Tabac et cinéma : je t’aime moi non plus

Eric Provot | 26 janvier 2010
Eric Provot | 26 janvier 2010

Sherlock Holmes sans sa pipe ? Clint Eastwood sans son cigarillo dans les westerns de Sergio Leone ? Humphrey Bogart sans sa cigarette ? Tout cela parait impossible à imaginer pour tout cinéphile qui se respecte. Mais les associations ou des lois réussissent quelques fois à remettre en cause tout cela. Dernièrement, c'est la loi Evin qui a fait des siennes. La RATP sur la base de cette loi a interdit à Coco Chanel, Jacques Tati ou bien Serge Gainsbourg de fumer sur les affiches des les couloirs du métro parisien.

 


 

Pourtant, au tout début du cinéma tout était plus simple. Les stars fumaient tranquillement sur l'écran comme les spectateurs dans la salle. La cigarette renforçait l'aura déjà importante des acteurs. James Dean affirme sa rébellion avec la cigarette dans La Fureur de vivre, Audrey Hepburn gagne en glamour avec son porte cigarette dans Diamants sur canapé. Bref, la cigarette parait la plupart du temps « cool » et comme un moyen fort de s'affirmer.  Le spectateur a vite fait d'idéaliser le héros  fumant ou bien même de s'identifier. Qui n'a pas eu envie de reproduire cette scène  (récemment reprise dans Inglourious Basterds) ou le héros du film lance nonchalamment sa cigarette pour mettre en feu tel ou tel objet ou bâtiment (ou personne) ? Mais la cigarette n'est pas l'apanage que des bons. Les criminels et autres tueurs aussi ont droit à ce petit plus qu'apporte la cigarette. Sharon Stone sans sa cigarette lors de la scène de l'interrogatoire de Basic Instinct  n'allumerait pas ses interrogateurs de la même façon. La cigarette est également un élément majeur pour l'ambiance du film. Les volutes de fumées, pas seulement de cigarette, appuient le mystère dans les films noirs des années 40. La clope encore une fois imposait le héros de ces films comme un « Hard boiled », un dur, un vrai. Pourtant, malgré cela Humphrey Bogart, acteur emblématique du film noir, déclarait "Chaque clope que je fume est un clou que je plante pour fermer mon cercueil." Un souci de réalisme guide aussi les réalisateurs. Gainsbourg sans sa cigarette ce n'est pas Gainsbourg par exemple.

 


 

Evolution des mœurs ou prise de conscience des dangers que représente la cigarette ? C'est l'heure de la remise en cause de cette coolitude ou ce glamour inhérent à la cigarette, même si la cigarette s'impose encore sur les écrans. En France, nous avons eu Le Pari, film ou deux Inconnus, Didier Bourdon et Bernard Campan, font le pari d'arrêter la cigarette. Un film qui est  plus ambigu qu'il n'y parait. L'arrêt du tabac signe pour nos deux compères la fin de leur réussite sociale, amoureuse et professionnelle. Ils se retrouvent même à un moment en pitoyables bibendums. Même si comme dans toute bonne comédie française tout se finit bien, le message reste obscur.

D'autres longs métrages sont plus clairs quant à leur message. Il y a Constantine, adaptation du roman graphique Hellblazer, ou le héros fume cigarette sur cigarette. Il est atteint d'un cancer en phase terminale ce qui donne lieu à des scènes qui pourraient faire partie d'une pub anti tabac. Et d'une conclusion dans cette lignée. Comme l'ange Gabriel déclarant au détective comment il détruit sa vie à cause de la cigarette. Autre manière de critiquer la cigarette : Thank you for smoking. Cette fois, c'est l'industrie du tabac qui en prend pour son grade. Le lobbyiste interprété par Aaron Eckhart y est sans pitié ne pensant qu'au profit et non aux morts provoquées par l'industrie qu'il défend.

Ce dernier film apparait presque comme un petit miracle parmi l'industrie du cinéma. Les connivences entre les studios et les compagnies de tabac ne sont plus un secret.  Auparavant, les marques pouvaient s'afficher tranquillement dans n'importe quel film grand public. Une grande exposition et une image positive pour la cigarette. Quoi de plus rêvé ? C'est ainsi que dans Superman II, on voit Lois Lane (Margot Kidder) fumer des Marlboro. Dans ce même film, nous sommes également gratifiés d'une scène ou Superman est éjecté dans un camion de la marque spécialement créé pour l'occasion. De tels camions n'existant pas en réalité.

Mais ces opérations ne sont plus possibles depuis 1998 aux Etats Unis.  Il s'agit de la date du Tobacco Master Settlement Agreement signés entre les principales industries de tabac américaines et les états américains. Depuis le placement produit de cigarette est prohibé dans les films. Les français auront réagi plus tôt avec la fameuse loi Evin de 1991. Cela n'empêche pas la cigarette et ses dérivés d'apparaitre sur l'écran. Certains affirment même que des contrats sont encore signés juste pour voir le tabac apparaitre à l'écran.

La résistance au tabac dans les films continue donc de s'organiser. Pourquoi une telle ardeur ? Ces associations pensent que les films influencent les jeunes. Avec en première ligne aux Etats-Unis, le site Scenesmoking.org. Il s'agit du fameux site qui récompense les films non fumeurs avec des poumons roses et ceux qui fument avec des poumons noirs. Ainsi, Avatar s'est vu décerner les poumons noirs car le personnage incarné par Sigourney Weaver fume fréquemment.

Malgré cela, les acteurs pourront fumer tranquillement sur nos écrans encore longtemps.
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