les premières minutes de ce Malveillance (Sleep tight) ; guère ici de camera embarquée et de scènes d'action tremblotantes, et encore moins de mutants assoiffés de sang. La réalisation se fait posée et élégante, privilégiant un rythme lénifiant pour mieux représenter le quotidien d'un concierge esseulé et malheureux dont l'unique objectif est de rendre la vie de ses hôtes aussi misérable que la sienne. Porté par un Luis Tosar aussi inquiétant que perturbé, Sleep Tight trouve toujours le ton juste, allant jusqu'à distiller une émotion aussi inattendue que foudroyante au détour d'un dialogue entre un homme qui n'espère plus rien de la vie et une vieille femme dont les chiens constituent la seule famille. On retrouve avec plaisir la délicieuse Marta Etura, déjà vue dans l'Eva de Kike Maillo, en victime inconsciente d'un concierge dont la perversité explose dans une scène finale particulièrement cruelle. Du thriller psychologique hautement efficace.

 

Difficile, après tant d'enthousiasme, de poursuivre la matinée avec une romance sans surprise. On passera donc rapidement sur le Jane Eyre de Cary Fukunaga, déjà présenté à Neuchâtel, et dont la sélection dans la section Panorama Fantastique laisse quelque peu pantois. L'adaptation du roman de Charlotte Brontë reste en effet une fresque romantique de grand standing, d'un classicisme à toute épreuve, très bien interprétée par un casting de haute volée, et quelque peu douloureuse dans la durée pour qui ne serait rompu aux exercices du genre.

 

 

 

La journée s'achèvera de la plus charmante des façons, à savoir par une programmation nocturne sexy à souhait ; à l'inénarrable Sex and Zen 3D succéderont plusieurs courts-métrages de la série Femmes Fatales, qui s'achèveront au petit matin. Bis à souhait, volontairement (on l'espère, du moins) kitsch, ces segments se laissaient suivre sans déplaisir, après un Sex and Zen manquant d'un certain grain de folie, et bouffé par une aburde fin moralisatrice et puritaine. Car après avoir fait hurler de plaisir des dizaines de splendides Chinoises, tout le monde sait que seul l'amour, le vrai, vaut le coup (!).

 

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