Top horreur n°30 : Le Projet Blair Witch

La Rédaction | 1 octobre 2009
La Rédaction | 1 octobre 2009

Pour fêter le mois d'Halloween, la rédaction d'Ecran Large a pris son courage à deux mains et s'est lancée dans l'impossible : élire ses 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma. Pour être le plus rigoureux possible, des règles ont été établies comme celle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste dans le classement final (sauf une exception mais chut on vous expliquera à la fin du mois pourquoi). 12 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 40 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'à la fameuse nuit d'Halloween qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma d'horreur. 

 

 

30 – Le Projet Blair Witch (The Blair Witch Project, 1999) de E. Sánchez et D. Myrick

 

 

 

Didier Verdurand :

Quand deux réalisateurs fauchés donnent une leçon de cinéma amateur… La campagne marketing, aussi révolutionnaire soit-elle, n’explique pas le triomphe d’un film ; elle y contribue seulement. Si Le Projet Blair Witch n’avait pas fait peur à des millions de spectateurs, on l’aurait déjà oublié. 

Sandy Gillet :

Un vrai film de pure trouille qui marche sans besoin de se forcer à y croire. Le reste n’est qu’anecdotique !

Ilan Ferry

Comment faire peur avec trois acteurs et une caméra ? La réponse est simple : en créant de toutes pièces une mythologie si ancrée dans le réel qu’elle en devient terrifiante ! 

 

La présence d'un film tel que Le projet Blair Witch dans un classement des meilleurs films d'horreur a de quoi dérouter: depuis sa sortie il y a une dizaine d'année, le métrage de Myrick et Sánchez n'a eu cesse de créer la polémique, possédant autant de détracteurs que de spectateurs acquis à sa cause. Cependant, malgré son évident travers (il ne s'agit en fait qu'un canular bien pensé et opportuniste), force est de constater l'incroyable inventivité et l'efficacité de cette petite pelloche horrifique. Car, avec pour seules armes un peu de créativité et beaucoup d'huile de coude, cette brillante imposture aura littéralement renouvelé le genre et largement démontré que le « système d » est bien souvent plus sidérant que les grosses ficelles habituelles. Ou l'art de la suggestion sur l'illustration systématique...

Courant 1998, un groupe de cinq amis, tous anciens élèves de l'Université de Floride section cinéma,  fondent une petite boite de production dans le but de se mettre le pied à l'étrier. Baptisée Haxan Films en hommage au documentaire sur la sorcellerie réalisé par Benjamin Christensen en 1922, la petite société est sensée les aider à passer le pas, les premières tentatives de  Sánchez avec le court Gabriel's Dream n'ayant rien donné. Avec à sa tête Myrick et Sánchez, la boite est à la recherche d'un projet pouvant faire cohabiter harmonieusement talent et budget dérisoire. En quête d'un sujet viable, le tandem va se pencher vers leur domaine de prédilection et culturellement omniprésent dans l'histoire folklorique de la côte est américaine: la magie noire et l'occulte. Se plongeant dans les rumeurs et les légendes locales, ils vont reconstituer une mythologie mystérieuse prenant autant appui sur de sordides faits divers que sur quelques ragots inventés de toutes pièces. Et c'est ainsi qu'avec comme unique scénario une bible imaginaire d'une trentaine de pages, le duo va s'investir corps et âmes dans ce qui s'avérera être la farce la plus lucrative de toute l'histoire du cinéma.


 

Sans le sou, sans équipe technique mais avec un courage à tout épreuve, la petite équipe va mettre en place tout un stratagème devant embobiner le public: ne possédant aucun moyen de se faire connaitre, ils fomentent une véritable stratégie commerciale et ce, bien avant, d'avoir tourner une seule image. Misant sur une communication exclusivement via l'internet, le groupe commence discrètement mais surement à prendre d'assaut les forums, lançant ici et là le bruit qu'une équipe de cinéastes amateurs aurait disparu il y a quelques années durant le tournage d'un documentaire... N'hésitant pas à balancer quelques fausses informations voir même à totalement contredire leurs propos, ils parviennent à donner naissance à une véritable légende urbaine, pour l'heure, uniquement réservée aux usagers du web. Le travail en amont étant couronné d'un joli succès et une toute petite aura de crédibilité se faisant autour d'eux, Haxan Films parvient a rassembler quelques 22000 dollars, somme suffisamment conséquente pour leur permettre d'acheter un peu de matériel et de s'offrir les services d'un trio d'acteurs de seconde zone.

 

Sachant pertinemment que leur métrage se devra d'être aussi novateur que leur première annonce, Myrick et Sánchez planchent sur l'idée d'un faux document vérité. Reprenant à leur compte le concept déjà établi par Ruggero Deodato dans son fameux Cannibal Holocaust de 1980, les deux mettent en place une sorte de jeu de piste dont chacun des rebondissements sera filmé par les comédiens eux-mêmes. Tout d'abord présenté aux acteurs sous le nom du Black Hills Project, le sujet du métrage ne leur est que très vaguement expliqué: on a retrouvé les bandes vidéo d'un groupe de cinéastes disparus, le film final étant un montage de leur aventure. Embarqué là-dedans, le trio composé de Heather Donahue, Joshua Leonard et Michael C. Williams se voit remettre la mythologie et une invitation à un séminaire consacré aux techniques vidéos. Après deux jours de formation et un contrat bien particulier signé (les clauses stipulent, entre autres, qu'ils devront garder leurs noms et que la production est en droit de les faire « disparaitre » de sites tels que IMDB par exemple), les trois se voient envoyer dans la région du Maryland pour une petite semaine de camping!

 

Techniquement, comment se déroulera le tournage: les trois comédiens se verront remettre, en plus de leur matériel de prise de vue, un GPS ainsi que quelques notes leur indiquant les directions à prendre. Seuls sur le terrain, sans quasiment jamais rencontrer l'équipe de réalisation, ils vont tout d'abord aller à la rencontre de certaines personnes dans le but d'obtenir quelques témoignages: ne sachant jamais s'ils ont affaire à d'autres comédiens ou à de réels citadins, le trio va petit à petit se laisser prendre au jeu conçu par les deux réalisateurs. Surtout que, dans un souci de véracité, les deux vont confier la régie à leur ami Greg Hale, tout juste revenu d'un stage commando, et qui va s'amuser à attaquer psychologiquement les trois acteurs. Quel n'est pas leur surprise, par exemple, lorsqu'au bout de quatre jours à camper dans les bois au milieu de nulle part, ils se rendent au point de rendez vous (signalé par des balises orange fluo) pour échanger les rushs contre la nourriture et qu'ils se rendent comptent que les portions alimentaires ont été réduites de moitié! D'ailleurs Hale n'est pas en reste pour leur mettre la pression puisque, en plus de les sous-alimenter, il se met d'accord avec les réalisateurs pour que les randonnées quotidiennes soient de plus en plus longues!

 

Les rushs étant plus vrais que nature, Myrick et Sánchez décident de passer à la vitesse supérieure et d'entrer dans le vif du sujet: le film doit être fantastique? Il le sera! N'hésitant pas à faire plus d'une dizaine de kilomètres à la lampe frontale pour venir secouer en pleine nuit la tente des randonneurs épuisés, ils obtiennent ainsi des images saisissantes de terreur, les trois étant au bord de la crise de nerf. Ne sachant pas où ils vont et ce qu'il leurs arrivera par la suite, les trois comédiens commencent à complètement lâcher la réalité et à tomber dans la paranoïa: Heather Donahue, seule femme du groupe, s'endort systématiquement avec un couteau dans son duvet; les tensions et les disputes se font de plus en plus nombreuses et violentes et tous commencent à craquer. Et lorsque l'une des caméras se casse suite à une chute de l'un des comédiens, c'est carrément la haine qui prend le dessus... Ajoutez à cela quelques piles de pierres ici et là et quelques babioles en brindilles fixées dans les arbres et le tour est joué! Persuadés que la sorcière de Blair (sujet de leur documentaire) existe, les rushs quotidiens dévoilent une véritable montée dans la terreur. 

Tellement sidérants d'ailleurs que le premier montage du Projet Blair Witch durera près de deux heures et demi! Gonflant de plus en plus la rumeur sur la toile, Myrick et Sánchez gonflent le buzz au point qu'à un certain moment plus personne ne sait ce qu'il en retourne... D'autant plus qu'après la première projection du nouveau montage (une heure dix-huit), Artisan s'empresse d'acheter le métrage et le distribue et revendiquant la véracité des faits! L'intox fonctionne à plein régime et les deux réalisateurs sont sous les feux des projecteurs: le film n'est pas encore sorti en salles que la chaine Sci-Fi leur propose de réaliser une préquelle du Projet Blair Witch! Nommé Curse of the Blair witch et avec une cinquantaine de minutes au compteur, le documentaire reprend l'ensemble de la mythologie et introduit pleinement le long métrage. Retournant à Burkittsville et au parc de Seneca Creek, ils embourbent encore plus les spectateurs, prêchant le vrai pour faire croire au faux... Comme chacun sait, le Projet Blair Witch sera durant quelques années le film indépendant le plus rentable de l'histoire du cinéma avec plus de 248 millions de dollars de récoltés au box-office. Carton incommensurable et mérité, le vrai -faux- calvaire des trois comédiens retournera toutes les têtes mais hélas pas leurs carrières: ni eux, ni les réalisateurs ne parviendront à se détacher du succès du métrage. Une suite sera mis en chantier et apparaitront des jeux vidéos et tout un tas de produits dérivés qui, hélas, enterreront un peu plus la pureté du métrage, certains n'y voyant qu'un canular prétentieux... Les parodies en tous genres l'achevant un peu plus, Le projet Blair Witch aura bien du mal à tenir une aussi belle réputation que celle des premiers jours.

Et pourtant, lorsque l'on redécouvre le métrage de Myrick et Sánchez aujourd'hui, on ne peut que reconnaitre que le Projet Blair Witch est bien plus que des litres de morves, des galets dans la forêt et une actrice pour le peu horripilante! Car il s'agit assurément d'une heure et quart de pure trouille...         

Florent Kretz

 


 

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