Critique : Nick's movie

Ami du cinéaste Nicholas Ray, qui est aussi l'une de ses principales influences revendiquées, Wim Wenders a eu l'occasion de côtoyer de près son maître et de lui confier, deux ans avant sa mort, le rôle d'un peintre dans L'Ami américain.

Pour ceux qui ne le connaitraient pas Nicholas Ray est l'une des figures les plus marquantes de la dernière génération des grands réalisateurs hollywoodiens, l'un de ceux qui contribuèrent à une remise en cause des règles du cinéma classique tel qu'il était pratiqué depuis les années 1920. Ray débute à la mise en scène en 1948 avec un mélo policier : Les Amants de la nuit. Il s'attaquera par la suite à tous les genres cinématographiques, afin de les détourner, de s'amuser avec leurs codes narratifs voire de les rajeunir. De Johnny Guitar à La Fureur de vivre en passant par Traquenard, Derrière le miroir ou Les 55 jours de Pékin ses films ont influencé de nombreux cinéastes dont Wenders.

A l'origine Lightning over water devait être le titre du dernier film de Nicholas Ray. Réalisé en collaboration étroite avec Wim Wenders il raconterait l'élaboration d'un film en repartant du personnage qu'il interprétât dans L'Ami Américain. Mais, en phase terminale d'un cancer, il n'eût jamais eu la force de le mener à bien. Rebaptisé Nick's movie et tourné par le cinéaste allemand, ce film est finalement devenu une forme de making-of de celui qu'ils auraient dû faire et un hommage vibrant à un réalisateur alors dénigré par les grands pontes du nouvel Hollywood.

De plus, au-delà de cet aspect premier, Wim Wenders réussi un documentaire magnifique et dérangeant sur le cinéma dans sa dimension historique et mortifère. Jamais voyeur, ni sentimental, il ne filmera jamais la chair morte ou l'agonie totale mais au contraire les derniers moments de lucidités d'un corps malade et fébrile, pourtant toujours vivant, toujours combatif et dont les derniers jours auront été consacrés, comme le reste de sa vie, au cinéma.