Berlin 2011 : Jour 4 (Le choc 3D de Pina)

La Rédaction | 14 février 2011
La Rédaction | 14 février 2011

 

 

On a beau être consciencieux et mettre toutes les chances de son côté - mais non, je n'irai pas en boîte, je te dis, j'ai Ocelot demain matin -, on n'est jamais à l'abri de la panne de réveil. Bingo, et voilà comment on rate la projection de 9h du matin. Heureusement, EL fonctionne en binôme cette année et Martin vole au secours du rédac chef défaillant (faut dire qu'on n'a pas le même trajet pour se rendre à la salle de projo) pour découvrir le premier film en 3D dans l'histoire de la compétition  berlinoise. Et c'est un beau cocorico qu'il faut entonner puisque le film en question est bien Les Contes de la nuit de Michel Ocelot, le réalisateur de Kirikou ou encore Azur et Asmar. Comme toujours chez le cinéaste, l'histoire - pendant plusieurs nuits, un garçon, une fille et un vieux technicien se retrouvent dans un cinéma désaffecté pour laisser place à leur imagination et créer des contes  dont ils seront eux-mêmes les acteurs - est une invitation à un voyage merveilleux. Ici, les 6 contes transportent les personnages à différentes époques et sur divers continents, passant par exemple du loup-garou au garçon tam-tam, des Antilles aux villes d'or aztèques...Même si l'utilisation de la 3D ne rend pas nécessairement le film plus attractif, les silhouettes, découpées telles des ombres chinoises, vivent leurs aventures dans des univers aux couleurs éclatantes, ce qui confère au film une magie toute particulière (3/5).


Voilà, c'est tout pour la compétition officielle en ce dimanche 13 février. L'occasion d'aller faire un tour du côté du Panorama. Martin, en efficacité maximale en cette mâtinée dominicale, rattrape le Life in a day. Produit par Ridley et Tony Scott, et réalisé par Kevin McDonald (Le dernier roi d'Ecosse ou Jeux de pouvoir), le film qui avait beaucoup fait parlé de lui - et pour cause - sur le net est bien cette entreprise collective où 80.000 personnes ont tourné des courts-métrages dans 197 pays. Après avoir reçu des centaines d'heures de matériel, le visionnage et le montage ont sans doute dû être ardus, mais c'est aussi l'unique moyen de décider un lien narratif entre tous ces éléments totalement hétéroclites.

Le principal mérite de ce projet artistique multimédia en est l'ampleur, le but étant de voir comment vivent des gens dans le monde entier pendant un jour.

Il émerveillera sans doute toute une génération - la génération youtube, -  mais le résultat ne convainc pas totalement, certaines des « tranches de vie » personnelles étant beaucoup plus touchantes que d'autres et laissant presque le regret de ne pas poursuivre plus certains des « acteurs » (2,5/5).

 

Pour ma part, j'ai suivi les conseils à distance de nos petits copains de Sundance et suis allé voir The Guard avec Brendan Gleeson en mode Bons baisers de Bruges. Effectivement, l'humour décalé qui imprègne tout le récit d'une chasse aux trafiquants de drogue d'un policier irlandais dont on ne sait « s'il est complètement stupide ou incroyablement malin », fait le plus souvent mouche. Merci à mister Gleeson qui sort l'artillerie lourde dans le domaine même si une grande partie des gags me passent au dessus de la tête, l'accent irlandais n'étant pas mon fort. Bref, il faudra sûrement passer par la case visionnage avec sous-titres même si dans l'ensemble, le film laisse le souvenir d'une œuvre plaisante mais totalement anecdotique. L'impression en sortant d'avoir déjà vu la même chose ailleurs... en mieux !

 

Tout le contraire donc de notre choc de la journée. Et sans doute, celui du festival. Le duo, enfin réuni, a assisté à la projection en hors compétition de Pina, le film-documentaire en 3D de Wim Wenders qu'il a consacré à la danseuse-chorégraphe, Pina Bausch. Et, l'unanimité était de mise - ce qui, croyez-le pour dit, est bien rare quand on connaît nos goûts bien disparates - : Pina est un choc cinématographique précieux. Et c'est aussi et surtout une réussite technique inouïe. Pour aller droit au but : on n'avait jamais vu jusqu'ici un film utiliser la 3D avec autant de maestria et surtout d'à propos. Dès la première longue séquence de danse, la nécessité de la 3D et sa fulgurante efficacité sautent littéralement aux yeux. Plongé au cœur de la scène, on est dans l'intimité des danseurs. Jamais n'a-t-on pu voir de si près la recherche de perfection des gestes. Jamais n'a-t-on été aussi admiratif de ces corps qui se contorsionnent avec une précision absolue pour faire naître une émotion durable. Quant la 3D est utilisé à un tel niveau d'exigence et une telle volonté artistique, le 7ème art porte alors admirablement bien son nom. A partir d'un projet qu'il avait voulu abandonner suite à la disparation brutale de Pina Bausch (le film devait à ce moment être centré sur la chorégraphe et la suivre à travers ses tournées dans le monde), Wim Wenders, relancé par les propres danseurs de Pina, livre un des plus bels hommages possibles à une artiste d'exception.

Sans lien narratif évident - attention, c'est une œuvre ardue, le cinéaste laisse la parole aux danseurs d'une troupe multiculturelle (ça parle presque toutes les langues) pour évoquer leurs souvenirs de Pina. Et à travers ces confessions très intimes, on approche au plus près de la femme et l'artiste, se rendant compte pourquoi elle était tant aimée, admirée et de comprendre l'incroyable lien de fidélité qui unit toute la compagnie depuis plus de 30 ans. Et si les mots sont plus d'une fois extrêmement touchants, que dire de tous ces numéros de danse, proprement extraordinaires, que la mise en scène 3D (on peut enfin véritablement associer les deux mots) de Wenders sublime à chaque instant. Qu'elle soit en intérieur dans le théâtre ou à l'air libre comme lors de ces étonnantes séquences en métro aérien, la caméra posée du cinéaste - quel plaisir de voir un découpage qui laisse la place d'admirer les mouvements - semble être constamment à la bonne place. Transcendant avec grâce l'espace tridimensionnel, elle nous fait découvrir une manière inédite de voir la danse. Et de nous prouver magistralement qu'un cinéaste en pleine possession de ses moyens, peut utiliser un « nouveau » medium pour faire avancer son art. Une date dans l'Histoire du cinéma ? Une chose est sûre pour l'auteur de ces lignes : il y aura un avant et un après Pina ! (4,5/5).

C'est l'heure de la récréation du soir : Saint de Dick Maas et Vampire d'Iwai Shunji. Verdict demain !  

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