Albert Dupontel - Interview du Vilain

Didier Verdurand | 12 novembre 2009
Didier Verdurand | 12 novembre 2009

Albert Dupontel est au 18è Festival de Sarlat et garde le moral malgré les spécialités du coin. « Quand j'ai vu le foie gras sur la table tout à l'heure, j'ai failli vomir. Pauvre canard ! » On aurait pu parler de nourriture bio ou de 30 millions d'amis mais rassurez-vous, on a préféré aborder des sujets plus divertissants comme son nouveau film, Le Vilain, les César et le 11 septembre.  Paraît que c'est à la mode...

Vous voulez nous mettre au chômage ?

A savoir ?

Votre blog répond à toutes les questions qu'on pourrait se poser sur vous et Le Vilain. Je fais quoi maintenant ?

Déjà vous pouvez le signaler ! L'envie de communiquer avec les gens a toujours été très présente chez moi mais c'est parfois décourageant de passer entre les mains d'un animateur ou d'un journaliste qui ne laisse pas toujours une grande liberté d'expression. On me l'a reproché et comme Internet est un média hyper pratique dans ce domaine, j'ai pris les devants et réponds aux principales questions que m'envoient les internautes - à peu près une dizaine par semaine.


3 ans « seulement » séparent Le Vilain d'Enfermés dehors. Vous avez moins galéré que d'habitude pour trouver un financement ?

Non, c'est moi qui avance un peu plus vite. Enfermés dehors avait été tellement difficile à faire que celui-ci ne pouvait être que plus facile...

Au fait, j'ai préféré Le Vilain à Enfermés dehors. Et vous ?

Je n'en sais rien. J'ai toujours une tendresse particulière pour Le Créateur malgré son échec au box-office... Son fantôme m'a poursuivi pendant des années jusqu'à me faire douter. Certains préfèrent Bernie au Vilain... Sans prétention, je trouve que mes films sont intéressants, sans qu'ils soient forcément bons. Il y a toujours matière à trouver pour qu'un public varié préfère celui-ci ou celui-là.

Vous lisez les critiques ?

J'aimerais vous dire oui mais ce ne sont pas forcément elles qui me diront ce qui ne va pas dans un film. Par contre, quand un mec comme Terry Gilliam me fait part de ses remarques, là c'est important puisque c'est un peu à cause de lui que je fais ce métier. Je me penchais plus sur les critiques à l'époque de Bernie parce que c'était mon premier long, sans doute. Jusqu'à m'en amuser de certaines négatives parce que ne pas être aimé de gens qu'on n'aime pas soi-même, quelque part c'est cohérent. Je les ai même mises sur le DVD collector ! Non, franchement le plus important à mes yeux, c'est la relation que j'entretiens avec le public.

Dans Le Vilain, vous êtes l'unique scénariste, le réalisateur et l'acteur principal. Qui peut vous le dire, quand vous faîtes fausse route ?

Je suis très autoflagelleur. Pour vous donner une idée, le premier montage durait 1h16 ! J'ai la phobie d'ennuyer, de ne pas être drôle... J'ai clandestinement montré le film à une classe de cinéma dans une salle à Sèvres. J'ai projeté en quicktime une version avec des effets spéciaux qui n'existaient pas encore, un son mono, bref des conditions épouvantables. Ils étaient 30 dans une salle de 200 places : tout pour fuir. Ils sont pourtant arrivés à rentrer dans le film et j'ai pris en compte des remarques. Le montage final dure 1h24. Ma productrice a également été très utile avec de nombreuses lectures de scénario - il y a eu 17 versions en tout.


On cite souvent parmi vos références les frères Coen, Sam Raimi, Terry Gilliam bien sûr et rarement Tex Avery, que je citerais en premier car je trouve vos fims très cartoonesques.

Je me rappelle avoir vu et ingurgité des films pendant très longtemps comme Brazil ou Arizona Junior. Si on remonte plus loin il y a sûrement des Tex Avery mais pas un en particulier, voilà pourquoi on le cite moins.

Vous en regardiez quand vous étiez petit, à la télévision ?

Pas trop, il n'y avait pas autant de chaînes dans les années 70. Et depuis 13 ans, je n'ai plus de télé. En revanche j'ai de nombreux DVD dont le coffret Tex Avery et il y a des perles dedans, sans aucun doute. Mais au fond je ne cherche pas à tourner comme untel ou untel parce que ce serait prétentieux et surtout voué à l'échec. Dans le meilleur des cas, on réinvente des choses qu'on a oubliées. Ce n'est pas conscient.

Pas de télé chez vous mais le Net, si ?

Oui, beaucoup. Avec mon fils, aussi. Il m'a fait une réflexion très drôle récemment, pendant qu'on regardait la télé chez d'autres personnes : « C'est bien la télé, on peut voir ce qu'on a loupé sur le Internet ! » Le slogan de toute une génération qui arrive.

C'est vrai que vous vous êtes fait virer de la maternelle à 4 ans ½ ?

Je vous rassure, c'est mon seul fait d'armes scolaire. J'étais un gosse probablement dur à tenir et la directrice de l'école a demandé à ma mère si elle pouvait m'emmener loin d'elle...

Vous martyrisiez des bêtes ?

Non j'étais juste turbulent, je n'écoutais pas... J'ai eu une année d'avance grâce à ça mais je me suis empressé de la perdre plus tard. Mais je précise que je me suis amélioré quand même avec le temps, je suis devenu relativement sage malgré tout.

Allez-vous organiser une projection du Vilain pour Brigitte Bardot ?

Il faudra qu'elle voit le making of pour se rassurer. Aucun animal n'a été maltraité. J'aime bien les gags animaliers, il y en a dans tous mes films. Mes personnages ont un niveau mental assez bas et cette potacherie un peu cruelle qu'ont les gosses avec les animaux.

Revenons à votre blog. A sa lecture je me suis demandé si on ne vous verrait pas un jour avec Kassovitz et Bigard dans un film !

Je dis avec beaucoup de prudence que le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on peut s'interroger ! Sur Internet, il y a des Prix Nobel de littérature comme Dario Fo qui remettent en question la version officielle - attention ils ne disent pas que l'attentat n'a pas eu lieu ! La version officielle, elle est bizarre, voilà. Il y a des gens très compétents qui expliquent ça à longueur de DVD, il y a une quantité incroyable de liens sur le Net... Je dis juste qu'il ne faut pas ostraciser les gens quand publiquement, ils se posent des questions.

Et ça vous plaît que Kassovitz et Bigard le fasse ?

Heu... Non, parce qu'ils ne sont pas forcément habilités, c'est ça le drame. Mais je me suis penché sur le travail de gens compétents et je répète le mot « bizarre » pour exprimer mon trouble. Voilà, c'est tout ce que je peux dire.

Puisqu'on est dans le chapitre « Polémiques », un mot sur votre clash en direct sur France 3 avec Laurent Bignolas ? Ca plombe une promo ?

Au contraire ! Ceux qui ne m'aimaient pas vont continuer à me détester avec un argument supplémentaire et ceux qui m'aimaient bien se sentent renforcés dans leur affection. (grand sourire) J'ai fait parler de moi mais je n'ai aucune vocation à le faire ainsi, je n'aime pas ça. Je trouve très bête de s'agacer comme je l'ai fait et je trouve encore plus bête de faire venir quelqu'un sur un plateau télé alors qu'on n'a pas vu son travail. C'est la responsabilité du journaliste d'informer les gens en connaissant un peu son sujet et en l'occurrence, le sujet était plus simple que le 11 septembre, ce n'est pas sorcier de voir un film !


Vous citez sur votre blog des noms d'intervieweurs qui trouvent grâce à vos yeux et j'avoue qu'ils m'ont laissé pantois. Pour moi, les interviews de Claire Chazal au 20h et de Michel Denisot dans le Grand journal sont parmi les plus nulles qu'on puisse trouver à la télévision...

J'ai dit qu' ils avaient vu les films dont ils parlaient, pas que c'était prodigieux d'intérêt. Ils sont consciencieux, au moins ! Je ne connaissais pas Chazal et pourtant sur mon film précédent, elle a fait des interviews détaillées et abouties, pour la télé et la radio. Je trouve ça bien mais je trouve surtout que c'est la moindre des choses. Sinon on ne vous invite pas, ce ne sont pas les sujets intéressants qui manquent !

Un mot sur le César de la Meilleure comédie, qui ne verra pas le jour finalement ?

J'en ai absolument rien à foutre des César à un point même que vous ne pouvez pas imaginer. Les César sont au cinéma ce que l'élection de Miss France est à la beauté : un phénomène locorégional qui n'a franchement pas d'intérêt mais, je module mon propos, des gens très talentueux ont été récompensés. A titre personnel, je n'ai pas choisi ce métier pour aller chercher une statuette, déguisé en pingouin. C'est bien que ça existe car ça fait de la pub pour le cinéma et tant qu'il y a du cinéma, moi, je peux en faire !

On finit sur Haneke ?

Haneke ? Je n'aime pas, ça m'ennuie. Mais je me mets à la place du lecteur outré qui se demandera qui est ce petit foireux pour oser se moquer du maître Haneke et je lui réponds : Oui, j'ose.

 

Propos recueillis par Didier Verdurand à Sarlat.

Autoportrait d'Albert Dupontel.

Retrouvez le blog d'Albert Dupontel sur www.albertdupontel.com

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