Star Trek : l'avenir du futur - Deuxième partie

Patrick Antona | 5 mai 2009
Patrick Antona | 5 mai 2009

C'est d'abord le domaine du dessin animé qui relancera les aventures de Kirk et Spock sur les écrans télévisées avec 22 épisodes produits par la société Filmation entre 1973 et 1975. Bien que se basant sur des histoires originales et plus spectaculaires que celles des sixties (plus d'ET, plus de vaisseaux spatiaux) et doublés par les acteurs originaux, cette série est orientée vers un public plus juvénile et ne réussit pas à faire oublier le charme de la série live,  peu aidé en cela par une animation sommaire. Mais l'impulsion est donné pour un retour  plus glorieux et Gene Rodenberry ne cesse de monter des projets et des scenarii avec l'équipage initial, mais ces efforts ne seront jamais concrétisés, malgré l'implication du réalisateur Philip Kaufman en 1976 pour un long-métrage. Ce dernier abandonne le projet et s'en va tourner le remake de Invasion of the Body Snatchers alors que Paramount s'oriente vers une série TV titrée Star Trek Phase II, qui verrait un Enterprise mélangeant ancienne et nouvelle génération repartir pour une mission de cinq ans, sans Leonard Nimoy qui était alors en pleine bisbille financière.

 

 

 

Mais avec le succès planétaire de Star Wars puis de Rencontre du 3° Type en 1977 démontrant que la SF à grand spectacle est à nouveau viable pour le grand écran, la Paramount décide de relancer l'idée d ' une version cinéma avec Star Trek : The motion Picture. Le vétéran Robert Wise (Le Jour où la Terre s'arrêta, West Side Story) est engagé pour le réaliser mais le projet se révèle houleux, avec Gene Rodenberry, devenu consultant, qui menace de quitter plusieurs fois le bateau et un budget initial qui grimpe de 15 à 45 millions de $. Points positifs : le retour de Leonard Nimoy chaussant les oreilles de Spock qui ravit les fans et l'implication des spécialistes Douglas Trumbull et John Dykstra pour finaliser les SFX. Le film sort en Décembre 1979 sur les écrans américains et remporte un grand succès, ravissant la communauté trekkie mais laissant les autres quelque peu dubitatifs.

 

Au vu de ce film dont le design évoque plus celui de 2001 avec ce nouvel Enterprise profilé, ces costumes et couloirs immaculés et dont l'histoire est un amalgame de deux épisodes phares de la série (« The Changeling » et « The Doomsday Machine »), on est plus à même de ressentir de l'ennui que de la passion pour cette aventure certes ambitieuse. Versant dans la complaisance admiration des superbes SFX et de la vision du monde de V'Ger, le vaisseau géant menaçant de détruire la Terre (une constante dans nombre d'histoires de la saga), Robert Wise n'arrive pas à dynamiser son récit, se bornant à respecter les canons trekkiens mais sans y ajouter ce petit supplément d'âme qui aurait pus rendre ses personnages intéressants. Dans les points positifs, il en ressort une superbe partition symphonique qui deviendra un des thèmes majeurs de la SF au cinéma et que Star Trek: The motion Picture pose les base d'une continuité chronologique crédible dans cet univers fictionnel. Malgré son côté empesé, le film comporte  quelques belles séquences, comme la destruction des croiseurs klingons ou la révélation de l'identité de V'Ger et le final « orgasmique », mais nombre de scènes d'action sont restés sur la table de montage, preuve d'une production chaotique. Il faudra attendre une version TV rallongée en 1994 puis la version DVD titré The Director's Edition en 2001, supervisée par Wise et améliorée par des effets spéciaux par ordinateur pour cerner la sophistication de l'œuvre et en apprécier ses qualités fondamentales, même si le manque de rythme est toujours aussi flagrant.

 

 

 

Carton au box-office oblige, une séquelle est mise sur les rails mais il est décidé de monter un film avec un budget resserré (on réutilisera ainsi des plans SFX ou des maquettes du premier film) et de verser plus dans l'action, afin de conquérir un public plus vaste. Le scénariste et réalisateur Nicholas Meyer (C'était Demain) s'attèle au projet, avec le producteur Harve Bennett, alors que Gene Rodenberry prend ses distances: il a l'idée en tête d'une nouvelle saga qui deviendra Star Trek : The Next Generation. Les auteurs ressortent un des méchants emblématiques de la série des 60s, à savoir le tyran Khan, humain amélioré génétiquement, toujours interprété par Riccardo Montalban en sur-régime et, retenant la leçon des Star Wars, optent pour une vision moins immaculée du futur. Sorti en 1982, Star Trek II: la colère de Khan est empreint d'un pessimisme et d'une violence rare, les références à la mort et à la vieillesse des personnages étant un des thèmes justement abordés, et ce second épisode cinéma abandonne la vision des rapports non-conflictuelle voulue par Rodenberry au profit d'une optique plus militaire. D'ailleurs les affrontements des vaisseaux ressemblent plus des duels de sous-marins, et Kirk dégaine aisément le phaser avant de discuter. Le film se veut révolutionnaire au niveau des effets spéciaux, supervisés par ILM, et fait date avec une des premières grandes séquences full-CGI, montrant les effets terra-formateurs de la bombe Genesis. Même si la réalisation est assez basique, on est plus en face d'un téléfilm de luxe que du film ambitieux voulue par Rodenberry, le but est atteint avec cet actioner efficace qui est resté mémorable pour deux scènes : le test sans issue du Kobayashi Maru (réutilisé dans le film de J.J. Abrams) et la mort héroïque de Spock ! Brisant un des tabous de Star Trek, Nicholas Meyer crée un choc dans la communauté trekkie, déclenchant les foudres de ses membres les plus hardcore qui militeront pour le retour de leur personnage préféré, et se paie un joli succès public, le film égalant le précédent opus au  box-office.

 

 

 

Effet direct de la mort du vulcain à la logique imparable, un troisième volet est mis en branle avec cette fois-ci Leonard Nimoy aux commandes (il avait déjà une expérience de réalisateur à la télé) qui verra Kirk, McCoy et les autres se rebeller contre Starfleet, dérober un Enterprise promis à la casse et partir à la recherche de Spock, dont le corps a été régénéré par les retombées imprévues de la bombe Genesis. Suite directe et sans temps mort de La colère de Khan, Star Trek III: A la recherche de Spock sort en 1984 alors que la vogue du space opera commence à se tarir et rencontre un succès fracassant... aux USA il va s'en dire, les spectateurs des autres pays étant encore récalcitrant à l'univers créé par Rodenberry. Réintroduisant les Klingons de la série originelle comme adversaires irréductibles des humains, toujours servis par des SFX impeccables de ILM (les scènes de destruction de Genesis sont toujours aussi spectaculaires vingt-cinq ans après), le film de Leonard Nimoy reste dans la droite ligne de son prédécesseur, fait avec application mais sans génie, tout en s'incluant parfaitement dans la continuité de la chronologie trekkienne. Et de rester dans les mémoires en donnant un de ces tournants cultes qui deviendra un leitmotiv de Star Trek, à savoir la destruction du vaisseau Enterprise. Si les scènes où Kirk pleurant sur le sort de Spock, tout en négligeant la perte de son propre fils, prêtent quelque peu à sourire, les acteurs, qui ont tous dépassés la cinquantaine alors, remplissent leur fonction avec métier et donnent du relief à une saga qui semble partie sur de bons rails.

 

 

 

Après deux films marqués par une certaine fatalité, Leonard Nimoy et Nicholas Meyer, rappelé pour contribution scénaristique, optent pour un 4° épisode plus orienté comédie. Il fut même envisagé à un moment qu'Eddie Murphy serait associé dans l'aventure mais c'est définitivement le duo Shatner/Nimoy qui demeureront les seuls stars à bord de Star Trek IV: Retour du Terre sorti en 1986. Surfant sur l'engouement du public pour la défense des espèces menacées (en l'occurrence les cétacés) et reprenant des thèmes inhérents à la série, comme le voyage dans le temps et l'intrusion d'une entité extra-terrestre destructrice, les auteurs concoctent une espèce de soap-opera léger et sympathique qui verra Spock, qui a récupéré ses capacités intellectuelles, faire la baignade avec des baleines à bosse et Kirk draguer la mignonne océanologue Catherine Hicks dans le San Francisco des années 80. Concluant la trilogie initiée par La Colère de Khan sur un mode mineur et inoffensif, ce 4° épisode, toujours réalisé par Nimoy, est un nouveau festival de SFX de ILM et se paye le luxe du meilleur score au box office de la série, dépassant les 100 millions de $ de recette, preuve que le phénomène Star Trek est toujours aussi prégnant pour le public américain. Et, manière d'allécher les fans, le film se conclut sur la réintégration des papys de l'espace au sein de Starfleet aux commandes d'un nouvel Enterprise, tout neuf et rutilant.

 

 

 

Avec le succès des films au cinéma, plus le début sur des chapeaux de roue de la nouvelle série TV de Gene Rodenberry, Star Trek : The next Generation, l'avenir semblait radieux pour la saga. C'était sans compter sans la pugnacité de William Shatner, qui de son partenaire et néanmoins ami, réussit à s'imposer comme auteur et réalisateur du 5° épisode, dont l'ambition avérée n'est rien moins que de faire découvrir l'antre de Dieu aux voyageurs de l'Enterprise! Résultat des courses, Star Trek V: L'Ultime frontière, sorti en 1989, est un bide commercial (le film ne sera même pas distribué en France) et un échec artistique cinglant qui manquera de sonner le glas des films Star Trek au cinéma. La faute à un scénario mélangeant tout (Spock se découvre un demi-frère ayant abandonné l'insensibilité vulcaine, on fait du scoutisme dans le parc de Yellowstone en chantant Au clair de la lune !) dans une incohérence narrative assez manifeste, passant allègrement d'apartés comiques où les Klingons sont rabaissés à des méchants d'opérette à des scènes dramatiques où chacun des protagonistes est censé être confrontés à ces démons. Quant à l'idée initiale de se confronter à l'Etre suprême commun à toutes les races de l'Univers (un des rares points respectueux de la Bible de Rodenberry), elle ne débouche au final qu'à un ersatz du Magicien d'Oz qui finit de renvoyer Willima Shatner à sa vanité et condamne le film en tant que vilain petit canard de la série.

 

 

 

Suite à cette débâcle, l'idée de lancer une série Stafleet Academy censée narrer les débuts de nos héros interstellaires est abandonné par la Paramount et Harve Bennett, promoteur de la série depuis le second épisode, retourne vers le monde de la télévision. Leonard Nimoy et Nicholas Meyer sont à nouveau rappeler pour renflouer le bateau et ont l'idée de génie de bâtir le 6° épisode en faisant le parallèle avec la situation politique des années 90, avec évocation de la catastrophe de Tchernobyl et de la perestroïka soviétique. Débutant par une scène catastrophe spectaculaire qui voit une des lunes de l'Empire Klingon être pulvérisé et se déclinant comme un thriller efficace et mouvementé qui renoue avec les idéaux véhiculés depuis les premiers épsiodes TV, Star Trek VI: Terre Inconnue se révèle être une conclusion plus que convenable à la saga de l'Enterprise au XXIII° siècle. Le film, à nouveau réalisé par Nicholas Meyer, recèle de séquences d'actions mémorables, comme celles de la planète-prison où Kirk est emprisonné ou encore le meurtre en apesanteur du chancelier des Klingons, ces derniers prenant un relief psychologique supplémentaire et bienvenu, servi par des comédiens capés que sont Christopher Plummer et David Warner. Autre apport non negligeable, Kim Cattrall campe une Vulcaine sexy et retors, et se fit quelque peu grondé par Nimoy en tentant de se faire photographier nue sur la passerelle de l'Enterprise!   Le film sert aussi habilement la mythologie trekkienne, posant les bases de la paix avec les Klingons et leur entrée dans la Fédération, ressort qui sera abondamment utilisé dans les séries Next Generation et Deep Space Nine, et assurant ainsi la continuité de l'ensemble, tout en négligeant aucunement d'être un divertissement. Les fans purs et durs de la première heure seront aussi récompensés avec la promotion de Sulu en tant que commandant et héros de Starfleet, arrivant tel la cavalerie au dernier moment pour sauver la partie. Succès au box-office, sauf en France, ce qui demeure une constante pour l'instant, Terre Inconnue clôt intelligemment vingt-cinq années d'épopée spatiale (dans la chronologie trekkienne cela regroupe les années 2265-2293) sur une dernière annotation au carnet de bord du capitaine et une retraite méritée pour le vaisseau Enterprise, laissant désormais la place libre pour le capitaine Picard et ses nouveaux explorateurs du futur.

 

Malgré ce final, certains des protagonistes de cette époque feront de nouvelles apparitions dans les spin-off télévisés et les films à venir de la saga Next Generation, que ce soit le docteur McCoy, l'ingénieur Scott voir Chekov. Mais c'est surtout Spock à qui ces origines vulcaines confèrent une longévité plus que séculaire qui sera utilisé comme trait d'union dans l'univers développé par Gene Rodenberry (l'arc « Unification » dans  Star Trek : The next Generation) et c'est aussi sans compter avec l'indestructible capitaine Kirk qui fera son ultime retour pour épauler son successeur Picard dans Star Trek: Generations, sorti en 1994, grâce à l'opportunité d'une anomalie temporelle qui l'avait conservée jusqu'au XXIV° siècle.

 

 

Retrouvez notre 1ère partie du dossier Star Trek en cliquant sur la photo ci-dessous :

 


 

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