Harry Potter contre La Mort

Damien Virgitti | 24 novembre 2010
Damien Virgitti | 24 novembre 2010

Harry Potter et les reliques de la Mort, première partie de la dernière aventure de la saga Harry Potter, le clame haut et fort dans son titre : le pire ennemi du petit sorcier, au-delà de Voldemort, c’est la Mort elle-même. Les fameuses reliques de la Mort mentionnées dans le film sont en fait trois objets magiques capables de triompher de la mort, enjeu de l’immortalité convoitée par les deux adversaires.


Harry est un enfant en quelque sorte mort dès sa naissance, qui ne doit son existence que pour avoir survécu au massacre de Voldemort dans sa famille. Il est le « boy who lived » comme tot le monde aime à lui rappeler. Tandis que Voldemort est un jeune enfant qui a rapidement consumé son âme d’enfant dans les meurtres au point de perdre physiquement toute humanité, et de prendre les traits d’un serpent, animal biblique, symbole du péché originel.


Cette imagerie de la Mort longe la saga depuis ses débuts et montre bien qu’au-delà des cours de magie et des créatures inventées pour épater les enfants, Harry Potter selon son auteure J.K. Rowling est en fait le rite initiatique d’un enfant qui apprend ce qu’est la Mort… ou comment un jeune garçon de 11 ans apprend tout simplement à grandir…


Retour sur toute cette imagerie mortuaire à travers les 8 films de la saga…

 

 

La Mort comme image d’épinal


Dans les deux premiers films au style le plus enfantin, réalisés par Chris Colombus, c’est surtout Voldemort, à défaut de partager son nom avec elle, qui incarne cette Mort qui marche. Entre vie et mort depuis qu’il a essayé de tuer Harry Potter et que son sort s’est retourné contre lui, Voldemort n’apparait plus que sous la forme d’une ombre encapuchonnée à travers les flashbacks des premiers films. Il est cette silhouette qui approche de la maison des Potter en ouvrant le portail d’une main invisible et aussi celle qui boit du sang de licorne dans une forêt hantée. Car la Mort est aussi celle qui vient tuer les créatures de notre enfance, pour nous forcer peu à peu à abandonner nos rêves et à grandir…

 

 

La pierre philosophale tant convoitée dans le premier livre, en dehors de tout transformer en or, sert d’ailleurs à donner l’immortalité à Voldemort, preuve que dès le début, la Mort est l’un des principaux enjeux de la saga. Le Seigneur des Ténèbres se manifestera ensuite sous une autre apparence dans La chambre des secrets. Celle du fantôme de son journal intime. Ce qui permettra à J.K. Rowling de développer un autre thème majeur de la saga : la puissance des souvenirs pour triompher de la force de la Mort.

 



Le pouvoir de la mémoire, la force du destin


Un thème surtout mis en avant dans le troisième opus, Le prisonnier d’Azkaban, et qui porte la mise en scène d’Alfonso Curaon tout le long du film. Dans cette troisième aventure, Harry Potter fait face aux messagers de la Mort : les Détraqueurs. Sorte de Cavaliers noirs du Seigneur des Anneaux, ils sont les gardiens d’Azkaban, la prison des sorciers, capables de vider tout être humain de tout espoir et de toute vie. Leur dernière arme ultime est le baiser du Détraqueur, comme le Baiser de la Mort, qui emporte à jamais l’âme de l’être capturé.

 

 

Même Ron commentera, qu’à leur contact, il a l’impression qu’il ne rira plus jamais, preuve que les Détraqueurs sont synonymes de mort de l’âme et de l’innocence. Ils sont d’ailleurs perçus par Harry car ils ramènent les souvenirs douloureux du meurtre de ses parents, la nuit où il est plus ou moins mort. Harry passe donc une majorité du livre et du film à lutter contre cette peur à l’aide du Professeur Lupin. Tout un cours est dédié à apprendre aux élèves à ridiculiser leurs peurs, et Harry s’efforce lors de cours particuliers de repousser cette menace en se concentrant sur ses pensées positives. Le pouvoir de l’innocence contre celui de la Mort. Le sort que doit jeter Harry s’appelle d’ailleurs Patronum, qui vient du latin Patron, Protecteur. La longue scène où Harry s’efforce de produire ce sort est d’ailleurs digne d’un entrainement de Jedi et rappelle celui de Luke Skywalker lorsqu’il doit visualiser la boule qui lui tire dessus à bord du Faucon Millénium, preuve que les sorciers de Poudlard doivent aussi lutter contre la Mort à l’aide d’une « force intérieure ».

 

 

Le Patronum de Harry sera d’ailleurs symbolisé par un cerf, l’animal dans lequel pouvait se transformer son père. Le réalisateur Alfonso Curaon explicitera encore plus ce pouvoir des souvenirs en mettant en avant les moments heureux de la vie d’Harry. La séquence majestueuse du vol à dos d’hippogriffe, porté par la partition de John Williams, s’oppose à la scène où Harry était aux prises avec les Détraqueurs et le film se finit sur Harry qui reçoit un nouveau balai pour atténuer une fin en demi-teinte où il a du dire adieu à son parrain Sirius Black et à l’un de ses meilleurs professeurs

 


Un apprentissage de la vie, fait de souffrances et de douleurs, mis aussi en avant par ces interludes dans le film qui montrent le temps qui passe et où la nature reprend ses droits pendant cette année passée pour ces enfants à Poudlard.





La Mort contre-attaque


Si le troisième film est celui du triomphe de l’espoir, alors le quatrième est celui de la revanche de la mort, « L’empire contre-attaque » de la saga Potter. Celui où Voldemort impose une bonne fois pour toute son pouvoir dans le monde de la magie.
Le final, considéré comme l’un des plus violents pour un public enfantin dans la saga, fait échouer Harry et Cédric Diggory, un de ses amis (joué par le alors petit nouveau Robert Pattinson) dans un cimetière. J.K. Rowling donne alors tout de suite le nouveau ton des tomes à venir en tuant froidement le camarade d’Harry. C’est la première mort brutale et en direct de la saga, et elle ne sera pas la dernière. Pour encore plus marquer la présence grandissante de la Mort, Harry est pris au piège dans les bras d’une statue en forme de Mort, avec sa cape et sa faucille, où il assiste médusé, à la résurrection totale de Voldemort qui le provoque en duel.




 

Là encore, leur combat va mettre en avant ce thème de la force des souvenirs puisqu’au cœur de la bataille, un lien magique unissant les deux baguettes, fait rejaillir les fantômes des premières victimes de Voldemort, dont les parents d’Harry qui se tiennent alors à ses côtés et lui donne toute l’aide pour s’en sortir.
« Souvenez-vous de Cédric Diggory ». Tels seront les derniers mots marquants de Dumbledore à la fin de ce film. Une manière pour J.K. Rowling de montrer qu’on ne peut pas ignorer les morts, même dans un conte pour enfants, et qu’il faut apprendre à se souvenir d’eux pour les garder en vie dans notre mémoire. Un discours renforcé dans le livre par une dernière scène qui donne tout son sens aux personnages des frères jumeaux Weasley, éternels farceurs de la saga. Harry leur donne tout l’argent gagné à un tournoi de magie pour qu’ils construisent leur boutique de farces et attrapes, leur disant bien qu’ils seront les seuls à pouvoir apporter de l’humour dans la suite de l’histoire.

 

 

 

Vivre et souffrir


Voldemort ayant un nouveau visage, il ne peut plus vraiment jouer l’image de la Mort dans la saga. L’enjeu est alors déplacé et c’est surtout Harry qui doit faire face à ses ténèbres intérieurs, à son âme hantée par la Mort.
L’Ordre du Phénix, qui initie l’arrivée de David Yates sur la saga, est un film entièrement dédié à ce combat d’Harry contre lui-même, ce qui en fait, malgré les nombreux changements par rapport au livre et reprochés par les fans, l’un des films les plus cohérents de la saga. Dès les premières images du film, Harry erre comme une âme en peine dans un parc abandonné, endeuillé par les images violentes de la mort de Cédric Diggory. Il doit d’ailleurs ensuite se battre à nouveau contre un Détraqueur, symbole de son âme qui s’assombrit peu à peu.
Harry confiera plus tard dans le film que s’attacher aux gens ne finit que par engendrer de la souffrance et de la déception, et il est l’un des rares à voir les Sombrals, des créatures qui ne peuvent être vues que par ceux qui ont vécu la Mort de près. Harry Potter et L'Ordre du Phénix est le film où, après avoir vu les cadavres s’accumuler autour de lui, le petit Potter apprend la souffrance et les affres de la vie.

 

 

Signe ultime de son union avec la mort, il est troublé, tout le long du film, par des visions où il se voit dans la peau de Voldemort. La Mort hante de plus en plus Harry Potter, à tel point que son mentor, Dumbledore, n’ose plus le regarder. La Mort finit par faire son entrée par l’intermédiaire d’un voile mystérieux au cœur du Ministère de la Magie qui emmène les gens vers un lointain au-delà. Les signes de la Mort se feront d’ailleurs de moins en moins équivoques dans les derniers tomes de la saga. Dernière épreuve de cet apprentissage de la vie, Harry assiste, impuissant, au départ de son affectueux parrain Sirius Black. Gangrené de plus en plus de l’intérieur par les ténèbres, Harry se précipite sur la sorcière responsable de ce drame, prêt à lui donner le coup de grâce. Voldemort apparait d’ailleurs derrière lui, comme pour jouer les subconscients malfaisants, lui susurrant les bons mots pour jeter un sort mortel. Dans une dernière scène où Harry est possédé par Voldemort, il se voit même carrément dans un miroir avec le visage du Seigneur des Ténèbres. Et ce n’est qu’auprès de ses amis, qu’en puisant dans tous les souvenirs heureux qu’il a vécu avec eux, qu’il trouve la force de surmonter son ennemi, la Mort.

 

 

Une bien belle scène qui, dans le livre d’origine, ne servait que de test à Dumbledore pour voir s’il était prêt à sacrifier celui qu’il considère presque comme son fils. Un enjeu inversé dans le film qui prouve que David Yates se sera servi de ce film pour montrer comment un gamin apprend à surpasser l’épreuve de la Mort.
Dans une scène très burtonienne qui suit cette leçon d’espoir, Harry aide Luna à chercher ses chaussures, et apprend ainsi qu’avec un peu d’espoir, tout ce qui nous a été pris et a été oublié finit par revenir à nous. Une métaphore discrète et poétique sur les morts qui continuent de vivre en nous (attention spoiler) et qui annonce de façon prophétique la façon dont Harry triomphera de Voldemort. (fin du spoiler)

Harry Potter conclut d’ailleurs à la fin du film qu’il possède enfin une arme que Voldemort ne pourra jamais lui prendre : des amis, une famille. Une cause et une raison « qui vaut la peine de se battre ». Un pouvoir qui dépasse celui de leurs baguettes magiques et qui ne s’apprend pas dans les livres et qui montre bien que Harry Potter est plus qu’un conte pour enfants avec ses héros qui trouvent leurs pouvoirs surtout en eux.

Mais Voldemort l’a prévenu : avec autant d’espoir en lui, Harry ne peut qu’encore plus souffrir face à la réalité qui le rattrapera toujours. « Tu perdras tout » lui dit-il comme un avertissement. Une prédiction qui se réalise dès le film suivant, l’avant dernier acte avant son ultime épreuve. Car pour avancer et grandir, Harry Potter doit tout perdre pour mieux affronter son destin. Et J.K. Rowling prend un malin plaisir à torturer son héros.


Le Prince de sang mêlé est le film où Harry perd son mentor et père de substitution, Dumbledore. Un départ presque programmé depuis le début du film où l'on nous montre un Dumbledore à la main sérieusement affaiblie après son combat avec un des Horcruxes, un des nombreux réceptacles qui contient un bout d’âme de Voldemort. Une façon de nous montrer que même nos pères finissent par saigner, vieillir et partir. Dans une scène cauchemardesque dans une grotte hantée, Dumbledore sacrifie jusqu'à son humanité pour essayer de neutraliser un Horcruxe. Signe de la mort qui rode, la grotte est infestée d’Inferi, des zombies qui attirent Harry dans leur marais poisseux, pour mieux symboliser à nouveau les ténèbres qui s’emparent d’Harry. Une scène qui n’est pas sans rappeler celle du Marais des morts des Les Deux tours où Frodon était attiré par des fantômes pour mieux montrer l’emprise progressive de l’anneau sur lui.





Harry Potter et les reliques de la mort est donc le dernier chapitre de ce grand combat contre la mort. Une lente descente aux Enfers pour Harry et ses amis qui devront pratiquement tout abandonner, quitte à affronter leurs angoisses les plus profondes. La première partie est d’ailleurs pratiquement consacrée à cet enjeu. Alors qu’apparait le logo Warner à l’écran, on entend déjà la musique insidieuse qui caractérise l’emprise des Horcruxes sur nos héros, et qui vient réveiller leurs plus grandes frustrations. Harry Potter 7 est le combat interne du trio où chacun lâche ses quatre vérités. C’est aussi celui où les morts s’accumulent le plus autour de Harry. C’est le temps de la fin de l’innocence et des illusions. La Mort s’invite même directement dans ce dernier acte, comme protagoniste principal de l’histoire, puisqu’à l’origine des fameuses Reliques.


L’affiche de la future deuxième partie nous prévient même d’emblée « Tout finit ici ». La plaisanterie est finie. Le dernier tome qui viendra mettre un point final à une saga qui aura su grandir en même temps que ses héros et que son public pour livrer l’essence même du conte pour enfants : un récit d’apprentissage sur la vie.


 

 

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