Les films dont la fin a été transformée

Simon Riaux | 7 janvier 2011
Simon Riaux | 7 janvier 2011

Remontés par les producteurs, transformés après coup, oubliés dans d'obscures archives, ou véritables outils promotionnels, on pourrait écrire un chapitre entier sur les conflits touchant aux épilogues controversés. Voici un petit florilège de ces climax qui ont radicalement changé la tonalité des oeuvres auxquelles ils appartiennent, et qui sont autant d'épisodes inattendus, rocambolesques ou dramatiques dans la vie de leurs auteurs.

 

RAMBO (First Blood, 1982) de Ted Kotcheff

A l'origine, et comme dans le roman dont il est inspiré, John Rambo mourait, abattu par le colonel Trautman. Les spectateurs des projections test n'apprécièrent guère cette fin trop sombre à leur goût. Pour une fois, suivre l'avis du public n'aura pas été synonyme de désastre artistique, John Rambo put écumer la surface du globe et cautériser à la poudre bien des plaies (comme nous l'expliquions ici).

 



LA PETITE BOUTIQUE DES HORREURS (Little shop of horrors, 1986) de Frank Oz

Originellement, les personnages finissaient dévorés par l'abominable plante, avant que celle-ci n'atteigne un nouveau stade de sa croissance exponentielle pour envahir la planète entière. Cette fin, plus marquante et pessimiste que le happy end retenu avait pour mérite de parachever la métaphore liée au végétal, à savoir la cupidité et la soif inextinguible du pouvoir.

 

 

 


THE DESCENT (2005) de Neil Marshall

Si nous autres gentils européens avons découvert la fin ironique et impitoyable de The Descent, il n'en fut pas de même pour les américains, privés de twist sadique. C'est d'ailleurs cette fin qui sera considérée comme « officielle » avec la mise en chantier de The Descent 2, le second film s'arrêtant exactement où le premier finissait Outre-Atlantique, à savoir avec la fuite désespérée de l'héroïne principale. Si cet épilogue facilitait l'écriture d'une séquelle, on peut regretter que les producteurs et scénaristes n'aient pas été plus ambitieux, quitte à sauvegarder la fin originale, bien plus puissante et cohérente.

 

 

 

 


TERMINATOR 2 (1991) de James Cameron

A l'origine, la première fin envisagée était non seulement beaucoup plus optimiste que celle que nous connaissons, mais avait aussi pour particularité de clore la mythologie Terminator ! On y découvrait Sarah Connor dans le parc où a lieu son rêve d'holocauste nucléaire, âgée, observant John et sa descendance jouant au milieu d'autres familles. Sarah nous révélait en voix off que le jugement dernier n'avait jamais eu lieu, et qu'à la place de son destin de sauveur de l'humanité, John s'était tourné vers la politique, une autre façon de préparer l'avenir. Cette fin, tournée pour rassurer les producteurs face à une oeuvre résolument sombre et violente, ne fut finalement pas utilisée.

 

 

DOCTEUR FOLAMOUR (Docteur Strangelove, 1964) de Stanley Kubrick

Kubrick avait prévu une fin moins ouvertement comique, plus absurde encore que la chevauchée de missile finale. Une bataille de tartes à la crème éclate entre diplomates au sein du pentagone. Elle est à l'initiative de l'ambassadeur russe, qui tente ainsi de se soustraire à une fouille en règle. La situation dégénère rapidement, jusqu'à ce que Folamour, dépassé par sa main droite, manque de se tirer une balle dans la tempe. Interrompus dans leur bataille, le président, l'ambassadeur et les militaires restent bouche bée, puis reconnaissent en Folamour un homme d'avenir et l'acclament sous les hourras.

 

 

BLADE RUNNER (1982) de Ridley Scott

La fin abrupte voulue par Ridley Scott ne plait pas aux producteurs qui, en plus de la voix off de Harrison Ford ajoutée, empruntent des shoots inutilisées de Stanley Kubrick sur SHINING pour illustrer le voyage aérien au-dessus des contrées verdoyantes, en complète inadéquation avec le monde précédemment décrit. Il faudra attendre 1992 et la sortie de la version Director's cut pour découvrir une conclusion plus crédible et surtout la réinsertion de plusieurs plans qui laissent planer le doute sur la vraie identité de Deckard, homme ou androïde ? Pour retrouver notre dossier fleuve sur Blade Runner, c'est ici.

 

 


BRAZIL (1985) de Terry Gilliam

Le distributeur américain Universal voulait un happy ending pour le film et élimine la fin réelle et malheureuse de Sam Lowry ainsi que la phrase qui annonce le destin funeste de Jill. Cette version a été diffusée à la télévision des États-Unis au moins une fois et Gilliam a menacé de renier le film, qui a attendu d'être distribué au cinéma dans la bonne version pendant plus de 10 mois (éléments relatés dans le livre "The Battle of Brazil: Terry Gilliam v. Universal Pictures in the Fight to the Final Cut" de Jack Matthews). Mais les copies distribuées aux États-Unis n'ont toujours pas réintégrées la ligne de dialogue concernant la mort de Jill...Pour en savoir plus sur un tournage et une sortie hors normes, c'est ici qu'il faut cliquer.

 


APOCALYPSE NOW (1979) de Francis Ford Coppola

Le film tel qu'il existe aujourd'hui s'achève sur l'éxécution du colonel Kurtz par Willard (Martin Sheen) avant que ce dernier n'échappe au bombardement du temple et de ses adorateurs. Dans la version présentée à Cannes en mai 1979, Willard était tué par la tribu après le meurtre du colonel Kurtz.Si cette fin n'est pas moins cohérente avec l'oeuvre, celle que nous connaissons en prolonge les thèmes et la symbolique en faisant du personnage principal le testament vivant de Kurtz, le héraut de la mort.

 


L'INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURE (Invasion of the Body Snatchers 1956) de Don Siegel

Le film à l'origine prenait fin avec Kevin McCarthy perdu sur la route en criant aux gens : «Vous êtes le prochain, vous êtes le suivant !" Toutefois, le studio voulait une fin plus heureuse et se terminant sur une note rassurant le public américain, d'où l'ajout d'un prologue où Miles (McCarthy) est recueilli dans un hôpital et raconte son histoire à deux médecins et d'une fin différente, quand les médecins comprenant la menace des gousses contactent le FBI. La version de Philip Kaufman de 1978 commence là où le film de Don Siegel aurait du normalement se terminer.

 

 

 


L'ETAU (Topaz 1969) d'Alfred Hitchcok

Le film devait se terminer avec Frederick Stafford tuant en duel au stade Charletty l'agent double interprété par Michel Piccoli mais devant les réaction hilares du public américain, la scène fut coupée et remplacée par un pseudo-suicide utilisant un shoot de Piccoli entrant dans son bureau et en y ajoutant un effet sonore de coup de pistolet. Les deux versions sont visibles sur le DVD.

 


SUPERMAN II (1980) de Richard Donner et Richard Lester

Tourné dans la continuité du premier Superman et achevé à presque 70% par Richard Donner, qui sera viré par les producteurs, Superman II fut complété et remanié par Richard Lester sans en changer complètement la donne. Les changements les plus sensibles se situent à la fin où c'est Jor-El (Marlon Brando) qui se matérialise dans la Forteresse de Solitude pour fusionner avec son fils et lui rendre son pouvoir, et les 3 vilains de Krypton ne sont pas tués dans les glaces mais emprisonnés bien vivants.

 

 


L'EXORCISTE (The Exorcist, 1973) de William Friedkin

Très décriée et taxée de révisionniste, la version restaurée sortie en 2000 (en plus des surimpressions de visage de démon visibles un peu partout) se paie un final plus optimiste où le policier (Lee J. Cobb) invite au cinéma le père Dyer après le départ de Regan et de sa famille de la maison, montrant que la balance est enfin équilibrée entre le bien et la mal.

 



LA BELLE EQUIPE (1936) de Julien Duvivier

La première fin tournée et distribuée en 1936 montrait Jean Gabin tuer Charles Vanel et l'échec de la petite coopérative créée par les potes. Convoqué par Léon Blum alors président du conseil et surfant alors sur la vague du Front Populaire, Julien Duvivier accepte la proposition de l'homme politique de tourner une nouvelle issue optimiste où les ouvriers se rabibochent et où tout roule pour le mieux. Les deux versions seront visibles et diffusées pendant des années, selon que les salles de cinéma étaient situées dans les beaux quartiers ou dans les banlieues populaires !

 


LIAISON FATALE (Fatal Attraction 1987) d'Adrian Lyne

Adrian Lyne a d'abord filmé une fin montrant Alex se suicidant avec un couteau marqué des empreintes de Dan. Sept mois plus tard, il choisissait de modifier cet épilogue pour tourner celui que nous connaissons. Si le réalisateur a d'abord expliqué que ses producteurs avaient fait pression pour obtenir de lui une fin plus convenue, il a finalement lui-même renié cette première mouture, la jugeant trop moralisatrice.

 

 

 
 

 

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