Haneke, ciné alternatif ou tendance ?

Julien Dayssiols | 20 octobre 2009
Julien Dayssiols | 20 octobre 2009

Pour beaucoup l’emblème d’un cinéma alternatif, adulé des uns, décrié des autres, mais ne laissant que rarement indifférent, Michael Haneke dériverait-il désormais vers un courant plus « mainstream » ? Parangon d’un cinéma dur et violent, souvent emprunt de silence mais traitant toujours de thèmes noirs, le cinéma de Michael Haneke, d’abord en marge du tout médiatique, semble aujourd’hui devenir tendance. Michael Haneke, ou le nouveau réalisateur à la mode des cultureux branchés ? La dureté de son cinéma ne laissait pourtant pas présager d'une pareille unanimité de reconnaissance. Pour exemple, lors de la présentation cannoise de Funny Games, Wim Wenders quitta la salle. "Il (Funny Games) fonctionne comme un cauchemar dont on ne peut pas s'échapper." se justifia-t-il. "Quand j'ai un cauchemar, je me lève parce que je sais que si je me rendors tout de suite, je vais retomber dans le cauchemar. Funny Games, c'est exactement ça. J'ai l'impression que c'est ce que voulait Haneke. En sortant avant la fin du film, je lui ai peut-être rendu justice". En réaction, Michael Haneke expliquera plus tard : "Funny Games est le seul film où je voulais vraiement gifler le spectateur, pour qu'il prenne conscience du pouvoir des images, en mettant de l'huile sur le feu. Ca été mal interprété, j'étais furieux à cet époque". Sans doute, pourrions-nous voir dans La pianiste le premier virage vers une reconnaissance plus grande. Le film retrace la vie sexuelle désespérée d’une honorable professeure quadra de piano, qui fera la rencontre d’un élève plus jeune de vingt ans,  prologue à une relation troublante et perverse. Ordurier par excellence, La pianiste, Grand prix du jury à Cannes (2001), est le premier grand succès de Michael Haneke. Suit Caché, avec Juliette Binoche, prix de la mise en scène au festival de Cannes 2005.

 

 

Avec son dernier film, Le Ruban Blanc, qui sort en salle ce mercredi, Michael Haneke a remporté la Palme d’Or du dernier festival de Cannes. Ce qui amène à poser la question suivante : le cinéma des débuts de Michael Haneke est-il différent de celui de ses derniers films ? Probablement pas, puisqu’à y regarder de plus près, les films signés Haneke possèdent chacun des spécificités communes. Premier attribut sur le plan formel, avec un goût pour le plan-séquence et une exigence constante de sobriété. Dans une interview à  La Croix, le réalisateur autrichien revient sur son style à part : "j'aime beaucoup les plans-séquences pour plusieurs raisons. La manipualtion du temps n'existe pas dans un plan-séquence. Les acteurs peuvent développer leur sentiment. C'est ausi plus élégant mais tout dépend de la scène".  Quant à son goût pour le silence, il dénonce l'utilisation  de la musique "pour cacher les défauts du réalisateur". Michael Haneke professe d’ailleurs avoir pour modèle un certain Robert Bresson… Deuxième similitude, ensuite, sur  certaines thématiques  qui reviennent presque toujours, et qui constituent, quelque part, un lien entre chacun de ses films. Ainsi de l’éducation, un des thèmes centrales du Ruban Blanc : « L’erreur est de vouloir trouver un modèle idéal » explique à ce sujet Michael Haneke. « Le monde évolue et il faut tout reconstruire à chaque génération. Dans Le Ruban Blanc, j’évoque l’éducation sous l’angle de la sévérité, dans Benny’s video sous celui du laxisme ». Conclusion : même devenu tendance, les films Michael Haneke conservent toujours un univers à part. Pour public averti, donc.

 

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