Notre remake US de film français préféré

Laurent Pécha | 10 décembre 2010
Laurent Pécha | 10 décembre 2010

A l'occasion de la sortie de Les trois prochains jours, le remake américain presque  copier coller du Pour elle de Fred Cavayé, la rédaction d'Ecran Large a essayé de trouver les rares réussites précédentes dans le domaine. Alors, ça ressemble à quoi un remake US réussi de film français ?

 

Sandy Gillet : Le Convoi de la peur

D’abord il va falloir que l’on nous explique pour quoi Sorcerer ne bénéficie toujours pas d’une édition DVD (Blu-ray ?) digne de ce nom. Sorti en 1998 (sic !) chez Universal aux Etats-Unis dans une qualité d’image issue d’une VHS et au format 1.33, il n’en demeure pas moins que le film de Friedkin est tellement puissant que l’on fait fi de ces désagréments techniques. Car depuis sa sortie en France en novembre 78 (autant dire une éternité) celui-ci n’est plus visible que via ce DVD (pas ou peu de redifs à la télé et aucune ressortie en salles depuis). Ce qui n’a pas empêché toute une palanquée de générations de le découvrir ainsi forgeant encore plus la « légende » du film et son statut d’œuvre culte. Il faut dire que ce remake / relecture du Salaire de la peur est frontal et fait dans le « roots » accentuant tout ce qui faisait déjà le côté sale et puant de sueur du film de Clouzot. Friedkin s’autorisant de surcroît des libertés narratives (le passé des protagonistes est connu) qui vont dans le sens de sa démonstration. Sorcerer s’inscrit de fait dans ce cinéma post soixante-huitarde militant et lucide, démago et extravagant mais qui en 78 était déjà plus que sur le déclin. Apocalypse Now de Coppola puis La Porte du paradis de Cimino étant les deux derniers a avoir tenté de faire perdurer l’utopie avant la prise de pouvoir définitive de ce que l’on appelait déjà les Blockbusters.

 

 

 

Nicolas Thys : La Rue rouge

Les remake de films français par les américains sont une histoire ancienne (et auraient mieux fait de le rester vu les désastres récents), notamment avec deux films de Renoir par Fritz Lang dont le meilleur reste incontestablement La Rue rouge, remake de La Chienne. L'oeuvre américaine et l'oeuvre française sont aussi importantes l'une que l'autre, proches dans leur thématique mais complètement éloignées dans leur rendu final. Il n'y a qu'à comparer Michel Simon et Edward G. Robinson pour s'en rendre compte. Lang réussit parfaitement son film, flirtant avec différents genres et reprenant beaucoup de son film précédent, La Femme au portrait dont il est sans conteste aussi le grandiose fantôme.


Vincent Julé : Joyeux Noël (Mixed Nuts)

Wouah, un remake du Père Noël est une ordure par Nora Ephron, avec à la place de l’équipe du Splendid, Steve Martin, Anthony LaPlagia, Juliette Lewis, Rob Reiner ou Adam Sandler… putain, je veux le voir right now et en VHS pourri !

 

 

Perrine Quennesson : Rencontre à Wicker Park

Le film de Paul McGuigan est le remake du long-métrage français L’Appartement de Gilles Mimouni (1996) avec Vincent Cassel et Monica Bellucci. L’intrigue est la même, seules la dramaturgie et l’esthétique changent. Certains apprécieront (comme moi) ces changements très hollywoodiens, d’autres considéreront cela comme un viol par excès de lissage. Reste la beauté du triangle Kruger/Hartnett/Byrne et une BO formidable où l’on retrouve du Mogwai, Coldplay, Stereophonics ou encore Johann Johannssen. Unique bémol pour moi: la fin modifiée (dans le remake) donne un côté conte de fée mal venu à ce film si amer sur les conséquences de la violence des sentiments.

 

 

Louisa Amara : Running man

Film multidiffusé à la télévision qui me laisse surtout des souvenirs de Scharwzie en mode hystérique, portant une tenue lurex des plus seyantes. Le film avait été réalisé par Paul Michael Glaser, le Starsky de Starsky et Hutch. Ce classique des eighties a sûrement vieilli autant ou plus que l’original dont il est tiré : Le prix du danger avec Gérard Lanvin. Mais il reste l’un des meilleurs remakes de films français à ce jour.

 

 

 

Ilan Ferry : L'Armée des 12 singes

A partir d'un des plus brillants courts métrages expérimentaux de Chris Marker (La Jetée), le trublion Gilliam a réussi a accoucher d'une oeuvre de S.F. incroyablement dense et lisible. Quand les univers de deux artistes aussi singuliers que talentueux se rencontrent cela donne cette armée pas comme les autres. Soit l'un des meilleurs remakes qui soient car à la fois fidèle et inlassablement marqué par l'empreinte du génial auteur de Brazil.

 

 

 

Julien Foussereau : Ghost dog

Je n'irais pas jusqu'à dire que le film de Jarmusch écrase de sa supériorité Le Samourai de Melville. Mais il est très difficile de trouver un remake US très nettement supérieur à sa matrice française. Dans les deux cas, pourtant, ton et attitude sont les maitres mots. Melville apporte à ce classique du cinéma son style sec comme un coup de trique où le silence et le non-dit sont les rois. Si Jarmusch reprend énormément de la structure scénaristique du Melville, la part de silence a une valeur différente, plus fantomatique et existentielle. A la manière des beats lourds de RZA, Jarmusch appuie davantage tout en pervertissant la raison d'être de son tueur avec un effet à la Rashomon. Ghost Dog ne surpasse pas Le Samourai mais il est un exemple frappant d'un remake américain aussi intelligent que rondement mené.

 

 

Simon Riaux : True Lies

Difficile de trouver un remake (La Totale comme film original) qui entretienne avec son original autant de points communs que de différences. La relecture de Cameron allie la comédie déjà présente chez Claude Zidi à une dose d'action survoltée. Voir les deux films en parallèle est une expérience jouissive, révélatrice des codes des cinémas américains et français. De quoi faire fantasmer un remake du Gendarme à St Tropez par Michael Bay.

 

 

Patrick Antona : Sommersby

Franchement, qui peut-être ému par Gégé en habits de paysan du Moyen-Age essayant de prouver à une Nathalie Baye neurasthénique qu'il est bien son mari revenu de la Guerre de Cent ans? Alors qu'interprété par un Richard Gere tout en plissements d'yeux, comme à la meilleure partie de sa carrière, face à une Jodie Foster qui excelle dans les rôles de femmes fortes, le tout sur fond de Guerre de Sécession, cela devient un tantinet plus glamour. Même si ce correct remake n'atteint pas le nirvana des reconstitutions d'époque, comme il fournit son quota d'action et d'émotions attendus, avec un couple Gere/Foster fonctionnant à merveille, et la partie procès, peu passionnante dans la version originale, démontre que les américains restent toujours maître dans ce domaine. Et les seconds rôles comme James Earl Jones, R Lee Ermey et Bill Pullman apportent une densité au récit, alors que dans le film de Daniel Vigne, il fallait attendre l'arrivée de Bernard-Pierre Donadieu pour enfin vraiment s'intéresser à cette néanmoins passionnante histoire d'usurpation d'identité qui mériterait un second remake.

 

 

Laurent Pécha : A bout de souffle made in USA

Difficile de toucher à un film aussi  emblématique de la Nouvelle vague que le A bout de souffle de Godard. Et pourtant, Jim McBride, cinéaste injustement sous-évalué qui n'a pas eu la carrière qu'il méritait, est parvenu à en faire une transposition étonnante et totalement américaine, justifiant par là même le "made in USA" du titre français. A commencer par le choix de ses comédiens (Gere et Kaprisky n'ayant rien à envier à Belmondo et Seberg) et surtout l'utilisation de la mythologie américaine personnifiée par le comic du Surfeur d'argent dont est fan Richard Gere. Une oeuvre vraiment étonnante qui mérite depuis longtemps une réévaluation par bon nombre.

 

 

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