Critique : Les Plaisirs de la chair

Nicolas Thys | 11 juillet 2008
Nicolas Thys | 11 juillet 2008

Les Plaisirs de la chair intervient après une période difficile pour Oshima. En 1961, suite à un différent provoqué par Nuit et Brouillard au Japon, beaucoup trop provoquant politiquement, il quitte le studio qui l'employait, la Shoshiku et se tourne vers la télévision qui le fait vivre. En 1965, pour acquérir davantage d'indépendance et de liberté, il fonde sa propre société de production et tourne donc ce premier long métrage qui ne sortira chez nous qu'en 1986, et qui inaugure une série d'œuvres de plus en plus radicales à la fois dans leur forme et dans les thématiques abordées.

 

A travers cette histoire cyclique et étonnante d'argent, de meurtres et de sexe, Oshima s'en prend à un Japon en pleine mutation comportementale et particulièrement à une frange de la population qui ne parvient à évoluer, prisonnière de mœurs ancestrales désuètes où castes et honneur règnent bien au-delà de l'amour libre ou d'une quelconque idée de mixité économique. Le cinéaste japonais met ici en scène la frustration totale d'un antihéros avili, détruit par un crime qui le dépasse, par un amour interdit, et par une société en décalage avec la modernité grandissante. Ce protagoniste, aux désirs coupables et aux plaisirs tabous, peine à laisser ses sens s'éveiller et devient peu à peu une figure déshumanisée, désincarnée.

 

Une somme importante d'argent lui est alors confiée qu'il va dépenser. Mais au lieu de l'aider à s'épanouir, il va chercher à assouvir ses passions et mettre de côté cette culpabilité qui le ronge pour rattraper le temps perdu et se laisser aller à des pulsions destructrices. Dès lors tout implose en lui. Et en même temps qu'il découvre son corps et laisse parler ses sens, qu'il se fait chair en quelque sorte, il s'abandonne à un côté sombre où finalement règne le sexe à outrance avec désir de viol. Il cherche le malheur d'autrui, fantasme un côté criminel très cinématographique et dévoile ainsi la face monstrueuse et perverse d'une humanité longtemps réfrénée par des conventions et qui ne cherche qu'à se jaillir par chaque pore de sa peau.

 

Très stylisée, la mise en scène ne fera que renforcer ce caractère animal mis à jour par une trop brutale prise de conscience de sa condition d'être humain qui ne peut alors plus que lui échapper et lui retomber dessus.

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